L'asile
Les films à sketches permettent généralement de faire vivre de petites histoires qui ne nécessitent pas de s’étendre outre mesure. À la manière de courts-métrages, elles doivent se montrer brèves et rentrer dans le vif du sujet sans perdre de temps. Une thématique spécifique, une durée à respecter pour chaque segment, sans compter un fil commun qui relie l’ensemble de façon crédible. Les contraintes sont nombreuses, ne serait-ce que pour cadrer avec des codes stricts et clairement établis. Bien que limité sur le plan narratif, le genre permet de varier les plaisirs, allant de petites surprises en découverte.
Au menu du soir, la soupe à la grimace
Et l’on peut déjà noter que le prétexte pour faire succéder différents récits se tient. On arpente les couloirs d’un institut psychiatrique lugubre aux méthodes de soins particulières. En réalité, elles brillent par leur absence, ce qui confère à l’endroit de faux airs de mouroirs ou de purgatoires, selon le point de vue. Le personnage central est soumis à un test d’embauche pour découvrir la véritable identité d’un des patients. Ce qui peut signifier mettre en doute leur parole. Mais quel crédit accorder à des individus que l’on estime fous? Une sorte de contradiction permanente qui se veut d’un grand intérêt par la suite.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la thématique principale n’est pas forcément la folie en elle-même. On s’attarde davantage sur la confrontation de protagonistes ordinaires face à des événements impossibles. De fait, on les considère comme fous. La folie est donc une résultante et non une cause. Mais entre les prétendues élucubrations que le médecin écoute et la véracité des faits dont les patients sont victimes, on tend bien entendu à crédibiliser l’ensemble de leurs dires par l’implacable témoignage des images. Le contexte et les propos tenus sont le point fort d’Asylum. À savoir, une confusion toute maîtrisée entre une folie de façade et une réalité moins pragmatique qu’escomptée.
Ça risque d'en faire perdre la tête à plus d'une !
Malgré cette tournure pour le moins intéressante, il persiste un problème de taille: les histoires. En l’occurrence, elles ne sont pas forcément d’une qualité inégale, défaut souvent mis en avant pour des métrages similaires. On distingue même différentes approches pour développer le sujet. Ce n’est donc pas la constance ou la variété qui laissent perplexes, encore moins l’interprétation sans faille d’un casting séduisant. De même, l’atmosphère gothique de The Weird Tailor succède à merveille aux préoccupations plus contemporaines de Frozen Fear.
La progression suscite moins d’interrogation que le fil rouge. Les enjeux sont prévisibles. Les grandes lignes, elles, sont trop explicites pour surprendre, à tout le moins convaincre le spectateur que la folie des protagonistes est aussi subtile que soudaine. Si le segment Lucy Comes to Stay est plus timoré et donc plus efficace dans son exposition, les trois autres récits font la part belle à un ton grand-guignolesque qui se traduit par des faits improbables et saugrenus. Pour cause d’une durée insuffisante, le quatrième et dernier segment s’amalgame au fil rouge pour boucler cahin-caha la visite. Au regard de l’entame et des intermèdes, un contraste qui jette un froid sur la qualité générale.
Et pas forcément dans le sens où on l'entend...
Malgré un enrobage réussi et un réel soin apporté au lien qui unit l’ensemble des segments, Asylum se solde par un constat en demi-teinte. Les intrigues disparates tendent à traiter le thème principal avec trop de bonhomie et de complaisance pour persuader le spectateur. Entre une histoire d’adultère qui vire à une malédiction vaudou «éparse», un costume maudit ou des poupées animées par la force de la pensée... Seul le troisième récit, Lucy Comes to Stay se démarque du lot avec une troublante Charlotte Rampling. En dépit des efforts entrepris et de ses qualités, Asylum délaisse l’ambiguïté d’un tel sujet pour privilégier une approche moins psychologique et plus expansive que nécessaire.
Un film de Roy Ward Baker
Avec : Robert Powell, Patrick Magee, Peter Cushing, Britt Ekland