Kingdom Come
Depuis le début du XXe siècle, la réputation et les conditions de vie au sein des hôpitaux psychiatriques ont évolué de telles manières à renvoyer une image apaisante de la maladie mentale. Des camisoles de contention aux camisoles chimiques, les apparences ont fait un bond en avant pour rendre acceptable les traitements et autres thérapies qui eux, se contentent de soigner les symptômes et rarement l’origine des affections. On rebaptise quelques méthodes archaïques (les électrochocs deviennent l’électroconvulsivothérapie) et le tour est joué ! Pourtant, le cinéma d’horreur aime à dépeindre l’atmosphère lourde et suintante des asiles d’aliénés avec ces couloirs sordides, ces sadiques en blouse blanche et leurs douces folies de l’esprit…
Après un Devil seed pour le moins bancal, Greg A. Sager se propose donc une petite excursion dans l’un d’eux, abandonné, délabré et désert de surcroît (enfin, presque). L’entame est loin d’enthousiasmer avec un réveil douloureux pour chaque protagoniste dans un endroit dont ils ignorent tout. Entre l’exploration de celui-ci, les tensions montantes et les phénomènes paranormaux qui se manifestent avec violence, l’intrigue peine à trouver son rythme de croisière. Il est vrai que Kingdom come ne concourt pas vraiment dans la catégorie « effrayant ». On dénote la volonté de suggérer plutôt que d’être expansif, mais le cinéaste se départira rarement des ficelles du genre.
Fort heureusement, il les use avec une certaine habileté non pas pour rendre palpable le calvaire que traversent ses personnages, mais pour conférer un aspect crasseux et glauque à la bobine. L’ambiance, reconnaissons-le, s’avère suffisamment sombre et énigmatique pour se laisser porter dans ces corridors noyés d’obscurité. Étant donné qu’ils ont rapidement la bonne idée de se séparer, l’on jongle entre les points de vue des groupes formés en devinant facilement qui survivra ou pas. Peu de surprises également en ce qui concerne la raison de cette épreuve ou ce qui en découlera par la suite. Sans même se référer à un synopsis détaillé, il est aisé de deviner la nature de l’endroit et de ses habitants.
En dépit d’un budget modeste, la réalisation ne pâtit pas d’un cachet amateuriste ou de toute autre considération au rabais. Outre l’impression d’enfermement permanente, l’obscurité se joue des rares plages de clarté pour offrir une photographie travaillée. Lumière crue, spots verdâtres, pénombre… Les artifices visuels utilisent les perceptions pour susciter le danger. Malgré la présence de groupes qui se réduiront peu, la sensation de solitude pèse au-dessus des scènes. L’issue de cet enfer ou purgatoire passe par l’introspection, le jugement et le repentir (le cas échéant) pour chaque protagoniste.
Des individus éclectiques dans leur ensemble qui pâtissent toutefois de quelques poncifs propres à leur situation sociale. Certes, l’on peut voir au-delà des apparences, mais la première impression laisse place à une gamme de personnages louches et néanmoins banals tant dans leur quotidien que dans leur motivation. Cependant, l’évolution se bonifiera avec le temps avec des possibilités multiples pour chacun d’entre eux. On regrettera surtout des lignes de dialogues peu inventives qui ne servent guère des séquences embarrassantes. Un traitement en dent de scie rattrapé de justesse par une interprétation correcte pour les rôles principaux.
On peut également se pencher sur les effets spéciaux et les démons qui hantent les lieux. Les trucages font dans le rudimentaire avec des méthodes un rien archaïque, mais qui fonctionne mieux que des images de synthèse abominables. Les créatures démontrent suffisamment de dissemblances avec leurs congénères pour comprendre qu’il ne s’agit pas d’un unique boogeyman. Malgré des points communs évidents, l’on notera un travail soigné pour chacun d’entre eux. Certains indices laissent même entrevoir leur véritable nature.
Au final, Kingdom come se révèle une modeste surprise. Certes, on lui reprochera un démarrage difficile, une progression assez prévisible dans l’ensemble et quelques errances concernant l’écriture des personnages, mais l’atmosphère en vase clos reste bel et bien présente. La mise en scène s’avère loin d’être calamiteuse et se sert des possibilités de son environnement afin d’accentuer la sensation paradoxale de solitude, même si l’on devine qu’il n’en est rien. Grâce à une photographie soignée, un traitement suggestif et un cadre glauque, Greg A. Sager signe un film perfectible et néanmoins appréciable de par les efforts qu’il déploie.
Un film de Greg A. Sager
Avec : Ry Barrett, Camille Hollett-French, Jason Martorino, William Foley