L'Homme aux Poings de Fer
Dans un village chinois méconnu, un forgeron voit se manifester les velléités de gangs rivaux pour un convoi d'or qui ne tardera pas à arriver. Les tensions s'exacerbent d'un côté et de l'autre tandis qu'il attend patiemment son heure.
Premier long-métrage du rappeur RZA (Wu-Tang clan), L'homme aux poings de fer est un projet qui lui tenait à coeur étant donné qu'il officie dessus en tant que réalisateur, scénariste, compositeur et interprète principal. L'histoire est née de sa rencontre avec Eli Roth et, de là, il suffisait de noircir quelques feuilles pour concrétiser son bébé. On se demande si cette polyvalence et implication de la part de RZA est signe de bon aloi ou un handicap évident pour n'obtenir qu'une vision restrictive du potentiel de départ.
Griffus, velus, chevelus et poilus, une meute de lions bien arrogante.
Certes, il n'est pas le premier chanteur à s'essayer au septième art (qui a dit Rob Zombie ?), mais à trop vouloir contrôler et non déléguer les responsabilités, on voit clairement à l'écran que ce film aurait pu être meilleur grâce à des points de vue dissemblables. On peut incriminer une histoire des plus prévisibles et sans réelle surprise. Les tenants et les aboutissants sont attendus dès les premiers instants et ce n'est pas la multiplicité des différents intervenants qui changera la donne. Dans un joyeux pot-pourri, RZA incorpore une bonne dose d'arts martiaux sortie des années 1970 (en particulier, le wu-xia), un soupçon de blaxploitation (toujours de la même période) et de western pour un résultat étonnant, pas forcément imbuvable, mais brouillon et inconstant.
La narration est laborieuse à plus d'un titre et ce n'est pas la voix off du forgeron (RZA, encore lui) qui dira le contraire. On part d'un contexte où l'on relate le quotidien de Jungle Village, des rivalités intestines, des missions à accomplir, une vengeance, d'un étranger bizarre et psychotique, d'un homme invincible en acier, d'une quête de rédemption, d'une fuite, d'une nouvelle vengeance... et… restons-en là. Toutes les informations sont régurgitées dans la débâcle entre deux combats et sur un rythme inconstant sans trop savoir ce qui prévaut dans l'histoire. À cela, on fustigera un temps mort des plus agaçants au beau milieu du film où les flash-back (pas forcément utiles et bienvenus) nous narrent le passé de Thadeus (RZA, toujours lui !).
Son nom est Knife, monsieur Knife. Mais vous pouvez l'appeler Jack.
Le côté has-been se veut sans doute parfaitement assumé pour conférer un charme désuet au métrage (un peu comme les grindhouse), mais il faut reconnaître que la succession de clichés au niveau du récit fait peine à voir. À aucun moment, on ne sort des ruelles balisées de Jungle Village. Le cadre bien défini avec ses clans rivaux, la maison close, la forge et le restaurant sont les lieux principaux où se déroule l'intrigue. De ce point de vue, il est vrai que les décors sont assez recherchés et variés. Ils disposent d'un soin tout particulier pour installer l'ambiance. Les cerisiers dans le hall de la maison close, les draperies, l'architecture extérieure des bâtiments… s'avèrent des atouts non négligeables pour mettre en avant un braquage sommaire et plutôt fade.
Il demeure tout de même des combats chorégraphiés par des spécialistes (Corey Yuen) qui connaissent le métier. Entre un kung-fu brut de décoffrage, des envolées planantes et l'utilisation d'armes pour le moins éclectiques. Les affrontements se targuent d'arguments tranchants et ne lésinent nullement sur l'hémoglobine. Les membres cassés et/ou arrachés, les égorgements, les amputations justifient autant les flots de sang qui giclent en tout sens. En somme, le travail est très académique, plaisant et maîtrisé en dépit, là également, d'une sensation de déjà-vu (pour les connaisseurs).
Ça c'est un type en or, le coeur toujours sur la main.
Autre point qui permet de relever un tant soit peu le niveau : le casting. On ne parlera pas de RZA (qui occupe suffisamment le devant de la scène) et de son personnage taciturne, presque désenchanté. Penchons-nous plutôt surtout sur les rôles secondaires. La seule surprise est de retrouver Russell Crowe bedonnant et quelque peu étrange. Même si certains passages le laissent en roue libre, le charisme de l'acteur reste (presque) intact. Pour le soutenir, la toujours séduisante Lucy Liu campe la gérante de la maison close. Pas de grandes évolutions, un rôle à minima et sans risque qui lui demande le strict minimum. Tout comme l'impressionnant Dave Bautista qui en impose plus par sa carrure que par son talent d'acteur.
Un dernier point sur la bande-son clairement axée rap, hip-hop. On apprécie ou pas (remarque purement subjective : je serai enclin à choisir la deuxième hypothèse), mais les morceaux s'accaparent assez facilement les images et donnent le ton aux joutes à venir. Pour les effets spéciaux, il faut reconnaître qu'ils sont assez inégaux. Entre l'homme d'acier et sa peau changeante (correct) et les chiens de l'introduction modélisés de manière abominable, on ne sait pas trop si c'est volontaire ou non de faire dans le clinquant ou le ridicule.
Le vrai bras de fer va enfin pouvoir commencer.
Bref, L'homme aux poings de fer est un film d'action sommaire qui ressasse les poncifs de genres aussi variés que le wu-xia ou le western. Pas forcément incompatible, la narration pose d'énormes problèmes et mélange à tout-va des idées piochées çà et là sans se soucier de leur cohérence. Malgré des affrontements bien orchestrés, un cadre travaillé et la présence de Russell Crowe, on pestera contre un scénario simpliste au possible et des lignes de dialogues qui relèvent davantage du prétexte que d'un réel fond pour que l'intrigue progresse. Un tantinet décevant, RZA parvient très difficilement à crédibiliser ses ambitions de cinéaste en herbe.