Baba Yaga
Un film d’épouvante qui souffle le chaud et le froid. La faute à une intrigue mal dirigée qui tend à s’éparpiller au lieu de se focaliser sur une trame narrative claire. L’approche psychologique initiale passant à des considérations horrifiques beaucoup trop conventionnelles et flagrantes pour convaincre. Il réside néanmoins une atmosphère glauque réussie.
Issue de la mythologie slave, la légende de Baba Yaga a très tôt imprégné l’imaginaire collectif, notamment dans le domaine cinématographique, littéraire ou musical. Tour à tour considérée comme une guerrière, la gardienne du royaume des morts et la maîtresse du monde sauvage, l’image de la sorcière la plus véhiculée demeure la ravisseuse d’enfants. Et c’est d’ailleurs sur cette base que Caradog W. James, responsable de The Machine, décide d’axer son histoire d’épouvante. Hormis des références comme Insidious, The Conjuring ou Sinister, ce type d’initiatives se solde rarement par des qualités probantes. Baba Yaga réussit-il à inverser la tendance ?
Une histoire à dormir debout ?
L’approche n’est pas pour déplaire puisqu’elle tend à s’inspirer de multiples influences. L’angle principal s’arroge les codes de la légende urbaine. Évoquant Bloody Mary et Candyman, le mythe de Baba Yaga trouve ici une résonnance contemporaine pertinente. Si l’histoire est issue du folklore russe, son traitement laisse à songer aux productions asiatiques du même acabit. D’ailleurs, l’ambiance et l’entité démoniaque ne sont pas sans rappeler Kayako (The Grudge) ou Sadako (The Ring). Les longs cheveux filasses, ainsi que la silhouette tortueuse et squelettique, contribuent grandement à cette impression. Pour parfaire le tableau, l’atmosphère malsaine se rapproche énormément de Mister Babadook.
L’on se dit alors qu’avec de telles références, on tient là un chef d’œuvre ou un film qui manque cruellement d’identité. Or, le constat est plus ambivalent qu’escompté. Car, d’un point de vue purement formel, ce DTV emprunte les atours d’une production cinématographique de haute volée. La photographie exploite à merveille les nuances de chaque exposition. L’exemple le plus frappant de ces somptueux jeux de lumière réside dans l’atelier de Jess (Katee Sackhoff). Mais le rendu est aussi remarquable dans le travail de l’obscurité, notamment avec des zones plongées dans les ténèbres et des plans noyés dans une aura écarlate poisseuse.
Une ombre se tient entre nous...
Le cadrage est également soigné pour susciter sur la suggestion d’une présence invisible et hostile. Des mouvements furtifs de caméra aux contrechamps, le cinéaste maîtrise son sujet. Toutefois, certaines séquences anticipent trop les jump-scares, les rendant par la même relativement prévisibles. Ils conservent néanmoins leur efficacité si l’on se prête au jeu. En somme, on a droit à une production relativement modeste qui réussit à tirer parti de l’environnement et de la peur du noir, nous renvoyant à quelques phobies enfantines. Et c’est là toute l’importance du métrage au vu du statut de ravisseuse d’enfants de l’antagoniste.
Malgré ces qualités indéniables, l’on notera un bémol de taille pour être pleinement convaincu: l’histoire. Non pas que celle-ci soit percluse d’incohérences, mais sa progression souffre de nombreuses errances. Sans doute est-ce dû à la somme des références qui l’accable, toujours est-il que l’on vaque entre ghost-story et boogeyman sans trouver un juste équilibre. Preuve en est avec un dénouement passablement confus où le twist final ne surprend guère. Le tout étant rehaussé par une allégorie explicite et pseudo-mystique d’Hansel et Gretel. Un écueil difficilement excusable qui aurait gagné à subir un élagage narratif pour rester crédible.
La foi ne vous sera d'aucun secours !
Au final, Baba Yaga laisse une petite déception en travers de la gorge. Sans pour autant être un ratage éhonté, le film de Caradog W. James souffre d’une intrigue brouillonne qui ploie sous les ambitions de son réalisateur. Son évolution chaotique solde son discours par un imbroglio scénaristique qu’on aurait aimé plus nuancé et ambigu. Du reste, l’ambiance est globalement efficace, et ce, en dépit des nombreux clins d’œil à d’autres métrages similaires. On saluera une photographie exemplaire qui rappelle que l’épouvante tient majoritairement à la suggestion. Concept pourtant délaisser dans une seconde partie poussive.
Un film de Caradog W. James
Avec : Katee Sackhoff, Javier Botet, Lucy Boynton, Nick Moran