Pacific Rim
Ensuite, ce n'est pas n'importe qui derrière la caméra. Guillermo Del Toro l'a déjà montré maintes fois, c'est un génie. Mais c'est bien la première fois qu'il commande un énorme blockbuster avec un budget conséquent. Plus habitué aux films intimistes et fantastiques avec une forte puissance émotionnelle (Le Labyrinthe de Pan fait partie de mes films de chevet, mais on a aussi L'Échine du Diable ou Cronos), il a aussi fait quelques gros films, mais avec un budget moindre et pouvant y mettre sa patte (Blade 2, les deux Hellboy ou encore Mimic). Adulé par un groupuscule de plus en plus grand, le cinéaste demeure moins connu qu'un Michael Bay ou un Zack Snyder. Maintenant, qu'a-t-il fait avec Pacific Rim ? S'est-il fait bouffer par les grands producteurs d'Hollywood ou a-t-il réussi à faire quelque chose de grand et de fort ?
Bien entendu, cela reste assez peu travaillé, laissant la place aux combats gigantesques, mais on ressent tout de même quelques passages assez inhabituels pour un blockbuster. Par exemple, la scène du souvenir de la petite fille est très poignante et fait partie de ces fulgurances que seul un Del Toro peut fournir. On pourra aussi pester contre un manque de profondeur des personnages, mais ils représentent nos héros d'antan, de tous nos dessins animés que l'on a pu voir et aimer et en ce sens, le réalisateur ne les a pas trahis, n'en faisant pas des idiots excessifs essayant de faire rire comme on a pu le voir dans Transformers. Point de cynisme dans ce scénario, dans cette histoire, tout est au premier degré et on ressent vraiment un amour pour nos monstres de jeunesse, pour nos histoires surdimensionnées et un profond respect pour le spectateur et ses souvenirs de jeunesse.
La mise en scène est particulièrement efficace. Encore une fois, on reconnaît la patte de Del Toro notamment lors des séquences de combat, très rythmées, parfaitement chorégraphiées et lisibles. Choisissant ses plans avec parcimonie, on voit une concentration toute particulière sur les décors et l'ambiance du film. Les combats se déroulent de nuit, sous la pluie et rendent un ton apocalyptique majestueux. S'inspirant sûrement des scènes de combat de samouraïs se déroulant sous la pluie comme par exemple The Grandmaster de Wong Kar-Wai, les combats sont vraiment l'aspect le plus impressionnant du métrage. À côté de cela, on retrouve des décors bien plus chers à Del Toro, comme le marché aux os qui ressemble au marché des trolls dans Hellboy 2 et on voit vraiment cette esthétique si chère au cinéaste. Et que dire des zones dévastées, notamment lors de la scène de la petite fille, qui donnent un sentiment d'étouffement, de mort et de désolation.
Là encore, on est dans quelque chose de surprenant pour un film de cette envergure qui est censée montrer des combats de robots sans forcément forcer sur l'esthétisme des lieux (Transformers encore une fois), mais Del Toro donne une approche différente et belle, nous décollant la rétine sur chaque plan. On ressent aussi la touche du réalisateur dans le design des monstres, qui reste dans la même veine que ses précédentes ½uvres dont Hellboy. À la fois reptilien, empruntant aux squales ou aux crustacés, et avec les petites créatures insectoïdes (Del Toro est fasciné par les insectes depuis son enfance et notamment par leur perfection anatomique), on voit que le monsieur est passé par là, donnant un aspect bien spécifique aux monstres.
Enfin, on peut parler des acteurs. Encore une chose surprenante pour un blockbuster, il n'y a pas de têtes d'affiche qui feront venir des millions de jeunes filles en fleur. Point de Brad Pitt, trop occupé à courir devant des zombies. Point de Tom Cruise, trop occupé à convertir des âmes égarées. Point de Bruce Willis, trop occupé à se remettre de son dernier Die Hard. Du coup, en tête d'affiche nous avons le très charismatique Idris Elba, qui tient un rôle important et à la hauteur de son image. Il est parfait dans son rôle et tient bien la baraque. Notre héros est Charlie Hunnam, personnage principal de la série extraordinaire Sons of Anarchy. Il est vrai qu'il est un peu candide, mais c'est son rôle qui veut ça et il représente nos héros d'enfance et donc, il doit se tenir comme tel. Rinko Kikuchi est aussi assez peu connue, malgré son rôle dans l'excellent Babel de Inarritu et le très mauvais Assault Girls de Mamoru Oshii. Enfin, on pourra apprécier la performance de Ron Perlman, l'acteur fétiche de Guillermo Del Toro, qui donne, avec les deux scientifiques, un élan d'humour qui est loin d'être potache et qui est même agréable.
Un film de Guillermo Del Toro
Avec : Charlie Hunnam, Rinko Kikuchi, Idris Elba, Charlie Day