Alyce
Après une soirée de beuverie, la meilleure amie d'Alyce tombe de son immeuble et se retrouve dans un piteux état. Dès lors, Alyce ressent le besoin d'oublier en se droguant. Une spirale qui l'entraîne dans les bas-fonds de la ville.
Trois années après Zombie strippers, film de morts-vivants bancal et maladroit, Jay Lee récidive dans l'horreur avec Alyce. Sur le papier, son dernier projet en date se veut une transposition hallucinée du chef d'oeuvre de Lewis Carroll au pays des junkies et autres dealers tarés qui ne vivent que pour la défonce, le sexe et la violence. Dès lors, on serait enclin à trouver le pitch intéressant et d'un certain côté, attachant. Le risque est évident, la volonté de bien faire l'est également. Pour autant, le résultat est-il à la hauteur de nos espoirs ?
Pas la peine de se prendre la tête. Une bouteille de vin et tout va bien !
Force est de constater que les premiers instants n'augurent rien de bon. On découvre Alyce et son quotidien fade et insipide où se succèdent de longues et ennuyeuses journées de travail à des soirées délurées où l'alcool et la drogue sont ses meilleurs compagnons (surtout après le saut de l'ange de Caroll). Rapidement, le potentiel de l'histoire se dégonfle aussi vite qu'un ballon de baudruche. À cela, plusieurs raisons.
Tout d'abord, on remarquera l'ineptie des dialogues. On parle fesses et drogues sans vraiment s'attarder sur la cohérence des propos. Qui plus est, certaines lignes tendent à nous infliger une pseudo-philosophie de pacotille sur le chemin que l'on emprunte, la valeur de nos actes ou même sur l'amitié. L'ensemble se révèle lourd, inutile et prétentieux. On évitera de les comparer avec le génie de Lewis Carroll (même si le film multiplie les références plus ou moins évidentes) pour nous offrir des moments de pure jubilation.
Cela ne serait pas franchement pénalisant si le reste suivait. Malheureusement, la trame narrative s'embourbe dans une succession de scène aussi ennuyeuse et désespérée que la vie d'Alyce. Vingt-cinq minutes d'introduction pour que sa meilleure amie tombe de l'immeuble. Quarante minutes pour qu'elle commence à déprimer. Il n'y a plus beaucoup de temps pour la soi-disant descente aux enfers au pays des horreurs. Le récit peut se résumer ainsi : boîtes de nuit, enfoirés de dealers, recherche de la drogue, sexe, défonce et ainsi de suite. Ce n'est qu'au moment de la conclusion que la spirale meurtrière débutera véritablement.
Les trois portraits de la drogue : l'endormi, le taré et le parano.
Alyce, interprétée par une Jade Dornfeld vraiment impliquée dans son rôle, est un personnage des plus contradictoires qui évolue sur le fil du rasoir. Introvertie et peu bavarde, la prise de substances illicites la métamorphose en une sorte de créature de la nuit qui n'a d'yeux que pour le plaisir instantané et immédiat. Il s'agit sans nul doute de l'atout principal du film, mais ce n'est pas suffisant pour rattraper le reste et surtout le travail des acteurs secondaires qui défilent à l'écran sans grande crédibilité. Outre leurs caractères, on dénoncera une interprétation en dent de scie où le pire côtoie le médiocre (exception faite de Jade Dornfeld bien sûr).
Jay Lee voulait apporter à son bébé une touche d'onirisme barré où l'imaginaire et la réalité deviennent des concepts imbriqués l'un en l'autre. Là encore, un florilège de maladresse et de subterfuges faciles occulte de rares bonnes idées. La mise en scène abuse des effets de flous, de cadrages approximatifs ou de gros plans pas vraiment adéquats. Est-ce volontaire ou pas ? Rien n'est moins sûr. On pourrait arguer que cela confère une épaisseur au trip halluciné du cinéaste. Le résultat se veut à double tranchant, car le côté amateuriste prévaut sur un travail artistique somme toute discutable.
Une petite clope avant de faire le ménage.
En ce qui concerne, les meurtres et le gore : une nouvelle déception à la clef. Comme j'ai pu le dire auparavant, l'histoire est lente, beaucoup trop. Tout se déroule dans le dernier quart d'heure après avoir amorcé de longue haleine la déchéance d'Alyce. Certes, il y a un peu d'hémoglobine qui tache notre héroïne et les murs de son appartement, mais les exécutions s'avèrent sommaires, pas vraiment recherchées et vite expédiées. Un poignard, un pistolet et une batte de base-ball qui ne tiendra pas ses promesses. Les rares trucages et maquillages sont d'ailleurs assez grossiers et, en dépit d’'un faible budget, auraient tout de même pu faire l'objet d'une attention toute particulière.
Bref, Alyce est un film indépendant qui ne manque pas d'idées. Le concept est original, l'actrice principale convaincante, mais les bonnes intentions sont minées par une multitude de maladresses. Un rythme laborieux pour une histoire qui sombre dans une déferlante de séquences à l'intérêt discutable. On ne se penche même pas sur les conséquences d'une telle dérive. On se contente d'exposer une écorchée vive à ses pulsions et fantasmes scabreux sans exploiter le talent de Jade Dornfeld à sa juste valeur. Un film prometteur sur le papier qui s'avère bien décevant.