Fear Street - Partie 1 : 1994
Peu d’écrivains peuvent prétendre à une bibliographie aussi dense que celle de R. L. Stine. Essentiellement versé dans le fantastique et l’horreur pour la jeunesse, l’auteur a « bercé » l’enfance de plusieurs générations de lecteurs avec ses innombrables histoires. On l’associe sans conteste à la série de livres Chair de poule. Avec plus d’une cinquantaine d’ouvrages, la saga Fear Street constitue son second Magnum Opus. Eu égard à des sorties éditoriales inconstantes, cette dernière est moins populaire que Chair de poule. Il n’en demeure pas moins un univers à part entière qui, au fil des romans, s’est forgé une mythologie d’une grande richesse.
Pour cette première partie de Fear Street, l’ambition de Netflix n’est pas d’inaugurer une série par l’entremise d’un pilote, mais de concevoir une trilogie sous forme de longs-métrages. Le projet suit un cadre commun, mais se différencie par trois axes temporels distincts. L’idée est bonne même si, de prime abord, le choix des époques tient surtout à des nécessités marketing, plus qu’à une réelle cohérence narrative. Comme son titre le présage, cette première incursion s’insinue donc au cœur des années 1990 avec force et repères matériels à l’appui. Ce qui permet de bien appuyer le contraste avec tout traitement contemporain qui, cela dit, demeure présent dans la gestion du rythme et la mise en scène.
Les producteurs modernisent le propos avec cette volonté de contenter un large et jeune audimat tout en interpellant les amateurs de slasher. Cependant, le résultat n’est pas aussi réussi qu’escompté. L’immersion peine à convaincre, ne serait-ce qu’à travers une bande-son peu marquante (exception faite de White Zombie) et peu évocatrice de la décennie. De même, les éléments associés à la période sont exposés de manière aléatoire et présentés avec tout autant de maladresse ; sans doute de peur que le spectateur ne saisisse pas les allusions ou les clivages technologiques qui séparent la production de l’histoire. Avec son groupe d’ados, ses couleurs chatoyantes et un évènement perturbateur qui les unit, il est difficile de ne pas faire la comparaison avec Stranger Things.
L’un des problèmes de Fear Street est de multiplier les références et les clins d’œil sans parvenir à s’en affranchir. À force de faire « comme les autres productions » et de souffrir d’un effet de mode rétro (sans connotation péjorative), le métrage de Leigh Janiak manque clairement d’originalité. Il est facile de distinguer ce calibrage grand public pour satisfaire une audience aussi large et variée que possible. Pourtant, il ne suffit pas d’insérer quelques allusions LGBT ou une mixité bienvenues dans les relations pour faire la différence. À la rigueur, cela peut créer un sentiment d’identification auprès de certains protagonistes, mais certainement pas de creuser des personnalités minées par les stéréotypes. Dommage.
Autre bévue qui se constate durant toute l’histoire : Fear Street alterne entre une approche orientée teen-movie qui sied à l’atmosphère des livres de R. L. Stine et la violence de certaines séquences. Le changement de ton se fait sans transition et interpelle sur le profil ciblé. De même, les réparties légères succèdent à des propos plus « matures » en ce qui concerne sexualité, rapports et conflits sociaux. Cela sans compter sur moult incohérences et faux raccords. Le corps de l’un des personnages semble contenir davantage que 5 litres au vu du volume d’hémoglobine versé çà et là. Mention spéciale au pauvre quidam qui se fait trancher le talon d’Achille, puis qui court comme un cabri sans boiter.
Au final, cette première partie de Fear Street peine à convaincre. Le film de Leigh Janiak se retrouve constamment écartelé entre une tonalité inquiétante et une orientation grand public superficielle. Si l’hommage au slasher s’avérait prometteur, il laisse plutôt perplexe dans l’évolution de l’histoire avec ses rebondissements alambiqués et ses séquences à l’intérêt tout discutable. On a beau apprécier la mythologie dépeinte avec un passé riche en psychopathes, l’ensemble n’est guère original. Il faut se contenter d’une mise en scène impersonnelle qui s’apparente à un ersatz de Stranger Things en version horrifique. Un potentiel sous-exploité qui, s’il ne manque pas d’ambitions, se veut trop timoré et peu inventif dans l’expression de ses moyens.
Un film de Leigh Janiak
Avec : Maya Hawke, Charlene Amoia, David W. Thompson, Noah Bain Garret