Mushishi
Les Japonais sont doués dans le domaine du fantastique, particulièrement dans les histoires de fantômes. Plus ouvert d’esprit sur ce point que les Occidentaux, ce qui est invisible fait partie intégrante de leur existence. S’ils aiment explorer cet aspect de leur quotidien dans des légendes urbaines et des récits de hantise, ils n’ont pas leur pareil pour des œuvres plus posées. Des intrigues où la poésie ambiante s’invite à la contemplation de somptueux panorama. Mushishi, c’est avant tout la découverte d’un folklore méconnu dans nos contrées. L’occasion d’aborder certaines questions existentielles sous couvert d’un lyrisme qui résonne avec une étonnante justesse.
Premier point sur lequel les animes ne s’arrête pas forcément: le cadre. En général, on demeure ancré dans un contexte urbain où la nature n’occupe qu’une place anecdotique. Pour se prêter à un ton volontairement apaisant et lent, on explore la campagne japonaise. Entre forêts, côtes et villages agricoles, chaque étape marque une halte aussi opportune que surprenante. De prime abord, l’étonnement se manifeste par la majesté de l’environnement. Pour cela, les plans statiques n’ont rien à envier à certaines aquarelles. L’ensemble s’accompagne de bruitages diffus s’accordant sur la fibre émotionnelle du spectateur. Nul besoin d’effets ou d’une technique poussée, l’abstraction du discours se suffit à lui-même.
Hormis la présence récurrente de Ginko, le protagoniste, chaque épisode peut être vu indépendamment des autres. Certes, on découvre petit à petit des pans oubliés du passé de Ginko, mais la trame principale est dépourvue de fil rouge. À travers les saisons, chaque incursion ne s’embarrasse guère d’informations géographiques ou temporelles, si ce n’est les repères visuels de l’instant présent. De fait, Mushishi tient davantage du conte ou de la fable qu’on véhicule sur le papier ou à l’oral. De courtes intrigues qui, prises à part, offrent un point de vue original sur une question précise. Les valeurs familiales, l’écoulement du temps, la différence et le rejet, le rapport à la nature, le sens de la vie...
Sur bien des points, le travail de Ginko est similaire à des investigations policières. Un mal frappe une personne ou un groupe donné. À charge pour lui de découvrir ce qui le cause et la manière de le soigner. Au vu du concept, on devine aisément que derrière chaque souffrance (le plus souvent involontaire), on a droit à la présence d’un mushi. À l’instar d’un écosystème invisible, les mushis définissent un ensemble d’êtres aussi dissemblables que singuliers. Ainsi, l’expérience et les connaissances de Ginko sont complémentaires à une recherche sur le terrain. Question de morale ou de nécessité, les dénouements ne sont pas toujours heureux.
En tous les cas, la variété des «affaires» qu’on lui confie offre un excellent aperçu de la manifestation des mushis. Ceux-ci peuvent apparaître sous la forme d’un arc-en-ciel, de spectres errants, de nourrissons, voir même un marais mouvant. Certaines espèces se matérialisent dans des objets ou des vêtements. La surprise est permanente chez le spectateur, bien incapable d’anticiper la teneur ou l’évolution d’une situation dont les protagonistes ignorent parfois tout. Ce renouvellement constant fait que le plaisir de la découverte demeure jusqu’au dernier épisode. Seule persiste une progression timorée, ainsi qu’une invitation à la relaxation, au lâcher-prise.
Au final, Mushishi est un anime unique en son genre. Loin de certaines facéties difficilement dissociables des mangas, l’œuvre de Yuki Urushibara possède une force émotionnelle rare. D’histoires étonnantes en rencontres singulières, Mushishi s’appuie sur un traitement contemplatif d’exception pour dépeindre une fresque poétique sublime. Un caractère d’autant plus percutant que l’anime fait preuve d’une véritable modestie, proposant des réponses à certaines interrogations existentielles. Pour autant, chacun en retirera la morale qu’il désire. Le dogmatisme n’étant clairement pas de rigueurs en ces contrées où la nature resplendit de sa magnificence.
Saison 2: 9/10
Un film de Hiroshi Nagahama, Ichigo Sugawara
Avec : Yûto Nakano, Kôjun Itô, Mika Doi, Takeshi Maeda