Voir la fiche complète du film : Tesis (Alejandro Amenábar - 1996)

Tesis - Critique

Pour un premier long-métrage, Tesis se révèle être un petit bijou dans son genre. En abordant le thème des snuffs-movies, Tesis parvient à concilier un discours introspectif sur le rapport à l'image avec une intrigue haletante que l'on suit avec grand plaisir.

Publié le 14 Septembre 2014 par Oeilsansvisage
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Etudiante à la faculté des sciences de la communication de Madrid, Angela se lance dans une thèse de doctorat portant sur la représentation audiovisuelle de la violence. Ses recherches l’amènent à se retrouver malgré elle en prise avec un réseau de tournage de snuff-movies secrètement implanté dans la fac.

Tout commence lorsque la jeune femme rencontre Chema, un étudiant solitaire, amateur de films d’horreur. Voyant en lui un spécialiste du sujet qui l’intéresse, elle lui demande de lui montrer des films aux images chocs afin de se plonger dans le vif du sujet. Dans un premier temps, Chema se montre réticent mais il finit par céder, trouvant dans cette rencontre l’opportunité de sortir de son isolement en passant du temps avec une fille. Si Angela est d’abord horrifiée par ce que lui montre Chema, des «mondos» c’est-à-dire des compilations de faux snuffs, la fascination qu’elle ressent en même temps la pousse à vouloir se confronter à des images toujours plus extrêmes.



Les choses se corsent lorsqu’elle découvre son directeur de thèse mort dans une salle de projection de la fac. Paniquée et intriguée, elle vole la cassette vidéo qu’il regardait et s’enfuit sans rien dire. Elle montre la cassette à Chema qui en déduit que les images qu’elle contient ne sont pas mises en scène mais le résultat d’une véritable séance de torture et d’une exécution filmée! De plus il reconnaît la victime: une étudiante de la fac, mystérieusement disparue quelques années plus tôt. Grâce à leurs connaissances en technique audiovisuelle, les deux étudiants parviennent à déchiffrer certains détails du contenu de la vidéo et en concluent que la caméra utilisée pour filmer le snuff provient du matériel de la fac. Décidés à ne pas en rester là, ils vont mener l’enquête jusqu’à découvrir un ensemble de couloirs dissimulés derrière les murs de la fac, menant à une salle renfermant une véritable collection de snuff movies enregistrés sur VHS.



Trop curieux, les deux étudiants se retrouvent pris au piège dans une sombre histoire impliquant plusieurs membres de la faculté. Entre son nouveau directeur de thèse, le comportement suspect de son ami Chema et les manigances d’un autre étudiant qui s’immisce peu à peu dans sa vie privée, Angela ne sait plus à qui faire confiance pour garder le contrôle de la situation.

Pour mieux comprendre Tesis, il faut se tourner vers son contexte de production: le réalisateur, Alejandro Amenábar, était lui-même étudiant dans la faculté où il a tourné son film. Sa bonne connaissance des lieux lui a permis d’exploiter au maximum l’architecture froide et impersonnelle du bâtiment afin de créer une atmosphère inquiétante, propice au suspens. On suit les pas d’Angela qui se faufile dans ces lieux à première vue banaux mais où le réalisateur parvient à immerger le spectateur grâce à sa maîtrise de la mise en scène.



Avec un scénario bien ficelé et des personnages crédibles interprétés par des acteurs impeccables dans leurs rôles respectifs, l’intrigue fonctionne parfaitement et l’on est captivé par les rebondissements jusqu’au dénouement final. Le tout bénéficie d’un certain nombre de détails croustillants qui donnent un charme indéniable à ce thriller horrifique. C’est par exemple la musique formée de nappes de synthé simulant des accords de violon qui crée une ambiance typique de série B des années 90. Le style du film est ainsi totalement en adéquation avec la volonté du cinéaste de coller à un genre de film précis.



En abordant le thème difficile des snuff-movies, Alejandro Amenábar trouve un moyen original de concilier son regard introspectif d’étudiant en cinéma devenu réalisateur - plus largement le rapport du spectateur à l’image - avec l’histoire d’une descente au cœur d’un réseau de l’horreur. Le film joue sur la suggestion / représentation afin de provoquer une prise de conscience chez le spectateur quant à sa responsabilité face à l’image. Le fait d’associer la production de snuffs avec l’institution qu’est l’université (et non avec des groupuscules criminels extérieurs au milieu des élites sociales) est une façon relativement courageuse d’aborder cette question taboue. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit du premier long métrage de son réalisateur alors qu’il n’avait que 23 ans!



Comme le suggère un des profs d’Angela, pour faire face à la domination qu’exerce le cinéma hollywoodien, il faut donner au spectateur ce qu’il demande. Amenábar réussit son pari même si Tesis ne fut pas un succès public important à sa sortie. Il permit néanmoins au réalisateur de démontrer son talent qui lui ouvrira plus tard les portes d’Hollywood où il réalisera notamment Les Autres. On attend désormais son prochain film Regression qui semble renouer avec le thriller et devrait sortir durant l’été 2015.

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