Dark Tide
Au fil des décennies, le survival animalier est devenu le porte-étendard de la bêtise de producteurs aussi avides de billets verts que de débilités en tout genre. Au vu de certaines sociétés qui se sont accaparé le genre pour le pire et seulement le pire, les films traités avec un minimum de sérieux se comptent sur les doigts d’une main; a fortiori depuis les années2010. Des noms comme Halle Berry ou Olivier Martinez associés à un tel projet a de quoi retenir l’attention. On peut d’ores et déjà se réjouir de l’absence d’un humour potache et d’une approche aussi pénible que négligente du mythe du requin-tueur. Pour autant, ce n’est pas forcément un gage de qualité au vu de certaines maladresses.
Salut et merci pour le poisson !
Si le pitch initial reste assez nébuleux et peu explicite pour susciter l’intérêt, l’intrigue a le mérite de délaisser les caricatures propres au genre depuis Les dents de la mer. On évite ainsi l’habituelle station balnéaire sur une quelconque côte pour se focaliser vers le lieu de prédilection des grands requins blancs: l’Afrique du Sud. L’angle d’approche est assez intéressant puisqu’il s’agit d’exploiter le filon d’un tourisme extrême qui consiste à croiser des squales à l’abri d’une cage. Le passif des protagonistes dans le documentaire animalier, sans oublier leur interaction avec les animaux, concourt également à dédiaboliser l’image du requin. Cela nous change des habituelles gueules voraces et passablement décérébrées!
L’on se dit alors qu’on tient enfin un métrage potable, à défaut d’être réellement surprenant. Seulement, les bonnes intentions ne font pas forcément de bons films. Car là où d’autres pêchent par excès de bêtises, Dark Tide se complaît dans une surexposition du récit et des personnages. Développer le contexte et la caractérisation reste louable et même recommandé; s’y perdre sans trop savoir quoi raconter l’est beaucoup moins. Dès lors, on assiste à des échanges aussi stériles qu’inutiles dans la progression de l’histoire. À force d’éviter un comparatif avec d’autres productions similaires, Dark Tide en oublie son sujet principal.
Une plongée qui s'annonce difficile...
Hormis l’introduction et quelques séquences filmées pour visionner le travail de Kate Mathieson, on ne verra pas l’ombre d’une menace avant les dix dernières minutes. Certes, on essaye de contenter le spectateur avec de courtes plongées en compagnie de nos amis les squales, mais elles ne sont guère surprenantes. Et ce n’est pas forcément le gabarit des poissons qui est en cause, mais une mise en scène stagnante. Les problèmes mécaniques du bateau et les conditions de navigation difficiles sont davantage l’objet de préoccupations. De même,les réactions des responsables de l’excursion sont peu crédibles, soufflant le chaud et le froid entre prudence professionnelle et témérité du débutant. Il n’y a aucune nuance.
Il est vrai que la présence de véritables requins atténue considérablement la crainte d’affronter des images de synthèse ratées. Ce qui était pourtant avancé comme l’intérêt premier d’un tel film se mue progressivement en une vague déconvenue. Seul le dernier quart d’heure renvoie à une confrontation assez tendue entre obscurité, tempête et banc de requins. Le dénouement s’impose comme une vision accélérée d’Open Water avec une exposition permanente au danger. Les attaques sont assez brèves et circonspectes. L’approche réaliste est notable, mais peu percutante. Là encore, la mise en scène maladroite est grandement responsable de cet état de fait.
Le grand bleu ou le grand blanc ?
Au final, Dark Tide surnage peut-être les immondices fomentées par Asylum et SyFy. Ce n’est pas pour autant qu’on a droit à un survival animalier qui mérite le détour. La faute à un traitement qui traîne en longueur sur des points de détail sans développer l’attrait principal de son propos: les squales. L’ennui prévaut sur le plaisir de découvrir une production dite «sérieuse» sur le sujet. Les affrontements d’ego sont légion, tandis que le récit fait du surplace. Le tout est desservi par une mise en scène amorphe et sans âme. Cela vaut aussi bien pour la retranscription des côtes de l’Afrique du Sud que pour les séquences sous-marines. Des ambitions moyennes pour un film qui l’est tout autant.
Un film de John Stockwell
Avec : Halle Berry, Olivier Martinez, Ralph Brown, Luke Tyler