Zombillenium
Occupés par une majorité de productions américaines, les films d’animation qui sortent sur grand écran aiment de temps à autre rendre un hommage au cinéma de genre. Ainsi, on concilie deux publics où les histoires sont parsemées de références en pagaille. Monstres contre Aliens, Monster House, L’étrange pouvoir de Norman ou encore Hôtel Transylvanie... Autant d’exemples savoureux et réussi qui démontrent que l’entreprise est loin d’avoir dévoilée tous ses trésors. Avec Zombillenium, la surprise ne vient pas d’outre-Atlantique, mais d’une coproduction franco-belge; elle-même adaptée de la bande dessinée éponyme.
Dans cette optique, il est toujours à craindre une libre interprétation de l’histoire de base, voire un ratage total. Sauf que Zombillenium a été réalisé par son propre créateur, Arthur de Pins. Difficile de faire un choix plus judicieux pour retranscrire les planches de la BD à l’écran. Le neuvième art étant un média culturel plus expressif en termes d’image que la littérature, la signature esthétique de cet univers original est déjà présente sur le papier. En l’occurrence, on a droit à un savoureux mélange de dessins 2D classique incorporé dans des environnements 3D. L’alchimie fonctionne et apporte une réelle identité au film.
En ce sens, le style d’animation privilégie le travail artistique à l’esbroufe technologique. Une approche qui permet d’éviter toute comparaison avec une concurrence pourvue de moyens démesurés. D’ailleurs, l’austérité du village de Verchain-Maugré n’impose aucun contraste avec le parc d’attractions. Il se révèle plutôt une entrée en matière annonciatrice d’une atmosphère lugubre propice à procurer quelques frissons aux plus jeunes spectateurs. De l’incontournable maison hantée à la grande roue, les attractions sont habilement détournées pour développer le côté macabre de l’intrigue. On peut même songer à l’ambiance des fêtes foraines où, en l’occurrence, les freaks seraient assimilés à la normalité.
Tout comme le château de Dracula héberge nombre de monstres dans Hôtel Transylvanie, Zombillenium use d’un procédé similaire pour exposer différentes figures emblématiques de la culture horrifique et fantastique. À la différence prête qu’il s’agit des employés et non de la clientèle. Des vampires glamour tout droit échappés de Twilight aux morts-vivants, on a droit à un véritable bestiaire sorti de l’enfer. Dès lors, ce parc prend les atours du purgatoire où il est nécessaire de s’acquitter du fonctionnement des manèges, mais aussi des basses besognes. Malgré l’ironie qui découle de la situation et l’approche décalée, la promiscuité entraîne des dissensions au sein de la hiérarchie des monstres.
L’histoire brasse donc des thématiques et des valeurs assez disparates. La différence, la relation père-fille, le cadre monoparental, sans oublier la discrimination au sein d’une communauté par le biais de considérations purement arbitraires. En marge d’une progression énergique et d’un récit prenant, le discours avancé est aussi cohérent que pertinent dans un tel cadre. En dépit du sérieux de certains sujets, le traitement se veut léger avec un sens de l’humour opportun qui tend à dédramatiser l’ensemble. Car le film d’Arthur de Pins est avant tout un divertissement familial. On notera quelques allusions parodiques dans la caractérisation des personnages, au regard des clichés véhiculés au cinéma, comme sur papier.
Au final, Zombillenium est une adaptation réussie de la bande dessinée. Préservant son esprit et son dynamisme, ce film d’animation prévaut autant pour sa patte graphique que pour son intrigue. Soutenue par des sujets forts et parfaitement intégrés dans l’univers imaginé par Arthur de Pins, l’histoire demeure originale et bien amenée. Si contraste il y a, il provient surtout du côté macabre, voire austère dans la description de son environnement, et de la bonhomie qui s’en dégage. Comme bien souvent dans ce type d’approche, les normes sont inversées pour mettre en exergue des apparences trompeuses. En somme, un film d’animation qui n’a pas à rougir d’une comparaison avec les productions américaines du même acabit.
Un film de Arthur de Pins, Alexis Ducord
Avec : Fily Keita, Emmanuel Curtil, Patrice Melennec, Gilbert Levy