Ailes grises
Yoshitoshi Abe est le character designer derrière le très sombre et inoubliable Serial Experiments Lain, anime incontournable de par son atmosphère éthérée et son histoire complexe. Après s'être essayé à un style beaucoup plus léger dans la trame narrative (NieA 7), monsieur Abe s'attelle à Ailes grises. Pour ce manga, il officie non seulement au graphisme, mais aussi au scénario et touche un peu à tous les autres domaines. Une implication qui montre ô combien ce nouveau projet lui tient à coeur. Jugeons plutôt de quoi il en retourne.
Portrait de famille.
Hautement contemplative, l'histoire ne recèle ni action, ni suspense et encore moins de violence. En soi, l'anime se démarque et démontre une réelle volonté de mettre à l'écart ce qui compose notre époque (y compris les velléités entre humains) pour mieux s'attarder sur l'essentiel : les relations amicales et sociales, l'entraide et savourer l'ingénuité du moment qui confère un bonheur presque insolent à la ville de Guri. À certains égards, cela peut paraître utopique, voire naïf et pourtant les villageois (humains et Haibane) semblent n’avoir jamais rien connu d'autre. Tout découle naturellement et nous renvoie à une simplicité déconcertante. Comme quoi certains artistes sont encore capables de proposer des récits fascinants sans la moindre brutalité.
Petite excursion en forêt.
À ce titre, les relations entrecroisées permettent d'exploiter des pistes intéressantes en fonction de leur personnalité. Rakka découvre cette vie à la fois merveilleuse et déstabilisante. Elle apporte son lot de doutes et de contradictions par ses réactions altruistes et la volonté d'en apprendre plus sur elle-même. Ensuite Reki qui montre ô combien les apparences cachent de nombreuses souffrances. Son caractère complexe est décrit progressivement de telle manière à la rendre encore plus attachante qu'aux premiers abords. Le travail psychologique sur les personnages secondaires n'est pas en reste également, même si l'identification est moins évidente.
Un pont vers une autre vie (pas évident à traverser).
L'on ne trépignera pas d'impatience sur son fauteuil dans l'attente d'un suspense à couper le souffle ou d'une trame tendue. Non, on préférera s'attarder sur les interactions entre les protagonistes, le visuel marqué et sublime ou un scénario prompt à évoquer moult réflexions sur notre existence. Tant par sa beauté que par sa candeur, Ailes grises convie à une introspection profonde sur la quête de soi. Notre (ou nos) raison(s) de vivre, le souvenir qu'on laissera derrière nous, ce que l'on a accompli (ou pas) et notre comportement face à l'appréhension de la mort (symbolisé ici par le jour de l'envol) sont autant de points fondamentaux qui nous interpelle tout au long de ces treize épisodes qui sont décidément passés beaucoup trop vite.
Un film de Itsuki Imazaki, Jun Takada, Kenichiro Watanabe
Avec : Ryô Hirohashi, Junko Noda, Eri Miyajima, Fumiko Orikasa