La Morte-Vivante
**Attention, cette critique contient quelques spoilers.**
Chargés de se débarrasser de futs toxiques, trois hommes réveillent une jeune femme morte depuis deux ans, dans les catacombes d'un château.
Unique cinéaste français pouvant se targuer d'être resté fidèle durant toute sa carrière au cinéma fantastique, dès la fin des années 60, Jean Rollin s'attaquait dès le début des années 80 au film de zombie, après s'être fait une spécialité du film de vampire lesbien.
La Morte-Vivante nous conte l'histoire de Catherine, morte depuis quelques années mais ramenée à la vie à cause de pilleurs de tombes peu habiles.
D'emblée, Rollin pose son univers spécifique avec cette crypte filmée en décor naturel (une gageure de nos jours). La menace toxique, fait souvent évoqué à l'époque au cinéma, sert d'explication à la résurrection de l'héroïne, et permet ainsi à Rollin d'explorer un nouveau personnage horrifique : le mort-vivant.
En effet, depuis son premier métrage, Le Viol du Vampire (1968), qui avait fait grand bruit à sa sortie, Rollin avait surtout centralisé son oeuvre autour de la femme vampire. La Rose de Fer dénotait néanmoins déjà une volonté chez Rollin d'élargir son panel fantastique, qu'il assumera pleinement avec Les Raisins de la Mort.
Il est vrai que George Romero avait changé le visage du monstre de film d'horreur dès 1968, avec La Nuit des Morts-Vivants. Toutefois, il y a de grandes différences entre le zombie de Romero et celui de Rollin.
En effet, cinéaste surréaliste par excellence, Rollin ne pouvait donner qu'une vision personnelle décalée du mythe de zombie. Une fois ressuscitée, La Morte-Vivante s'avère surtout être une jeune femme sans repères, isolée dans un quotidien qui l'a rejeté depuis longtemps, sorte d'Alice au pays des horreurs.
D'ailleurs, il aurait été jubilatoire de voir une version d'Alice par Rollin, qui se serait probablement rapproché de la vision de Chabrol (Alice ou la Dernière Fugue). Tout amateur de la peinture rolliniste se délectera des détails savoureusement kitsch mis à sa disposition durant tout le métrage.
Toutefois, force est de constater que le film peine à trouver son rythme, tel un zombie en quête de chair humaine. Ainsi, la résurgence des souvenirs de Catherine, nécessaire à l'histoire, n'engendrera toutefois pas une grande excitation intellectuelle chez le spectateur.
De plus, ce métrage n'est pas friand de corps dénudés, la beauté des actrices étant, il est vrai, assez peu évident, même si Marina Pierro accroche bien l'oeil de la caméra.
En fait, Rollin signe avec ce film l'un de ses métrages les plus gores, logique pour décrire les meurtres d'une femme zombie. Au départ, l'héroïne se contente du sang de ses victimes. Ses longs ongles et son visage blafard la font d'ailleurs ressembler davantage à un vampire, preuve que le suceur de sang n'est jamais très éloigné de l'oeuvre du cinéaste.
L'arrivée d'Hélène, l'amie d'enfance de Catherine, semble lancer un peu le film. Hélène, comprenant l'état de son amie, décide de prendre soin d'elle et de l'aider à se nourrir, devenant ainsi sa complice. Catherine, à l'instar d'un Martin ou plus tard du héros pitoyable de Moi, Zombie : Chronique de la Douleur, est démontrée avant tout comme une victime.
A mesure qu'Hélène fera preuve de déviance et de cruauté, on s'attachera au destin tragique de l'héroïne, Rollin restant ainsi encore en marge d'un cinéma conventionnel qui ne l'a de toute manière jamais reconnu, paria volontaire du cinéma français. Les décors et l'ambiance champêtre du métrage entretiendront cet aspect marginal jusqu'à un épilogue assez suffocant.
Conformément à une promesse faite durant leur enfance, les deux jeunes femmes ne devaient jamais se quitter, même dans la mort. Sauvée d'une noyage salutaire, Catherine dévorera son sauveur et bourreau dans une scène macabre et symbolique, acceptant enfin son état de zombie dans un fatras d'hémoglobine et de chair filmé dans la douceur de la nuit.
Ne pouvant être considéré comme l'un des films majeurs du cinéaste, à cause d'un casting peu marquant et d'un manque de rythme assez criant, La Morte-Vivante reste un film intéressant proposant une vision différente du zombie.
On regrette néanmoins ce manque de profondeur d'un scénario qui aurait mérité plus d'intensité, ruinant quelque peu la portée de ce film.
Un film de Jean Rollin
Avec : Marina Pierro, Françoise Blanchard, Carina Barone, Mike Marshall