The Garden of Sinners
La culture nippone étant profondément influencée par son folklore, certaines œuvres issues de l’archipel sont imprégnées d’une connotation paranormale. Pour un anime japonais, comme pour un manga, il est plus rare de se cantonner à un style précis. En l’occurrence, le thriller se teinte d’une ambiance fantastique, voire horrifique. À l’inverse, les récits de science-fiction sont directement influencés par le premier genre précité. Il n’y a qu’à voir des références telles que Ghost in the Shell ou Tokyo Babylon pour s’en convaincre. D’ailleurs, Garden of Sinners possède plusieurs points communs avec ces deux métrages, sans toutefois en atteindre le niveau.
L’adaptation de ces light novels éponyme ne suit pas un schéma classique. À savoir, une transposition sous forme d’une série télévisée composée d’épisodes d’une vingtaine de minutes. Ici, il s’agit de métrages dont la durée varie en 45 et 115 minutes. Par ailleurs, la continuité entre chaque volet n’est pas forcément évidente. Les faits se situent dans les années1990, mais l’on effectue de nombreux allers-retours entre différentes périodes. Si l’action principale se déroule en 1998-1999, certaines occurrences, notamment Enquêtes criminelles1.0 (le second film), nous transporte en 1995-1996. La transition reste assez abrupte et brouillonne pour ce que l’on peut considérer comme une préquelle.
Mis à part de furtives indications temporelles, ce manque de repères oblige à replacer constamment les événements par rapport au fil directeur. Un réflexe qui n’est pas forcément handicapant, du moins pour les faits. En ce qui concerne les relations entre les protagonistes, le procédé est un peu plus confus à appréhender. De temps à autre, cette architecture très particulière se résume à de simples flashbacks ou des allusions qui s’adressent uniquement à un public assidu. En somme, on nous impose une construction narrative assez laborieuse qui exige rigueur et patience de la part du spectateur. Cela étant dit, a-t-on droit à des intrigues égales d’un point de vue qualitatif ?
À vrai dire, on touche aussi bien au sublime qu’aux incursions anecdotiques en la matière. Certaines enquêtes se rapportent davantage à l’aspect paranormal des affaires. Certes, ce point est présent pour chaque «épisode», mais il a une importance particulière pour certains d’entre eux. C’est notamment le cas avec Thanatos qui s’appuie sur la malédiction d’un immeuble abandonné ou L’abîme du temple, une seconde préquelle. D’autres encore privilégient les investigations et une ambiance glauque propre au thriller, comme Future Gospel. Ce changement de ton s’avère assez déstabilisant, car il se confronte à une cohérence inconstante.
Les films les plus «faibles» sont ceux qui développent une mythologie inhérente à la magie. Ce choix contraste à ce qui a pu être constaté auparavant, générant des approximations, voire des invraisemblances. On notera également de fréquentes longueurs. Celles-ci peuvent tenir à des considérations philosophiques aussi pertinentes que tortueuses, comme dans l’épilogue qui se présente sous la forme d’un dialogue introspectif d’une demi-heure. En d’autres circonstances, ces atermoiements sont dus à une narration étirée de manière exacerbée. On songe au dénouement d’Enquêtes criminelles2.0. Quant à la relation chaotique entre les deux protagonistes, la romance avouée et non consommée est plus agaçante qu’émouvante.
Au final, Garden of Sinners n’est pas l’œuvre culte à laquelle on pouvait s’attendre. Malgré une ambiance singulière, une bande-son déstabilisante et des enjeux variés, l’ensemble manque de continuité. La faute à une multiplicité des thématiques qui trouvent une portée aléatoire, pour ne pas dire contradictoire, au regard de ce qui est développé auparavant. Si certains pans exigent plusieurs relectures pour en assimiler toute la symbolique et la subtilité, il est dommage que ce travail de fond ne touche pas des éléments plus simples, notamment sur les rapports sociaux et les relations entre les personnages. Une construction narrative à l’architecture déconcertante qui ne sert pas forcément l’intelligibilité de l’histoire.
Un film de Ei Aoki
Avec : Maaya Sakamoto, Kenichi Suzumura, Takako Honda, Ayumi Fujimura