Le Temps du massacre

Western spaghetti réalisé dans la foulée du fameux Django de Sergio Corbucci, avec en tant qu'interprète principal l'une des stars du genre de l'époque, Franco Nero, Le Temps du Massacre marque une importante tournure dans la carrière de Lucio Fulci pour la simple et bonne raison que le cinéaste n'avait jusqu'alors tourné que d'insignifiantes petites comédies italiennes dont la première, I Ladri, servait surtout à mettre en valeur l'étoffe du comique Totò. Le cadre de l'Ouest américain au temps des pionniers représentait un bon potentiel pour Fulci, d'une part au point de vue commercial — rappelons que le western spaghetti, inventé quelques années auparavant par le grand Sergio Leone, atteignait alors l'apogée de sa gloire —, de l'autre pour l'univers violent et pessimiste que ce sous-genre dépeignait. En effet, Fulci a vite démontré qu'entre les pochades humoristiques et le sadisme, le second élément lui convenait fort davantage. Le Temps du Massacre déçoit malgré tout considérablement, la faute à une intrigue faiblarde, conventionnelle et peu palpitante, encore tirée vers le bas par de fâcheux problèmes de rythme. Cette histoire de cow-boy revanchard (joué par un impavide Franco Nero, que l'on aura connu beaucoup plus classe dans d'autres productions du même acabit) ne suscite rien de bien captivant et apparaît aussi monotone qu'anecdotique. L'introduction, avec sa chasse à l'homme rappelant celles du comte Zaroff, laissait pourtant augurer une œuvre baroque, cruelle et décadente, mais une fois cette belle entrée en matière passée, le soufflé retombe rapidement et l'on assiste à un petit western spaghetti de série B tout ce qu'il y a de plus linéaire. Un avantage de taille, cela dit: le film est extrêmement bien mis en scène. Scope de malade à l'appui, Fulci enchaîne travellings, mouvements d'appareil chaotiques, plongées / contre-plongées et zooms proches de la virtuosité technique — l'occasion de mettre parfaitement en valeur la beauté aride des décors. La musique se révèle également excellente, en particulier avec la chanson Back Home Someday (A Man alone), interprétée par Sergio Endrigo. Ne manquaient à l'appel qu'un scénario plus captivant ainsi qu'une direction d'acteurs plus motivée et peut-être aurait-on eu droit à un petit chef-d'œuvre du genre. Las ! Le Temps du Massacre n'est qu'un western italien acceptable, à réserver aux inconditionnels de cette école et à la rigueur aux fans de Fulci. Dans un style similaire, préférez les réalisations de Leone et Corbucci.