Voir la fiche complète du film : L'Emprise des Ténèbres (Wes Craven - 1988)

L'emprise des ténèbres

Une plongée progressive dans la culture et les rituels vaudou qui, par le biais d’un développement soigné, se solde par une parfaite représentation des us et coutumes haïtienne. Plus qu’un film d’horreur, une parfaite compréhension des mécanismes de la peur servie par une ambiance sans commune mesure. Le tout dans des circonstances qui mêlent habilement hallucinations et réalité.

Publié le 9 Mai 2018 par Dante_1984Voir la fiche de L'Emprise des Ténèbres
8
Zombie

La réputation de Wes Craven s’est forgée au cours des années 1970 et 1980, notamment grâce à La colline a des yeux, mais surtout avec Les griffes de la nuit. Entre temps, le réalisateur propose également des téléfilms plus ou moins anecdotiques, comme Invitation en enfer et L’été de la peur. Aussi, on ne peut que saluer ses efforts pour avoir transcendé le genre horrifique sur certains aspects et lui avoir offert des figures emblématiques telles que Freddy ou Ghostface. Si la qualité de sa filmographie reste variable avec quelques ratages (Terreur froide, Un vampire à Brooklyn...), on lui doit quelques métrages moins connus. L’emprise des ténèbres est certainement son film le plus sous-estimé.

Baron Samedi vous salue bien !

Il est vrai que la progression aurait gagné à être moins fluctuante, alternant les phases d’investigations avec des séquences nerveuses sans vraiment soigner la cohérence d’un point de vue temporel. Mais il s’agit bien là du seul point de détail susceptible d’atténuer l’excellence qui émane d’une atmosphère à nulle autre pareille. Et pour cela, le récit s’inspire sur le livre de Wade Davis et de faits réels. Si cette dernière appellation est souvent sujette à caution de nos jours, elle était plus pertinente dans les années1980. Ici, la transposition des événements s’appuie sur un prétexte crédible et non dénué d’intérêt pour développer une approche originale.

En l’occurrence, on se penche sur les pratiques vaudou en Haïti. Sous couvert de recherches pharmacologiques, on découvre progressivement la culture et les coutumes locales, notamment ce qui a trait à l’occultisme et au syncrétisme religieux. Les mythes et légendes sont intégrés aux croyances chrétiennes sans contradiction aucune. Il en ressort une vision singulière, non moins mystérieuse, que l’on pourrait qualifier d’ésotérique par le déroulement des rituels et le respect des traditions. Et sur ce point, le film parvient à retranscrire une angoisse toute latente. Ce n’est pas forcément la mort qu’il faut craindre, mais l’errance perpétuelle d’un corps dépourvue d’âme.

Après les cannibales, les zombies...

Pour ce faire, la thématique des zombies est placée dans un contexte réaliste. Cela peut paraître saugrenu et pourtant le fait de développer les justifications autour de la «poudre de zombification» et de s’attarder sur ses effets physiques et psychologiques étonne à plus d’un titre. L’absence de réactions ou de signes vitaux peut donner lieu à toute sorte de dérives, comme l’enterrement vivant. Une idée récurrente qui passe du stade de la simple phobie (avec le côté irrationnel que cela comporte) à la réalité. Là encore, le contact avec un mode de vie différent des mœurs occidentales accentue le contraste et l’ouverture vers un nouveau champ de possible.

Les investigations et les recherches pour découvrir le secret des morts qui reviennent à la vie se montrent progressives et relativement pertinentes dans l’avancée des propos. Ceux-ci se déroulent parfois dans des états hallucinés. De fait, la distinction entre le fantasme et la réalité est plus ambivalente qu’escomptée. La transposition des peurs du protagoniste à l’écran trouvant une curieuse résonnance avec les événements en devenir. On pourrait même parler de visions prophétiques ou sujettes à de sombres prémonitions. L’horreur, si elle est présente dans le dernier quart d’heure, restera à dessein dans l’appréhension toute psychologique que s’en fera le spectateur.

Vous pouvez embrasser la mariée.

Au final, L’emprise des ténèbres bénéficie d’une atmosphère exceptionnelle qui réussit à retranscrire le folklore haïtien dans un contexte oppressant. En parallèle de considération pragmatique (la recherche du médicament «miracle», la situation politique...), l’intrigue est une plongée progressive dans des croyances ancestrales. L’amalgame entre superstitions et réalité y est particulièrement probant pour flouer les frontières du fantastique et du tangible. La peur est ici entretenue d’une manière subtile pour mieux emporter son public dans les tourments du protagoniste. Une odyssée sombre et parfois éprouvante qui se solde comme l’une des meilleures bobines de Wes Craven.

A propos de l'auteur : Dante_1984
Portrait de Dante_1984

J'ai découvert le site en 2008 et j'ai été immédiatement séduit par l'opportunité de participer à la vie d'un site qui a pour objectif de faire vivre le cinéma de genre. J'ai commencé par ajouter des fiches. Puis, j'ai souhaité faire partager mes dernières découvertes en laissant des avis sur les films que je voyais.

Autres critiques

Bloody Waters : Eaux Sanglantes
Kevin O'Neill semblait avoir oublié la réalisation depuis son misérable Dinocroc en 2004. On se souvient d'un téléfilm bas de gamme où une bestiole préhistorique semait la terreur dans son entourage. Aussi, l'on aurait pu croire que cette pathétique aventure n'aurait pas de suite tant pour Dinocroc que pour le cinéaste. Six ans plus tard, les deux nous reviennent en grande forme...
Tucker & Dale fightent le mal
Depuis plusieurs mois déjà, Tucker & Dale Fightent le Mal , réalisé par Eli Craig et écrit en collaboration avec Morgan Jurgenson , fait le buzz sur la Toile. Il faut dire qu'avec un titre pareil et une affiche bien dans le ton, il est impossible de ne pas se sentir intrigué par ce film qui fleure bon la déconne, la tripaille et la parodie de genre. Un exercice ambitieux, bien souvent...
Underwater
Les fonds marins, et plus particulièrement les abysses, font l’objet d’une certaine fascination en raison de leur méconnaissance. D’hypothèses scientifiques plausibles en théories purement fictionnelles, plusieurs productions cinématographiques se sont distinguées par des huis clos immersifs, voire oppressants lorsque ceux-ci s’apparentaient à un récit survivaliste. On...
The Strangers
Comme l’attestent Old Boy , Memories of Murder ou J’ai rencontré le diable , le cinéma coréen est réputé pour ses polars de grande qualité. D’ailleurs, Hong-Jin Na a déjà fourni deux efforts incontournables en la matière avec The Chaser et The Murderer . Après six années d’absence, le réalisateur revient avec ce qui s’annonce comme un thriller du même acabit: The...
Bloody Waters : Eaux Sanglantes
Kevin O'Neill semblait avoir oublié la réalisation depuis son misérable Dinocroc en 2004. On se souvient d'un téléfilm bas de gamme où une bestiole préhistorique semait la terreur dans son entourage. Aussi, l'on aurait pu croire que cette pathétique aventure n'aurait pas de suite tant pour Dinocroc que pour le cinéaste. Six ans plus tard, les deux nous reviennent en grande forme...
L'Emprise des Ténèbres
Réalisateur:
Sortie France:
Durée:
98 min.
8.28571
Moyenne : 8.3 (21 votes)

Devinez le film par sa tagline :

Seduced by something else than human... In love with something more.

Thématiques