Kong - Skull Island
Depuis le chef d’œuvre de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, King Kong est devenu une figure emblématique du septième art. Au fil des époques, le gorille géant s’est initié dans des remakes tout à fait convenables, mais aussi dans des séries B et des nanars pour le moins discutables. Preuve en est avec King Kong 2 de John Guillermin, un métrage de sinistre mémoire. Malgré ces errances cinématographiques, il n’a rien perdu de son aura et de son charisme. S’il n’est nulle question d’un reboot, Kong - Skull Island marque un retour en force, du moins dans les intentions, pour relancer une œuvre passionnante. Seulement, l’angle d’approche tranche radicalement avec les précédents métrages.
À la manière de l’univers Marvel de Disney ou du Dark Universe d’Universal, la Warner tente d’initier une franchise qui s’attaque à la mythologie de monstres géants: le MonsterVerse. Le coup d’envoi avait été lancé en 2014 avec l’excellent Godzilla de Gareth Edwards. Les recherches de l’agence Monarch servant de fil rouge aux intrigues respectives. Dans cette optique, Kong - Skull Island exploite la veine des kaijus, sous-genre nippon où des créatures titanesques s’affrontent. Le singe n’y est pas étranger puisqu’il s’est essayé à l’exercice dans les années1960, notamment avec King Kong s’est échappé et King Kong Vs Godzilla. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les échelles de grandeur ont nettement été revues à la hausse.
Parler de démesure dans ce cas précis relève de l’euphémisme. Kong possède dorénavant la carrure d’un gratte-ciel d’une trentaine de mètres. À ce titre, les effets spéciaux sont sans failles avec des animations parfaitement retranscrites, tout comme les expressions simiesques. On ne parlera pas forcément de prouesses techniques, mais le rendu est absolument bluffant et cela vaut également pour l’environnement. Afin de rester cohérent avec la taille de Kong, Skull Island forme un écosystème où tout semble avoir été préservé de l’évolution. Immanquablement, on songe à l’œuvre d’Arthur Conan Doyle: Le monde perdu. La comparaison n’est pas nouvelle, mais est toujours pertinente.
Car le métrage de Jordan Vogt-Roberts revient aux poncifs du film d’aventures, sans pour autant négliger l’aspect contemporain. La mise en place d’une expédition, l’arrivée en catastrophe sur le site, l’exploration de contrées inhospitalières... Tout concourt à retrouver une ambiance propre au genre. Mais cantonner Kong - Skull Island à ce simple constat serait occulter d’autres éléments prépondérants. À commencer par la période des années1970 qui, au sortir de la guerre du Vietnam, apporte un véritable fond en travaillant le contexte sous le prisme des valeurs hippies: écologie et pacifisme. La progression, tout comme le ton donné à l’intrigue, se rapproche d’œuvres majeures comme Apocalypse Now.
On n’oubliera pas le survival animalier. En de telles contrées, le bestiaire se veut à la fois varié et surprenant. On songe bien évidemment aux skullcrawlers, sorte de lézards préhistoriques, aux psychovultures et aux araignées géantes. Bien plus inoffensive, une espèce de buffle préhistorique, parent des aurochs, ou les dicrocerus, des cerfs préhistoriques. On jongle entre la survie face à cette faune d’un autre temps et les combats titanesques où Kong est confronté à des monstres à sa taille. Lors des affrontements, les chorégraphies sont suffisamment bien orchestrées et mises en scène pour offrir un spectacle impressionnant avec un cadre parfaitement exploité en milieu restreint, comme en environnement ouvert.
En ce qui concerne les quelques écueils à sa charge, on peut s’attarder sur une trame assez prévisible qui ne déroge pas à la loi de Murphy. Tout ce qui peut mal tourner tournera mal. Comme évoqué précédemment, certains messages sous-jacents ont le mérite d’être présents dans l’intrigue. Toutefois, certaines expositions sont trop explicites et grossières pour être réellement percutants. On notera également une caractérisation assez paresseuse qui, sans remettre en considération le charisme des acteurs, est nivelée par le bas. La faute à l’absence d’un passif crédible, ainsi que des échanges assez convenus, voire trop circonspects, en certaines circonstances.
Au final, Kong - Skull Island s’avance comme un divertissement de premier ordre. Si l’intrigue paraît simpliste sous bien des aspects, elle dispose d’un fond intéressant qui, sous couvert de l’aventure, distille une petite critique sur la guerre et l’exploitation outrancière de la nature. Cela peut sembler naïf et parfois maladroit dans la manière de l’amener, il n’empêche qu’il s’en dégage une atmosphère particulière propre à évoquer des odyssées en perdition, comme Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad. Le seul écueil réellement handicapant est l’absence de background pour les protagonistes qui manque cruellement de consistance. Pour le reste, on appréciera la qualité d’un spectacle d’envergure.
King Kong : pour le meilleur et pour le pire
Un film de Jordan Vogt-Roberts
Avec : Tom Hiddleston, Brie Larson, Samuel L. Jackson, John Goodman