Intelligence
Depuis les années 2000 et avec la série 24, on assiste à la glorification des autorités, particulièrement des services secrets des Etats-Unis. L’une des nombreuses conséquences du 11 septembre? Toujours est-il qu’il en ressort une volonté évidente à raviver la flamme patriotique et à redorer le blason de certaines institutions telles que la CIA. Si 24 parvenait à échafauder des intrigues travaillées tout en conservant un certain équilibre pour ne pas sombrer dans le patriotisme désintéressé, Intelligence se montre bien peu perspicace au vu de son titre. L’audimat est-il la seule cause de l’arrêt de la série au bout d’une unique saison? Pas sûr...
Le concept de départ n’est pas pourtant dénué de qualités. Une opération militaire secrète donne naissance à un nouveau type de soldat capable d’accéder à tous les réseaux et l’ensemble des données recueillies de par le monde pour résoudre des situations urgentes. En cela, l’on assiste à une sorte de mix de L’homme qui valait trois milliards et Person of interest. Des moyens, des objectifs et des épisodes qui se suivent sans se ressembler (chacun étant indépendamment compréhensible des autres), Intelligence possédait le potentiel pour proposer une série l’image de son patronyme en faisant preuve d’astuces et de bon sens.
Toutefois, le traitement accordé au sujet principal laisse peu de place à la surprise et préfère se concentrer sur un faux suspense de circonstance. L’omniscience de Gabriel devrait résoudre les enquêtes avant même qu’elles surviennent, mais certains éléments lui échappent, un peu comme si l’on choisissait au hasard les indices essentiels du superflu pour parvenir à la conclusion. Malgré le danger des situations, il en découle un climat trop confortable qui privilégie l’encensement du secret et de la patrie avec un développement trop manichéen pour naviguer en ces eaux troubles. À titre de comparaison, Homeland se révèle bien plus ambigu et chargé en symboliques.
En contrepartie de cette impression que rien ne peut atteindre les protagonistes, la progression se montre nerveuse avec des affrontements énergiques dotés d’une mise en scène immersive et propre. La part d’action allouée aux différentes histoires n’empiète pas sur la réflexion avec une exposition des capacités de Gabriel en corrélation avec son environnement. En ce sens, les effets spéciaux offrent une véritable cohérence lorsqu’on plonge dans la psyché de Gabriel pour retracer un souvenir; à moins que les écrans du réseau s’invitent dans son champ de vision pour entrevoir l’ensemble des données en l’espace de quelques secondes.
Les personnages confirment ce sentiment mitigé évoqué plus haut. Malgré quelques blessures du passé, ils se montrent trop distants au regard des épreuves qui les attendent, et ce, en dépit de leur extrême compétence. Héroïsme et patriotisme vont de pair pour donner corps à des caractères rigides et froids, presque mécaniques. Les comportements ou les réactions de chacun sont prédéterminés en fonction des actions afin de ne pas froisser l’idéal américain, ainsi que les bonnes mœurs. L’on se détache donc rapidement du sort de ces soldats d’élite (on se contente d’obéir aux ordres sans discuter), même s’ils ne sont pas détestables.
Au final, Intelligence possède certaines qualités qui la rendent appréciable en termes de divertissement basique. Néanmoins, la multitude de sous-intrigues (le fil rouge est quasiment absent) délaisse l’ambivalence de telles opérations au bénéfice d’une fibre patriotique quasi permanente, voire exaspérante, au fil des épisodes. L’efficacité au service du spectaculaire prévaut sur le réalisme et l’originalité. Il demeure tout de même quelques trouvailles sympathiques pour exposer les capacités surhumaines de Gabriel et une progression sans temps mort et assez varié. Une série correcte dans son ensemble sans être transcendante.
Un film de Alrick Riley, Stephen Williams
Avec : Josh Holloway, Meghan Ory, John Billingsley, P.J. Byrne