Les Sorcières d'Akelarre
Commençons par esquisser le tableau : Les Sorcières d’Akelarre c’est 9 nominations aux Goyas 2021 (l’équivalent espagnol des Oscars) avec, au final, une moisson de 5 statuettes remportées. Excusez du peu. Pour qui connait le niveau qualitatif du cinéma espagnol, cette avalanche de récompenses laisse augurer de belles choses quant au film de Pablo Agüero, aussi il est notable et appréciable de constater que l’éditeur BLAQ OUT a pris l’initiative de le proposer en DVD/Blu-Ray car il mérite d’être vu par le plus grand nombre, quand bien même son aspect rugueux ne le destine pas au grand public. Adorateurs de Satan, préparez-vous à être déçus : vous ne trouverez point dans Les Sorcières d’Akelarre de figure démoniaque ou de bélier malfaisant puisque les seuls monstres que vous y rencontrerez sont aussi humains que vous et moi.
Les Sorcières d’Akelarre, ça parle de quoi ? Le scénario pose ses valises en plein Pays basque, au début du XVIIe siècle alors que l’Inquisition bat son plein. Six jeunes femmes sont arrêtées et accusées d’avoir participé à une cérémonie diabolique, le Sabbat. Interrogées et torturées, elles n’ont plus qu’un espoir : gagner du temps jusqu’à la pleine lune…
Selon le réalisateur Pablo Agüero, l'histoire est inspirée des notes que le juge Pierre de Rosteguy de Lancre (incarné à l’écran par l’impressionnant Àlex Brendemühl) a ramenées de son voyage au pays basque français en 1609 et rassemblées dans son ouvrage Tableau de l'inconstance des mauvais anges et démons. De ce fait, Les Sorcières d’Akelarre est le résultat d'une longue enquête basée sur le livre de Pierre de Lancre, qui dépeignait la sorcière comme une femme révolutionnaire. Car c’est bien de cela dont il s’agit ici : sont taxées de « sorcières » des femmes qui ne demandent qu’à vivre libres, selon leurs envies et non pas en suivant d’absurdes schémas patriarcaux. En cela, le film de Pablo Agüero est une œuvre résolument féministe qui parle autant de 1609 que de notre époque.
La réalisation naturaliste se montre impeccable et fait même par moments penser au The Witch de Robert Eggers, notamment à cause de sa volonté de jouer la carte de l’épure stylistique, à la limite du documentaire, sans tomber dans la reconstitution historique bête et froide. La caméra souligne ainsi la tension permanente qui règne dans ce cloître en se collant au plus près d’acteurs dont l’intense interprétation porte le film de bout en bout. Car le scénario a beau s’avérer écrit aux petits oignons, aussi tendu qu’imprévisible, ce sont bien les hommes et les femmes donnant corps aux personnages qui impriment le plus la rétine.
Historique et convaincant, Les Sorcières d'Akelarre fait mouche aussi bien grâce à sa parabole pertinente des temps présents qu’à son suspense étouffant porté par des acteurs de talent. Un must pour les amateurs de films traitant de sorcellerie.
Un film de Pablo Agüero
Avec : Àlex Brendemühl, Amaia Aberasturi, Daniel Fanego