The wicker man - Le dieu d'osier
Il est difficile de définir ce qui fait une œuvre culte. Est-ce le temps ? Son atmosphère par trop particulière ? Le contexte dans lequel elle est née ? À moins qu’il ne s’agisse d’une association de ces talents pour fournir une histoire subtile et engagée ? Toujours est-il que The Wicker Man demeure aujourd’hui un film à part dont la (re)découverte justifie bien des spéculations sur le rapport de l’homme à la religion, notamment sa crédulité ou son aveuglement. Plus de quarante ans après sa sortie, le métrage de Robin Hardy n’a rien perdu de son étrangeté, de cette singulière mise en scène qui expose les vicissitudes d’une communauté isolée.
Sacrée ménagerie !
Et c’est sans doute l’impossibilité d’ancrer The Wicker Man dans un genre précis qu’il déstabilise le spectateur. S’il s’arroge les codes d’une enquête policière, on y distingue une multitude d’influences et d’éléments propres au fantastique, à l’érotisme, à l’horreur, à la comédie musicale et, dans une certaine mesure, au documentaire. Ce mélange hétéroclite instaure une ambiance peu commune, voire unique. Oppressante, décalée, délétère... Les adjectifs ne manquent pas pour définir cette succession d’impressions, de ressentis qui égrènent chaque séquence. De plus, cette évolution s’accorde avec une progression narrative mesurée et parfaitement maîtrisée.
Pourtant, ce climat d’étrangeté s’appuie sur une trame relativement simple. On part d’une disparition d’enfant pour mieux dépeindre l’environnement, ses mœurs, ses traditions et surtout ses croyances. Car la grande force du film est de développer une fascinante analyse des religions. Ici, l’on retrouve tous les codes qui régissent de tels mouvements. Le référent ou leader, un besoin (l’espoir), la crédulité des masses et une base historiquepour étayer les propos. Si le paganisme avait déjà été l’objet de transpositions cinématographiques, The Wicker Man demeure le plus marquant, notamment par sa confrontation avec le christianisme.
Il serait préférable de ne pas demander un coup de main...
L’intégration d’un point de vue extérieur (le sergent Howie) apporte une sorte d’anormalité dans ce qui est considéré par la majorité comme parfaitement ordinaire et naturel. L’intolérance de l’un, la commisération des autres. Le pragmatisme froid d’un enquêteur opposé à l’illogisme. La raison face aux superstitions. Le clivage progresse sensiblement vers le point de non-retour et, en cela, l’intrigue se veut plus complexe qu’escomptée, notamment dans ce qu’elle implique dans sa finalité. Une question de foi et non de certitudes, même si la frontière entre ces deux concepts est beaucoup plus confuse qu’il n’y paraît.
Un peu comme certains indices soigneusement dissimulés qui prennent une signification différente une fois la conclusion révélée. Qu’il s’agisse de notions celtiques, druidiques ou plus généralement païennes, la symbolique religieuse reste prépondérante tout au long du métrage. Les mégalithes, les rituels et les costumes concourent à remplir ce creuset multiréférentiel. On pourrait même y distinguer quelques allusions au culte de Mithra (dans sa connotation initiatique et mystérieuse) et aux mythologies polythéistes, comme celle de l’Égypte Antique. On sent une documentation particulièrement dense et non ostensible au moment du visionnage.
Un accueil chaleureux au propre, comme au figuré !
Au final, The Wicker Man est une œuvre intemporelle, aussi étrange que profonde. À travers un discours fascinant sur les religions et les cultes païens, Robin Hardy signe un métrage anticonformiste que seul le cinéma indépendant est en mesure de produire. L’amalgame des genres et des croyances (sans sombrer dans le syncrétisme), les comportements décalés et l’aura paranoïaque qui s’en dégage n’ont rien perdu de leur force. De plus, la confrontation entre un Edward Woodward rigoriste au possible et un Christopher Lee à l’élégance toute libertine, nuance une intrigue qui gagne en finesse au cours de sa progression. Plus qu’une valeur sûre, un incunable du septième art.
Un film de Robin Hardy
Avec : Edward Woodward, Christopher Lee, Britt Ekland, Ingrid Pitt