Bien connu des amateurs d'action « stylée », la saga Devil may cry s'est tissée une solide réputation auprès des joueurs. Une décennie où Dante a combattu les démons de tout poil et s'est octroyé quelques petits caméos dans d'autres jeux vidéo (Viewtiful Joe, Lucifer's call). Un personnage emblématique, à l'identité forte et au charisme indéniable. Pendant que nous attendons toujours l'adaptation au cinéma (on peut parler d'arlésienne), c'est à Madhouse (Boogiepop phantom, Paranoia agent...) qu'incombe de retranscrire l'univers du jeu en un anime de douze épisodes. L'initiative est louable, la réputation du studio solide et le matériau de base se dote d'un potentiel aguicheur. Alors, adaptation réussie ou merchandising éhonté ?
La suite est interdite aux mineurs.
Pour commencer, le scénario ne semble pas avoir de points d'ancrage chronologiques évidents par rapport aux jeux. On a du mal à se situer et ce n'est pas la présence de tête connue (Trish, Lady...) qui nous aidera dans ce sens. Il faut savoir que l'histoire ne dispose d'aucun fil rouge. Exception faite d'un personnage récurrent qui montrera ses motivations (son utilité ?) dans les deux derniers épisodes, chaque enquête peut être prise indépendamment. Ainsi, l'on saisit assez rapidement les tenants et les aboutissants. En somme, Dante glande dans son bureau, un client s'amène avec un contrat, Dante se lève, Dante marche avec nonchalance, Dante fauche le ou les démons, Dante se rassoit.
Certes, l'intrigue de la saga n'a jamais été plébiscitée. En dépit de l'influence de La divine comédie et de sa très libre adaptation (on parlera plutôt d'inspiration), les scénarios se révélaient le plus souvent simplistes, aux mieux curieux, aux pires caricaturaux. Mais la plupart des histoires prêtes à sourire : un démon-motard fou, un masque exauceur de souhaits qui n'a rien à envier au Wishmaster, un petit copain jaloux, un médaillon à protéger ou, clou du spectacle, une partie de poker mortelle. L'ensemble est bas de gamme et ne cherche pas les complications. C'est basique au possible et, pour peu que Dante n'occupe pas l'écran, on trouverait le rythme fastidieux, presque longuet.
On aimerait être à sa botte.
À ce titre, le caractère de l'intéressé est respecté dans les grandes lignes. Arrogant, hautain, nonchalant, parfois méprisant, Dante se montre dans toute sa splendeur. Pourtant, on a l'impression qu'il s'ennuie ferme. Aucun démon ne lui arrive à la cheville et cela se ressent. De fait, on ne dénichera aucune surprise de taille et les dénouements attendus ne dérogent pas à la règle. Et la présence de Trish ou Lady ne changera pas grand-chose. Oui, c'est plaisant de contempler leur plastique, mais pour ce qui est de la recherche psychologique, on frôle le pois chiche. On remarquera la grande absence de Vergil ou de Sparda (ne serait-ce qu'en flash-back) pour épaissir le passé torturé de Dante.
Mais le gros point noir de l'anime se concentre sans doute au sein des scènes d'action. Pour un jeu qui se focalise entièrement sur cet aspect (en dehors de la manière la plus élégante de tuer), il était indispensable d'en faire de même pour cette adaptation. Or, c'est exactement tout le contraire. Les affrontements s'avèrent plats, redondants et sans envergure. La plupart du temps, ils surviennent dans les deux dernières minutes de l'épisode et sont coupés au montage. Et Dante ne prend la pose que trop rarement. En gros, l'on nous offre quelques coups d'épée et des fusillades dans des mouvements de caméras frénétiques, puis rideau. Dante fond sur son ennemi et l'on revient faire une partie de billard au Devil may cry.
Stylish !
À cela, l'animation montre quelques signes de faiblesse. Le character design est assez banal dans son ensemble pour les personnages secondaires. Même s'ils sont suffisamment dissemblables les uns des autres, on n'en gardera pas une trace mémorable. En ce qui concerne les mouvements, rien d'extraordinaire là non plus. C'est sommaire et parfois bâclé. La faute à des cadrages en constante contradiction. À la fois statique ou épileptique au possible, le résultat s'avère bigarré et disparate sous bien des aspects. Toutefois, le manteau de Dante et les séquences de voltiges rattrapent le tout avec des effets sympathiques ou des scènes de jeu plaisantes.
Il demeure tout de même une grosse carence au niveau de l'ambiance. L'environnement de la ville ne possède aucune identité. Les architectures sont simplistes et les rues terriblement désertes (de journée ou lors d'affrontements). On se rapprocherait davantage de la froideur urbaine du deuxième volet (le plus décrié) plutôt que du style gothique des manoirs ou châteaux du premier opus ou du troisième. Il reste une bande-son assez entraînante et éclectique. Entre de bons gros rifs de rock/métal, les chants d'opéras (trop discrets) ou les envolées sur fond de flamenco, on dispose d'une palette intéressante et agréable aux oreilles.
Ça s'annonce mal pour la bataille finale.
Bref, cette adaptation en série se révèle en demi-teinte. Malgré le plaisir de découvrir Dante sur un autre média que le jeu vidéo et la présence du studio Madhouse à la production, Devil may cry n'était pas forcément destiné ou préparé à cette transposition. Scénario simpliste, animation basique, environnements sans reliefs (au sens propre, comme au figuré) contribuent à un sentiment mitigé à la fin des douze épisodes. On regrettera également la piètre place (et le soin) octroyée aux séquences d'action, pourtant clefs de voûte de la saga. Heureusement, la force et le charisme de Dante, ainsi que la bande-son sauvent la série du naufrage, mais c'est bien peu au vu de ce que l'on pouvait espérer.