La dernière maison sur la plage
Particulièrement prisé du cinéma bis, le rape and revenge a connu un succès notable dans les années 1970-1980 où les pellicules scabreuses rivalisées de perversions, de violences et d’humiliation envers la gent féminine. Avec des titres comme La dernière maison sur la gauche ou I spit on your grave, les Anglo-saxons ont posé les bases d’un sous-genre qui, au même titre que le slasher ou le giallo, possède des codes très particuliers qu’il convient de respecter pour ne pas sombrer dans l’opportunisme. De fait, la marge pour fournir une production originale et ne pas décevoir un public de cinéphiles avertis est assez mince.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le film de Franco Prosperi joue constamment sur l’appréhension des sévices et la séquestration. Du simple prétexte narratif que ne renieraient pas les scénaristes versés dans la pornographie pour enclencher la machine à une progression rudimentaire et surfaite, l’histoire manque clairement d’intérêt. Il est vrai qu’il faut rester conscients de certaines contraintes comme le cadre restreint. Or, l’isolement que ce dernier est censé susciter via un huis clos rondement mené ne prendra jamais. Le réalisateur tente d’insuffler l’atmosphère malsaine de ses prédécesseurs sans jamais trouver le ton adéquat.
Inhérente au genre, la misogynie ambiante objetise la femme comme un simple objet sexuel destiné à satisfaire les déviances de l’homme. On devine un rapport de force inégal qui ne sera renversé que dans les ultimes minutes via un retournement peu crédible. En ce sens, La dernière maison sur la plage se concentre davantage sur le côté Rape que Revenge, car les victimes demeurent prisonnières de poncifs et de clichés qui ne les feront réagir que trop tard au vu des exactions commises. On nous jette quelques arguments bâclés pour justifier leurs comportements et permettre aux malfrats de disposer de leurs corps selon leur bon vouloir.
Même cet élément ne respecte pas ses promesses. À trop se focaliser sur le suggestif sans oser franchir le pas, la mise en scène s’appuie invariablement sur le décalage d’une bande-son guillerette et la brutalité des images. Une violence toute relative qui joue constamment avec un cadre excentré, des mimiques exagérées et des gestes brusques. Pour le reste, on laisse vaquer l’imagination du spectateur sans prendre de risque en espérant que cela suffise à contenter le quidam et ses appétits scabreux. En somme, on veut choquer sans aller au bout des idées ou des codes d’un sous-genre qui nécessite de transgresser les barrières de la bienséance.
Niveau casting, on nous dessert des habitués de séries B fauchées qui ne sont guère reconnus pour leur talent d’interprétation. Ils ne provoquent guère d’empathie ou d’aversion, mais un agacement permanent qui s’impose devant toute autre considération. De plus, les personnages sont à peine esquissés et s’avèrent inintéressants au possible. On les affuble de quelques critères pour se concentrer sur les apparences et la sauvagerie bestiale. Malheureusement, ce n’est pas le rôle ambivalent de Ray Lovelock qui rattrapera la donne ; en dépit d’une approche de bad guy pas si méchant que ça, mais qu’on devine plus manipulateur et fourbe qu’il laisse paraître.
Sans pour autant copier honteusement sur ses homologues britanniques ou américains, La dernière maison sur la plage est une production italienne qui s’accapare le succès du Rape and Revenge sans jamais retranscrire un climat malsain, dérangeant et brutal à souhait. Progression pénible et ennuyeuse, acteurs amorphes qui ne convainquent guère, violence édulcorée, bande-son stridente et histoire poussive... Franco Prosperi signe un film opportuniste et mal ficelé qui joue sur une réputation sulfureuse et un pitch de départ racoleur afin de rameuter un public versé dans le domaine horrifique, mais se fourvoie dans la complaisance et un manque d’intérêt notoire.
Un film de Franco Prosperi
Avec : Florinda Bolkan, Ray Lovelock, Flavio Andreini, Sherry Buchanan