The Secret
À Cold Rock, plusieurs disparitions d'enfants ébranlent la communauté. Julia Denning l'infirmière de la ville, est bientôt touchée directement avec l'enlèvement de son fils. Elle va tout entreprendre pour le retrouver...
Avec Martyrs, Pascal Laugier avait fait couler beaucoup d'encre (et de sang). Entre des critiques assassines, un public conquis, une chose est certaine : le réalisateur était parvenu à bousculer les esprits. Quatre ans s'écoulent sans le moindre film pour succéder à un incontournable du cinéma d'horreur français (au même titre que Haute tension). Pourtant, Pascal Laugier ne se tourne pas les pouces, bien au contraire. Une histoire en gestation depuis 2005 l'occupe. Dix scénarios plus tard et une furieuse envie de le mettre sur écran, voici le résultat : The Tall Man.
On a beau courir, on n'échappe pas au Tall Man...
Le spectateur nourrit des attentes pour ce nouveau projet et l'on se demande ce qui pourrait bien surpasser son précédent métrage. Étant donné que Martyrs donnait dans une violence à la fois extrême et explicite, il paraissait difficile, voire impossible de le dépasser sur son propre terrain. Peu importe, puisque The Tall Man ne joue pas dans la même catégorie, même si le départ aurait pu nous induire en erreur. En effet, il existe un lien subtil et néanmoins présent entre les deux films : la souffrance. Le passage de relais s'effectue en exposant celle-ci sous un jour bien plus pernicieux et angoissant.
De la douleur physique, propre à une vision extrême, brute de décoffrage, The Tall Man joue sur l'aspect psychologique. De fait, l'on comprend mieux pourquoi l'histoire tend sur le thriller, à certains égards l'épouvante, étant donné que la thématique principale (la disparition d'enfants) requiert une approche plus posée, plus pragmatique sur le fond. Si ce constat paraît évident une fois le film vu (et en ayant en tête plusieurs éléments de l'intrigue), cela n'était pas aussi aisé en commençant le métrage. La faute à une multitude de points de vue et de méthodes pour entamer le sujet.
... même en se cachant sous une camionnette.
Le pitch de départ met en avant le Tall Man, sorte de légende urbaine locale nourrie par des témoignages plus ou moins avérés. Entre l'horreur (un pédophile ? Un tueur en série ?), le fantastique (un fantôme ? Une créature mythique ?) ou même au survival animalier (un bigfoot ou autre espèce méconnue ?), la nature du Tall Man reste obscure et entretient le doute sur l'orientation du métrage. En cela, il est intéressant de brouiller les pistes, mais l'on sent surtout une hésitation jusqu'au point de non-retour. Il faut patienter au moins une bonne demi-heure pour savoir à quoi s'en tenir.
Au-delà de cette ambiguïté, un rien rebutante au départ, on se rend compte qu'elle est le moteur principal de l'intrigue. Non pas dans cette incertitude qui reste néanmoins un écueil pardonnable, mais dans l'agencement du scénario et sa progression. Et c'est en cela que Pascal Laugier se démarque : en jouant sur le fil du rasoir avec un sujet casse-gueule. Là où certains se seraient vautrés en beauté avec des messages pseudo-analytiques sur l'enfance et la perversion au contact de la société, le réalisateur ne prend jamais un parti bien défini. À la manière d'un journaliste, il se contente d'exposer les faits en gardant une certaine distance.
Il n'a pas meilleur mine après avoir arrêté la clope ?
Loin d’un manichéisme pédant et prétentieux, les tenants ménagent un suspense à la fois attrayant et intrigant pour aboutir vers une charge symbolique plus profonde, plus dérangeante lors du dénouement. On n'en dévoilera absolument rien, mais sachez que chacun peut se faire sa propre opinion sur les intérêts, les choix des protagonistes. Ainsi, l'hésitation des genres laisse place à une interprétation intelligente, sobre et sans complaisance de ce que le scénario avance. Peu de films parviennent à trouver ce juste équilibre entre une réalité, sa portée au quotidien et l'appréciation du spectateur.
Mais cela aurait paru bien vain sans un véritable travail sur les personnages. Nous arrivons que très rarement à se faire une opinion sur eux, tant les cartes sont brouillées. Tour à tour victimes, bourreaux, martyrs, notre jugement est biaisé par nos préjugés et des indices disséminés au compte-gouttes. Creuser les caractères, faire évoluer les mentalités ou la perception que l'on a d'elles font que The tall Man jouit d'une palette d'individus torturés et profonds. Autrement dit, âpre et réaliste. Pour cela, le casting joue sur les nuances et offre (tête d'affiche et seconds rôles compris) une prestation des plus admirables. Mention spéciale à la jeune Jodelle Ferland, une actrice pleine de ressources et de talents.
Une petite beauté pour Snoopy et ses amis.
Au final, The tall Man frappe là où on ne l'attendait pas forcément. Au lieu de surenchérir dans la gratuité et l'extrémisme, Pascal Laugier préfère nous conter une histoire à la lisière des genres avant de s'aventurer dans les confins du thriller. La mise en scène est servie par une photographie léchée, le cadre délétère nourrit une atmosphère empreinte d'angoisse et, pour compléter le tableau, le réalisateur fait confiance à l'intelligence du public pour se faire sa propre opinion jusque dans les dernières paroles de Jenny. Une production à la fois mesurée et immersive.
Un film de Pascal Laugier
Avec : Jessica Biel, Stephen McHattie, William B. Davis, Jodelle Ferland