Une nuit en enfer
Longtemps dénigrées par le monde du cinéma, les séries sont parvenues à un statut de reconnaissance telle que des acteurs et réalisateurs de renoms n’ont pas hésité à franchir le pas du petit écran. David Fincher pour House of cards, Woody Harrelson et Matthew McConaughey pour True detective… Les exemples ne manquent pas. Intarissables explorateurs de l’entourloupe, les producteurs se sont demandé comment gagner encore plus d’argent avec des histoires déjà écrites. La réponse est proche du remake ou du reboot : adapter des films en séries. Simple, évident et consternant.
Là où certaines d’entre elles se proposaient de prolonger l’aventure (Stargate, Terminator…), les plus récentes se contentent de reprendre à l’identique un scénario pour l’allonger plus que de rigueurs dans la durée. Ainsi, l’on a droit à un nombre d’épisodes à la fois réduits pour le format et trop vastes pour une intrigue qui n’en exigeait pas tant. Devenu un film culte qui donnera naissance à deux suites anecdotiques, Une nuit en enfer se voit donc décliner de la sorte. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que chaque parcelle du récit original a été étirée à son maximum pour tenir sur dix épisodes d’une longueur inégale (entre 40 et 50 minutes).
De fait, l’ennui s’invite très rapidement. Imaginez la séquence d’introduction qui s’étale sur 45 minutes ou l’exposition des personnages aussi interminable que pénible. Il en ressort des échanges mous, sans intérêt aux lignes de dialogues classiques et peu amènes. Le défouloir et le second degré du film pointent aux abonnés absents pour céder la place à une trame linéaire, basique et sans la moindre fulgurance à l’horizon. On se détache très rapidement des événements qui seront à la fois fidèles au modèle (dans la progression) et néanmoins trop plats, trop inconstants pour susciter l’engouement, du moins l’attention du spectateur.
On en oublierait presque les vampires ! Même s’ils font jaillir le bout de leurs canines çà et là, il faudra patienter jusqu’au sixième épisode pour enfoncer les portes du Titty Twister. Inutile de dire qu’à ce stade les attentes et l’intérêt sont quasiment au point mort. En dépit de leurs mauvaises manières, les créatures de la nuit font peine à voir avec des crochets dignes d’un crotale en guise de dents et surtout un charisme bon pour les cactus du désert. Des regards bovins, des expressions sommaires et un chef à la nonchalance tant ridicule que stérile, les vampires ne convainquent guère malgré un semblant de mythologie amorcée pour expliquer leurs origines.
Ce qui nous amène également au gros point noir de la série : le casting. Il ne suffit pas de ressembler à George Clooney ou Quentin Tarantino pour leur succéder. Le duo de têtes est aussi irritant que les antagonistes. En cause, une interprétation en dents de scie, des caractères capricieux et des réparties binaires. N’espérons pas une meilleure appréciation de la part des seconds rôles qui se contentent du minimum. Tous font pâle figure à côté de leurs prédécesseurs, sans compter que les personnages respectifs se révèlent peu marquants ou attachants. La comparaison s’avère pour le moins douloureuse et néanmoins inévitable.
Au final, cette adaptation d’Une nuit en enfer peine à se justifier. Sans doute les scénaristes ont-ils pensé que l’intrigue pouvait s’étirer aussi facilement qu’un élastique, mais l’intérêt rompt très rapidement les ardeurs et la surprise de retrouver un film culte sous un jour différent. Malheureusement, le format ne convient pas à l’histoire. Entre des longueurs accablantes, un casting de seconde zone et des vampires en demi-teintes, l’on préférera se pencher sur l’original, bien plus nerveux et entraînant que cet ersatz qui se rapproche davantage de ses piètres suites. Une grande déception.
Un film de Robert Rodriguez, Joe Menendez, Eduardo Sánchez
Avec : D.J. Cotrona, Zane Holtz, Brandon Soo Hoo, Jesse Garcia