Ergo Proxy
Tout comme les films d'horreur, la science-fiction possède son lot de sous-genre qui définit sa richesse. Pour ne citer que quelques-uns : Space-opera, Planet-opera, Post-apocalyptique ou Cyberpunk. Ces deux derniers nous intéressent en ce qui concerne le présent anime. D'une part, le monde décrit se veut sombre et résulte d'une apocalypse dont on ne connaît que peu de choses (l'on devine un conflit mondial). D'autre part, la société idéaliste dépeinte au fil du récit avec sa haute technologie et sa soi-disant parfaite gestion politique nous renvoie aux références du Cyberpunk. D'ailleurs, l'introduction rappelle curieusement Ghost in the shell ou même Blade runner. Un meurtre commis par un robot, une enquête sur fond de manipulations, sans oublier un univers incroyable d'une profondeur abyssale.
Mieux vaut ne pas la chercher...
Si le scénario dispose d'un fil rouge évident (ce n'est pas l'enquête, mais la recherche du passé de Vincent Law), certains épisodes ne possèdent pas de continuité flagrante. La conclusion d'un, peut ne pas entraîner une suite directe au prochain. Qui plus est, l'alternance des points de vue accentue cet effet qui, en d'autres circonstances, aurait pu paraître brouillon. Dans le cas présent, on s'habitue à cette narration alambiquée. Certes, cela peut décontenancer les spectateurs coutumiers aux films (ou séries) avec un déroulement assez linéaire, voire simpliste, mais il en ressort un récit fouillé et travaillé sur plusieurs niveaux.
La perle du Créateur...
Le virus Cogito (qui donne une conscience aux Autoreivs) suggère le malaise ambiant, comme si la vérité se révélait à une vie de labeur, sans fondement réel. Se poser les questions : « Qui sommes-nous ? » « Pourquoi suis-je né ? » « Quel est le but de mon existence ? » Des interrogations synonymes d'espérance et de tourments pour tout un chacun. Car là où l'on souhaite un sens, peut-être n'y a-t-il qu'une illogique et insupportable réponse à découvrir : octroyer un but à ce qui n'en a pas de prime abord. Est-cela le plus intolérable : connaître la vérité et accepter son cruel éclat. Difficile d'admettre que nos certitudes ne sont en réalité que des mensonges réconfortants basés sur des fondations biaisées.
Pino !
En dépit de ce constat sombre, deux épisodes tendent à prendre à contrepieds cette impression générale. Le quinzième, intitulé « Cauchemar quizz », se déroule intégralement sur un plateau de jeu télévisé mêlant divertissements nippons et occidentaux (Qui veut gagner des millions ?) pour former un résultat complètement décalé et saugrenu. Puis le dix-neuvième, « La fille au sourire », où l'on suit la jeune Pino à travers « Smile Land », un endroit où l'on sourit en permanence. Il s'agit d'une sorte de parc d'attractions où tous les rêves sont réalisables dans l'insouciance et l'allégresse. Là encore, c'est fou, inventif et en totale contradiction avec le ton de l'anime. On ne s'y attend pas et la surprise est au rendez-vous.
Facile, non ? Allez, la réponse commence par un P.
Malgré un début assez classique, Ergo proxy démontre rapidement son originalité au fil des épisodes. Le scénario déploie son potentiel au compte-gouttes en distillant des propos qui donnent à réfléchir sur notre existence, notre personnalité et le rapport de l'homme à son Créateur. Vaste entreprise que d'amorcer des réponses à ses grandes questions et pourtant, Ergo proxy parvient à nous faire prendre conscience d'un manque réel d'empathie au sein de notre société vouée à l'autodestruction. Fatalistes et nihilistes, les messages sous-jacents transparaissent pourtant une vérité que peu sont prêts à reconnaître. Au-delà de ces propos, nous sommes en présence d'un récit bien construit à l'univers fascinant et aux personnages attachants.
Un film de Murase Shukô
Avec : Rie Saitou, Akiko Yajima, Hikaru Hanada, Kiyomitsu Mizuuchi