Alcatraz
Alcatraz a déjà été la figure de proue du monde cinématographique. On songe notamment à Rock, Meurtre à Alcatraz ou L'évadé d'Alcatraz pour ne citer que les plus connus. Hormis des séries telles que Prison break ou Oz, l'univers carcéral est assez peu usité à la télévision. Aussi, le mariage de la célèbre prison sur un support qui permet une certaine largesse (surtout sur la longueur) méritait d'être exploité. Si le producteur n’'est autre que J.J. Abrams et sa firme Bad robot, l'on se dit que l'on tient une juteuse licence amené à perdurer dans le temps. Après seulement une saison : rideau. Les audiences étant insuffisantes, la série ne sera pas renouvelée. Quelles sont les raisons de cet arrêt ? Est-il au moins justifié ?
Avez-vous vu cet homme ? Il a disparu depuis 50 ans.
En 1963, Alcatraz ferme ses portes et les prisonniers sont transférés, du moins est-ce là la version officielle. La vérité est autrement différente et mystérieuse : les détenus et le personnel ont disparu sans laisser de traces. 50 plus tard, ils réapparaissent en liberté dans les rues de San Francisco. Voilà le postulat de départ. Le scénario n'est pas sans rappeler Les 4400. Retrouver les victimes (ou les coupables en l'occurrence) sur fond d'investigations et découvrir le passé de chaque personnage, tel est le déroulement principal des épisodes. Le moins que l'on puisse dire est que l'entame est immersive.
En effet, le premier épisode retient l'attention et distille avec parcimonie les éléments qui composeront la suite. Si le thème principal appartient au fantastique, le n½ud de l'intrigue joue dans la gamme des récits policiers. Meurtres, enquêtes, suspects, témoins... Un déroulement classique non dénué d'intérêt étant donné qu'il se ponctue de flashbacks récurrents sur l'univers carcéral d'Alcatraz en 1960. Ainsi, les retours en arrière ne cassent pas le rythme et permettent un nouvel éclairage sur le quotidien des prisonniers, mais surtout sur les mystères qui entourent l'histoire. Dès lors, foultitude d'interrogations se posent au fur et à mesure que l'on progresse.
Ah, les conflits intergénérationnels.
Et c'est sur ce point qu'Alcatraz frustre énormément. C'est bien simple, toutes les questions amorcées pendant la durée totale ne trouveront… aucune réponse, pas même un début d'explications ! On sent que la série a été pensée pour s'étaler sur plusieurs saisons. D'une part, l'on peste encore et toujours contre le peu de respect que les producteurs manifestent envers le public, ne serait-ce qu'en nous proposant un téléfilm de conclusion. D'autre part, l'atmosphère en pâtit indirectement avec le recul. La débauche de moyens et d'efforts pour en arriver à une somme de problèmes irrésolus entraîne beaucoup d'amertume.
Malgré cela, l'audience diminuant crescendo n'est pas forcément révélatrice de l'intérêt des épisodes. Certes, ils peuvent paraître un rien répétitif (on suit toujours la même trame), mais sont suffisamment prenants pour poursuivre l'aventure. A la limite, il est vrai que certains prisonniers suscitent davantage de réactions chez le public. L'empathie pour Jack Sylvane, le dégoût pour les frères Ames ou Ernest Cobb... Dans l'ensemble, on se retrouve avec un panel homogène qui progresse avec prudence vers son final. Certaines séquences sont relativement prévisibles, mais se laissent suivre non sans déplaisir.
Fouiller dans le passé n'est pas sans conséquence.
D'ailleurs, les acteurs répondent à l'appel pour donner le change. Entre un Sam Neill bourru ou Jorge Garcia égal à lui-même, on les sent impliqués dans l'entreprise. Il demeure néanmoins la présence de Sarah Jones en tête de casting qui ne se démarque pas vraiment. La faute à son rôle, toujours est-il qu'elle se révèle un rien agaçante malgré une interprétation honnête. Les personnages secondaires tels que les prisonniers sont suffisamment dissemblables pour retenir l'attention. En revanche, la présence de scientifiques pour comprendre ce qu'il se passe est trop sporadique et inconstante pour faire partie de l'histoire.
En ce qui concerne l'univers carcéral à proprement parlé, on le trouvera surtout lors des passages de 1960. L'on découvre le quotidien des prisonniers, la violence qui y règne (même si elle ne froissera pas grand monde), les magouilles et des gardiens qui n'ont pas grand-chose à envier aux détenus, le directeur faisant partie de la troupe. La série est axé grand public sans faire étalage d'une version idéalisée de la prison d'Alcatraz. Pour ce qui est de la période présente (donc 2012), on trouve un lieu touristique presque avenant et des sous-sols occupés par la cellule dirigée par Emerson Hauser. Un constat basique pour cette dernière partie, même si l'exploration des lieux est bien agencée.
L'emploi du temps ne sera pas tenu.
Au final, Alcatraz ne manque pas de charmes, ni d'atouts. Le scénario est astucieux, tient en haleine et suscite curiosité et interrogations. Et c'est bien là le problème puisqu'on ne connaîtra jamais le fin mot de l'histoire. Quel(s) secret(s) cachent le directeur ? Pourquoi le grand-père de Rebecca est-il aussi important ? Quelle place accordée à l'or dans les sous-sols ou aux prises de sang récurrentes effectuées sur les prisonniers ? Tellement de questions et aucune réponse. Un constant d'autant plus navrant que la baisse d'audience ne se justifie pas sur un intérêt amoindri au fil des épisodes. Une ½uvre inachevée des plus frustrantes.
Un film de Jack Bender, Paul A. Edwards, Danny Cannon
Avec : Sarah Jones, Jorge Garcia, Jonny Coyne, Parminder Nagra