Kill List
Attention : cette critique contient quelques spoilers
Quand on voit son deuxième film propulsé au rang de film étrange, couillu et déroutant, cela attire forcément le petit cinéphile qui sommeille en chacun de nous. Ben Wheatley propose avec Kill List un film bizarre, qui va chercher dans tous les genres comme le drame social, le thriller hyper violent et le film d'horreur. Seulement, comme on le sait tous, parfois, les mélanges, c'est très indigeste et ça devient vite lourd. Qu'en est-il avec ce métrage ? Petit détour dans la perfide Albion pour voir cette liste de meurtres.
Mets une bonne note où j'appuie sur la détente.
L'histoire de Kill List est très particulière et laisse planer un doute dès le début du film. On rencontre un couple formé par Jay et Shen. Visiblement, l'homme n'a pas travaillé depuis huit mois et l'argent commence à manquer. Le couple s'engueule sans arrêt avec le petit garçon au milieu. Tout cela rappelle les drames sociaux que propose Ken Loach, jusqu'au moment où le couple reçoit des amis, dont le partenaire de Jay, Gal, qui lui propose un contrat avec une liste de noms à tuer. Là, les choses s'obscurcissent car la partenaire de Gal, qu'il connait à peine, retourne un miroir et fait un symbole derrière. Poussé par sa femme, Jay accepte le contrat et commence à liquider les cibles les unes après les autres. Seulement, toutes ces cibles le remercient juste avant de mourir et Jay perd petit à petit pied et devient très dangereux. Alors qu'ils veulent arrêter ce massacre, les associés sont obligés de finir la mission et de tuer un sénateur. Le problème va subvenir lorsqu'ils vont se rendre compte que ce sénateur fait partie d'une secte païenne aux rites très étranges.
Voilà le postulat de base qui part sur les traces du drame, pour continuer vers le thriller glacial et terminer dans le domaine horrifique. Si tout cela s'enchaine relativement bien et que le film se laisse suivre, les interrogations n'auront de cesse de nous parcourir le cerveau et on se posera moult questions sur la raison de ces meurtres et sur cette fin si particulière. On voit très clairement que Ben Wheatley n'est pas un manchot et qu'il cherche à faire un film provocateur, mais ce film possède tout de même certains points très obscurs et laisse le spectateur perplexe quant aux différents degrés de lecture. Est-ce un film politique sur l'inutilité de la guerre et la destruction psychologique des militaires ? Est-ce un film de démonstration, pour montrer que le réalisateur peut faire tous les genres avec un certain talent ? On n'aura pas de réponses claires.
C'est un coup à se foutre le feu à la gueule !
Mais force est de constater que Ben Wheatley a vraiment du talent. La première partie, typiquement anglosaxonne avec sa bruine intempestive, son côté drame social très froid, les engueulades entre les deux adultes, et pendant le dîner, tout cela fait très film dramatique et dur. La glissade vers le côté sombre intervient au moment où la jeune femme pose ce sigle si bizarre au dos du miroir. A partir de là, on va aller vers le thriller énigmatique et sombre. Une fois encore le réalisateur arrive à changer de ton, en montrant la descente aux enfers de ce pauvre Jay. L'acteur, Neil Maskell, déjà vu dans la comédie horrifique Doghouse, est époustouflant de vérité et livre une prestation incroyable, tenant le film à bout de bras jusqu'à la fin. Les scènes gores sont peu présentes et bizarrement, c'est dans ce segment qu'elles sont le plus prégnantes. En effet, le meurtre au marteau, symbolisant la haine et la montée de folie de Jay, est d'une efficacité redoutable et fait vraiment très mal. Encore une fois, la réalisation et le coupage sont exemplaires en la matière, ne laissant aucun répit au spectateur. C'est à la fin, lors de la dernière mission que l'on va basculer dans l'horreur avec la présence d'une secte païenne très bizarre et aux coutumes morbides.
On voit une jeune femme avec des ronces dans les yeux et une autre qui se pend devant les applaudissements des membres de la secte. On aura droit à une poursuite dans des souterrains, reprenant une angoisse claustrophobe que l'on peut retrouver dans The Descent de Neil Marshall par exemple et une course-poursuite avec des adeptes de la secte, rappelant Rec, dans son filmage. Si ce côté-là tarde à venir, il est réellement efficace. Le problème va venir directement de la fin et de l'incompréhension qu'il en ressort. On a le sentiment d'avoir été trompé et cela est très pénible. Voulant faire dans le malsain, Ben Wheatley perd le spectateur et pose la question de réalité de la chose. Que devons-nous comprendre ? Rêve ou réalité ? Le film nécessite peut-être un deuxième visionnage. Le reste des acteurs sont relativement bons et laissent toujours une ambiguïté autour de leur personnage, sauf pour Gal, qui semble bon et honnête malgré son métier de tueur à gages.
Au final, Kill List est un film très déroutant et relativement mystique malgré sont côté très terre à terre. Le réalisateur arrive à mélanger adroitement trois sortes de films assez différents pour en faire une histoire simple qui vire vers le questionnement absolu : pourquoi ? Si la mise en scène est aux petits oignons, on se pose des questions sur la fin de l'histoire et sur ce qu'il faut en comprendre. Bref, un film qui ne laisse pas insensible, mais qui nécessite quelques approfondissements. Néanmoins, Ben Wheatley est résolument un réalisateur à suivre de très près.
Un film de Ben Wheatley
Avec : Neil Maskell, MyAnna Buring, Harry Simpson, Michael Smiley