Good Omens
Sur fond de comédie fantastique, Good Omens détourne habilement l’Apocalypse biblique avec une prédilection évidente pour l’autodérision. Entre quiproquos, allusions subtiles et dialogues travaillés, cette production de la BBC (et Neil Gaiman lui-même) se distingue par son originalité et son humour décalé pour instiller une ambiance badine. Une série à la fois drôle, intelligente et pertinente dans ses propos.
Pour un roman, comme pour un film, s’atteler à un sujet aussi codifié et surexploité que l’Apocalypse relève de la gageure. Entre certaines occurrences indissociables du thème et la multitude de manières de présenter cette « fin du monde » annoncée, il est difficile de trouver le bon angle d’approche. Au début des années 1990, Neil Gaiman et Terry Pratchett coécrivent Good Omens (ou De Bons présages) un livre enthousiasmant qui détourne habilement les poncifs bibliques de l’Apocalypse pour en faire une fable humaine décalée, réjouissante et pleine d’originalité. Aussi, cette adaptation sous forme de série télévisée suscite autant de la curiosité que de nombreuses attentes…
D’emblée, le ton est donné avec une réappropriation plus ou moins libre du péché originel. L’interprétation interpelle, notamment à travers cette connivence entre ange et démon. Une amitié naissante qui devient, par la suite, l’un des grands attraits de l’histoire. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le caractère manichéen est moins prononcé qu’escompté, comme pour mieux souligner que les deux notions sont indissociables, voire complémentaires. Cela ne se vérifie pas forcément au travers du comportement des humains, mais plutôt dans les concessions des deux camps divins qui donnent lieu à de savoureux échanges.
S’il est aisé de distinguer un humour très « british », on apprécie également la qualité des dialogues, des jeux de mots et autres allusions à l’histoire, ainsi qu’à la religion. Bien que l’ensemble ne se prenne pas au sérieux, la subtilité des propos n’échappe pas à un public averti. On assiste donc à une succession de quiproquos et de séquences où l’incompétence des protagonistes confère à l’absurdité la plus totale. À ce titre, l’échange des bébés dans un couvent géré par des bonnes sœurs satanistes demeure délectable face à tant d’imbroglios. Au fil des six épisodes, on retrouve cette propension à tourner en dérision un sujet grave ou estimé comme tel.
Pour ce faire, on n’hésite pas à saper l’autorité cléricale et, de temps à autre, à revisiter certains grands faits historiques. De la popularité de Shakespeare aux légendes arthuriennes, sans oublier la Révolution française et la Seconde Guerre mondiale, l’ingérence d’Aziraphale et de Rampa donnent lieu à des triturations opportunes. L’occasion est donnée de s’interroger sur la notion de libre arbitre et de destinée. Cette dernière est particulièrement tenace quand il s’agit de se pencher sur le sort de l’antéchrist. La question du choix se heurte alors au déterminisme divin et démoniaque des forces en puissance. Cette valeur est d’ailleurs la principale source de dissension avec nos deux protagonistes.
De la découverte de l’Atlantide aux méfaits du mythique Kraken, on a également droit à quelques irruptions incongrues, eu égard aux pouvoirs et aux caprices de l’antéchrist. Mention spéciale à la centrale nucléaire en mesure de générer de l’énergie grâce à… un bonbon au citron ! Good Omens est rempli de ces petits moments apparemment anodins qui, mis bout à bout, révèlent une singularité qui fait cruellement défaut à la majorité des productions actuelles. Certes, il y a bien quelques discrets écueils, notamment en ce qui concerne le portrait des 4 cavaliers de l’Apocalypse, un peu trop sage par rapport à l’ambiance générale. Il n’en demeure pas moins une approche surprenante.
Au final, Good Omens est une excellente surprise. Auréolée par la présence d’un casting de premier choix, la complicité entre les deux protagonistes est à l’aune d’une atmosphère originale et enjouée. Il paraît difficile, voire vain, de traiter de l’Apocalypse avec légèreté sans sombrer dans la caricature ou la parodie. En l’occurrence, la série réussit ce tour de force à pousser jusqu’à son paroxysme des situations ubuesques qui semblent échapper à tout contrôle. Soutenu par une histoire aussi drôle qu’intelligente, Good Omens s’amuse des croyances religieuses et aime à détourner ses préceptes sans pour autant se montrer irrespectueux ou condescendant. Une Apocalypse décalée et pleine d’entrain.
Un film de Douglas Mackinnon
Avec : Michael Sheen, David Tennant, Brian Cox, Benedict Cumberbatch