Condemned to Live
Attention, cette critique contient des spoilers.
Un village perdu près des côtes est la proie d'un énigmatique monstre qui, chaque nuit, tue un habitant en le vidant de son sang. La plupart des habitants pensent qu'il s'agit de l'oeuvre d'une chauve-souris géante.
Sur le grand écran, les années 30 voient naître les grands classiques du fantastique signés par la firme Universal, avec les acteurs mythiques du genre : Boris Karloff et Bela Lugosi. En parallèle de ces grandes productions, le cinéma américain est bien évidemment envahi par bon nombre de séries B tentant de surfer sur la vague !
Ainsi, en 1935, Frank Strayer réalise Condemned to Live. A cette époque, les metteurs en scène de séries B signent environ cinq films par an, et n'ont donc pas spécialement de genres de prédilection. D'où des conditions de tournage (durée, budget, équipement) assez complexes, et une multitude de sorties conduisant souvent à un certain anonymat. Fort heureusement, certains éditeurs osent encore diffuser en DVD des raretés permettant de redécouvrir certains métrages tombés dans l'oubli.
Concernant Condemned to Live, le film débute dans un cadre exotique avant de basculer dans un schéma plus propice au frisson. Un monstre surnaturel terrifie une population se raccrochant aux superstitions locales pour ne pas sombrer dans la terreur pure. En cela, le métrage évoque La Marque du Vampire (sortie la même année). En ne nous dévoilant pas la nature de la créature pendant la première moitié du film, le cinéaste laisse le spectateur dans le doute. L'ambiance gothique évoque sensiblement l'univers de Dracula. Par ailleurs, la dualité du monstre rappelle irrémédiablement le héros de Stevenson, sur fond de religion (l'absence de lumière menant au Mal), tandis que les croyances des villageois (la peur du bossu et du démon) font penser à la fuite de la créature de Frankenstein, victime de sa différence et de l'intolérance de la foule. Ces thèmes, déjà explorés, permettent au film de basculer dans un air de déjà-vu qui lui est en fait bénéfique.
Entre deux attaques nocturnes, on se laissera facilement promener par une amourette classique (le fameux triangle amoureux), parfois un peu mièvre, et par des scènes futiles (celle des domestiques), censées apporter un peu d'humour mais finalement symptomatiques du cinéma des années 30.
L'épilogue, pour sa part, ne tombe pas dans le happy end pur et dur, et nous explique la finalité d'un prologue qui semblait assez décalé avec le reste du film. Le réalisateur offre un visage humain à son monstre, victime d'une malédiction, et le rapproche donc d'un autre mythe du cinéma fantastique, le loup-garou, ancrant avec talent son film dans le bestiaire horrifique du moment, malgré un budget limité. Interprétée par des comédiens de qualité, cette série B devrait satisfaire les nostalgiques du noir et blanc en quête de nouvelles trouvailles.
Spécialisé dans les vieux films méconnus, Hantik Films a lancé depuis peu la série des Scare-ific Collection, distribuant des films d'épouvante (dont The Bat, récemment chroniquée sur notre site). Condemned to Live ne bénéficiant pas d'une restauration, l'image est parfois trouble et de qualité moyenne, mais on ne peut guère s'en plaindre vis-à-vis de la rareté du métrage. En bonus, l'éditeur propose de découvrir deux épisodes d'un serial plutôt sympathique et gentiment rétro (Undersea Kingdom), ainsi qu'un livret d'anecdotes sur le film, à un prix abordable. Une manière de retrouver une autre forme de cinéma, à l'heure où nous sommes saturés d'effets spéciaux numériques et de 3D.
Un film de Frank R. Strayer
Avec : Ralph Morgan, Maxine Doyle, Russell Gleason, Pedro de Cordoba