Les dossiers de l'impossible
Le Dossier de la Mariée de Trécesson
La première version de l’histoire de la Mariée de Trécesson a été publiée en 1824 dans la revue romantique nantaise le Lycée Armoricain. Son auteur, qui signe sous le pseudonyme de A., dit l’avoir collectée auprès du concierge du château. Le texte est présenté comme un fait historique qui se serait déroulé quelques années avant la Révolution.
Selon ce récit anonyme, le seigneur de Trécesson était un homme bienveillant. Il existait cependant une exception à sa bonté concernant la chasse pour laquelle il se montrait dur et inflexible. Une nuit, un braconnier embusqué dans le parc du château entendit un bruit qui le mit sur ses gardes. Jetant précipitamment son fusil, il grimpa dans un arbre. C’est alors qu’il aperçut une voiture attelée de deux chevaux noirs et suivie de plusieurs domestiques portant des flambeaux. Le cortège s’arrêta et des hommes se mirent à creuser une fosse. Deux gentilshommes sortirent de la voiture, puis en firent violemment descendre une jeune femme vêtue d’une robe de soie blanche, la tête couronnée de fleurs et portant sur son sein un bouquet. Les yeux pleins de larmes et d’effroi, elle les suppliait en les appelant « frères ».
« — Que me voulez-vous, disait-elle, et pourquoi m’avez-vous conduite ici ?
— Vous le saurez, Madame.
— La solitude et l’obscurité de ces lieux m’épouvantent.
— Nous y sommes avec vous.
— Pourquoi cet appareil lugubre ? Mes frères, mes amis, ne me faites point de mal.
— Vos frères ; non. Madame, nous ne le sommes plus ; vous avez cessé d’appartenir à une famille que vous déshonorez.
— Au nom de Dieu, ne me tuez pas. Faut-il mourir si jeune ! Au moment d’atteindre au bonheur, ah ! Que la mort est affreuse !
— II faut pourtant vous y décider, Madame ; les pleurs sont inutiles, votre heure est venue : il ne vous reste plus qu’à mourir.
— Arrêtez, de grâce arrêtez ; un moment, un seul moment pour m’y préparer !
— Il n’est plus temps : cessez vos plaintes, nous n’avons pas le loisir de les écouter. »
Anonyme (1824) op. cit., p. 7
Après ce dernier échange, elle fut précipitée dans la fosse et recouverte de terre. L’attelage et ses domestiques s’éloigna et le silence revint sur le parc du château. Le braconnier encore effrayé par la scène qu’il venait de voir n’osa pas secourir la jeune femme. Il rentra précipitamment chez lui, relata sa terrible aventure à sa femme qui lui reprocha sa lâcheté. Les époux décidèrent alors d’alerter le seigneur de Trécesson, qui s’empressa de se rendre sur les lieux afin de secourir la jeune femme. Les gens du château la déterrèrent et, durant un court moment, l’espoir de la sauver parcourut l’assistance. Mais elle poussa un long soupir et trépassa dans l’instant.
« Attendri par son malheur et sa beauté, M. de Trécesson donna des larmes à cette jeune inconnue, et, ne pouvant témoigner autrement l’intérêt qu’il prenait à son sort, il lui fit rendre les honneurs funèbres, avec une pompe digne du rang qu’elle paraissait avoir occupé dans le monde. Après s’être acquitté de ce premier devoir, il mit tout en œuvre pour en accomplir un second qui lui semblait aussi sacré, et il n’épargna ni soins, ni démarches pour découvrir les meurtriers, afin de venger la victime ; mais toutes ses recherches furent inutiles, on ne put savoir ni le nom de cette jeune dame qui avait disparu d’une manière si étrange, ni la cause du sort cruel qu’on lui avait fait subir, et, jusqu’à ce jour, cet événement extraordinaire est resté enveloppé de ténèbres impénétrables. »
Anonyme (1824) op. cit., p. 9
Par la suite, M. de Trécesson orna la chapelle du Château de la robe nuptiale, du bouquet et de la couronne de fleurs de la jeune fiancée. Ils seraient restés exposés jusqu'à la Révolution française. Cependant, en page 12 de ses mémoires intitulées « Archives de la famille Maufras Du Chatellier », Armand Du Chatellier atteste de la présence de la robe en 1881.
Depuis, la dame blanche apparaîtrait sur les toits du château de Trécesson les soirs de pleine lune.
Le mythe de la Dame Blanche
Plus généralement, l’appellation « dame blanche » est donnée à des mythes ou à des apparitions de natures diverses. Il peut s’agir soit d’entités surnaturelles tenant les rôles de fées, de sorcières, de lavandières de la nuit ou d’annonciatrices de mort prochaine, soit de fantômes de femmes décédées hantant des châteaux ou des auto-stoppeuses fantômes.
Quelles que soient leurs formes, les légendes de dames blanches se retrouvent un peu partout en Europe et en Amérique du Nord.