Tron
Kevin Flynn, un concepteur informatique de génie, se voit voler le fruit de son labeur par un concurrent qui n’'éprouve aucun scrupule à l’'exploiter. Alors qu’'il essaye de s’'immiscer dans le système, le MCP l’'absorbe dans son monde virtuel. Prisonnier, il va tout tenter pour mettre fin au joug du MCP en compagnie de Ram et Tron, deux programmes également retenus contre leur gré.
Pour beaucoup, l’'évocation de ces quatre lettres est synonyme d'’un film culte qui aura marqué toute une génération. Une œoeuvre qui annonce l’'émergence de l’'informatique et de ses possibilités infinies. En 1982, la majorité des foyers n'’étaient pas encore équipés d'’ordinateur. Coïncidence amusante, Sony et Thomson lançaient le magnétoscope destiné à un large public durant la même année. Une décennie qui voyait apparaître dans son sillage des nouvelles technologies qui tendraient à se démocratiser par la suite. Car, en ce début des années 1980, on dénotait une certaine crainte vis-à-vis de ses jeunes produits innovants que l'’on proposait à tous (jeux vidéo, informatique, films VHS…...).
Cible localisé. Désintégration !
En cela, Tron démontrait une indéniable volonté d’'exposer à tous que la technologie n’'est ni bonne, ni mauvaise, simplement un outil mis à disposition d’'esprits virtuoses où les limites de l’'imagination ne possèdent désormais plus aucune frontière. Cette peur, inhérente à la nature humaine, transparaît dans le monde virtuel, comme si la transposition de notre réalité prenait le pas sur l'irréel. Pour lui donner forme, l’'univers de Tron est placé sous la dictature d'’un être « bien-pensant » pour tous : le MCP. Une intelligence artificielle à même de penser et d’'agir en fonction de ses désirs et ses capacités proprement affolantes. Les programmes rebelles se retrouvent donc pourchassés et considérés comme des fanatiques marginaux.
L’'avènement des images de synthèses. Bluffant pour l'’époque.
Outre ses prouesses techniques, c'est sur cet aspect que Tron marque les esprits. Celui de la symbolique sur la religion et les croyances que l’'on partage à travers notre culture et notre environnement. Les concepteurs sont assimilés à une forme de divinité toute-puissante qui dispose d’un pouvoir incommensurable sur leurs créations : les programmes, pauvres hères qui arpentent des lignes de code en se contentant d’'effectuer les tâches pour lesquelles on les a assignés. De fait, on peut s’'interroger sur la notion de conscience. Non sans humour, on s’'attache à ces programmes, décidément plus humain que beaucoup d’'entre nous. Il advient alors que l'’individualité se fond dans une conscience globale qui serait la métaphore du Saint Graal virtuel.
Une détermination sans faille.
Ainsi, réalité et monde virtuel sont plus proches qu’'ils n’y paraissent aux premiers abords. Il existe entre eux une interconnexion évidente, un pont qui reconstitue nos errances, nos peurs et nos doutes via un moyen de communication qui, depuis, est devenu banal dans notre quotidien ; mais en 1982, se révélait une formidable promesse de perspectives vers des horizons insoupçonnés et insoupçonnables. Quid de la question sur ce qui est tangible ou pas, Tron marque un tournant tant dans l'ère cinématographique (avènement des images de synthèse) que dans l’'univers artistique. Certes, l'’on peut observer les années écoulées avec davantage de recul, il ne reste pas moins que ce film est avant tout une référence dans son domaine.
Un petit rafraîchissement avant la suite des réjouissances.
Mais comment parler de Tron sans évoquer sa patte esthétique absolument incroyable ? Les plus accrocs aux effets spéciaux pourraient sans doute dire que le rendu graphique est dépassé. Curieusement, il n’'en est rien. Bien entendu, polygones, pixels et consorts sont de la partie. Néanmoins, l’'identité de cet univers à la fois intrigant et immersif au possible a très bien vieilli contrairement à d’'autres productions tel que Le cobaye (1992) qui n'’est pas parvenu à faire mieux et, pis, a pris de très grosses rides pixellisées alors qu'’il se veut 10 années plus « jeunes » que Tron. La faute à un level design peu inspiré en comparaison de son modèle. Voilà où réside le secret de Tron : chaque détour de couloir, chaque pièce dispose d'’une certaine particularité, de temps à autre indéfinissable, mais surtout intéressant dans sa conception et la réflexion qu’'elle implique et engendre dans notre esprit.
Mais qui sont ces dingos ?
Nous l’'avons vu, Tron est le genre de film qui a marqué une génération. Il est une pierre angulaire de tout un pan cinématographique. Alors que tous ne juraient que par les animatroniques qui conservent néanmoins leur charme, Tron ouvre la voie à un niveau encore plus incroyable pour l’'avenir du cinéma. Mieux, il se révèle sans aucun doute le responsable (du moins en grande partie) de l'émergence de talents qui donneront naissance aux lettres de noblesse du jeu vidéo et autres virtuoses de l'’image polygonés. L’'impact sur les années 1980 a été fondamental pour la suite des évènements. Force est de constater que son aura ne s’'est nullement amoindrie.
Dernière envolée sur le monde de Tron.
Pour conclure, Tron est un film unique qui se verra parfois copiés, bien maladroitement serait-on en droit de rajouter. De par un aspect esthétique inspiré, mais surtout révolutionnaire pour l’'époque, son univers demeure toujours aussi séduisant quand bien même la claque technologique n'est plus au rendez-vous. Au contraire, cela renforce l’'emprise qu'’il possède sur le spectateur, et ce, grâce à une symbolique sous-jacente riche. Quand l'’on touche du bout des doigts la déité technologie, on risque de se brûler les doigts, mais ceci est une autre histoire. « Un film culte » diront les fans absolus. Pour ma part, je le considère comme le précurseur représentant l'’idéalisme fantasmé d’'un monde gouverné par l'’informatique.
Un film de Steven Lisberger
Avec : Jeff Bridges, Bruce Boxleitner, David Warner, Cindy Morgan