Brightburn : L'Enfant du mal
Si le film de super-héros reste l’occasion d’exploiter plusieurs genres, de la science-fiction à l’action, il dispose de codes à part entière. Hormis quelques exceptions, dont la trilogie Glass de Shyamalan, les productions Marvel et DC monopolisent allègrement cette frange du paysage cinématographique; elles-mêmes adaptées des comics respectifs. Aussi, il est particulièrement appréciable de découvrir des initiatives comme Brightburn, où l’on n’hésite pas à détourner une histoire dont les tenants renvoient à la genèse de Superman. Et si un individu doté d’une telle puissance se révélait une graine de psychopathe? Un postulat pour le moins prometteur qui ne remplit qu’à moitié sa part du contrat.
Sur le papier, le concept de détourner du droit chemin un super-héros a déjà été exploité avec plus ou moins de conviction, notamment avec la saga Marvel Zombies et son pendant DC Comics, Blackest Night. Mais on songe surtout à Injustice où l’homme d’acier se montre sous son jour le plus sombre. Bref, l’idée de base est séduisante à plus d’un titre, bien éloignée des frasques furtives du Dark Superman de Zack Snyder pour Justice League. Bien que l’on distingue de nombreuses allusions, comme le mariage du rouge et du bleu dans le cadre et la photographie, il n’est pas ici question de Superman lui-même. Cela ne constitue guère de problèmes pour s’approprier une genèse maintes fois exploitée, mais jamais sous cet angle.
Seulement, l’approche se révèle moins maîtrisée qu’escomptée. Le scénario se contente de se focaliser sur un élément unique: « Et si Superman était méchant ? ». À aucun moment, l’intrigue ne traite les causes de cette propension pour la violence et le crime. Point de famille dysfonctionnelle ou d’une éducation malencontreuse en mesure d’attester son comportement. De même, le peu de railleries des camarades d’école n’est jamais exploité à bon escient. Pire, Bryan Brewer passe du harcelé au harceleur sur l’une des rares personnes qui lui montrait un tant soit peu d’intérêt ! Mais surtout, on peut justifier ce côté «dark» à la seule frustration du protagoniste.
De caprices en mésententes sociales (dû à l’incompréhension du bon comportement à adopter), on peut résumer ce revirement aux conséquences cataclysmiques à une crise d’adolescence qui tourne (très) mal. De fait, il n’y a aucune nuance dans les débordements observés où une simple contradiction est équivalente à un crime effroyable. Il en découle une certaine gratuité, prétexte à des assassinats dont la brutalité surprend pour un tel métrage. On a beau garder à l’esprit qu’il s’agit d’un film d’horreur, il n’en demeure pas moins des scènes éprouvantes qui ne font guère dans la tendresse pour dépeindre les corps suppliciés. Sur ce point, l’approche se révèle percutante.
On peut donc regretter que le dilemme entre le bien et le mal soit absent des débats. La stabilité du foyer ou l’amour de sa famille ne constituent en rien des arguments pour inverser la tendance. Le discours reste à sens unique sans ambiguïté aucune. En ce sens, on dénote plusieurs approximations sur l’influence des voix, la volonté propre de Bryan, ne serait-ce qu’à travers ces multiples manipulations et les dernières paroles qu’il adresse à sa mère. L’ensemble s’avère peu convaincant. De plus, ces errances se retrouvent à l’occasion de certains passages, comme la séquence qui précède l’«accident» de voiture. Le comportement de la victime et sa fuite demeurent incompréhensibles alors qu’elle se trouve à son domicile. Cela sans compter l’abandon de sa compagne. Un choix très étrange et guère crédible.
Au final, Brightburn reste une petite déception dans le sens où l’idée de base originale se complaît dans des fondamentaux simplistes. Faute de confronter la part d’ombre et de lumière qui sommeille en chacun de nous, l’intrigue se contente d’un traitement basique qui, s’il ne démérite pas dans la violence des meurtres, reste en deçà du potentiel de départ. Au lieu de venir justifier le renversement des valeurs observé jusque-là par des évènements précis, on assiste aux caprices d’un tueur en série en herbe affublé de pouvoirs qui le dépassent. Il en ressort une approche assez bancale, visiblement frileuse de sonder les méandres ténébreux de son protagoniste.
Un film de David Yarovesky
Avec : Elizabeth Banks, David Denman, Stephen Blackehart, Steve Agee