Sex Addict
Une jeune femme, photographe, est dotée d'au moins sept clitoris, ce qui rend ses ébats sexuels extrêmes et dangereux. Malgré un sujet initial original et déviant, la caméra d' Henenlotter s'est un peu grippée au fil des décennies...
Une jeune femme, photographe, est dotée d'au moins sept clitoris, ce qui rend ses ébats sexuels extrêmes et dangereux. Un jour, elle rencontre un homme qui pourrait combler tous ses désirs. Mais ce dernier semble éprouver quelques difficultés à gérer son sexe.
Plus de 15 ans après son dernier métrage, Frank Henenlotter est de retour dans le milieu du Septième Art. Amateur d'ambiances underground et glauques, il s'attaque ici à la thématique de la performance sexuelle, sans oublier ses obsessions récurrentes pour les personnages décalés et marginaux.
La carrière d'Henenlotter débute en 1982, avec le premier volet des Basket Case. Hormis cette trilogie culte, il signera seulement trois autres métrages, faisant tous la part belle à des personnages en marge d'une société qui les ignore ou les rejette, à cause de leurs difformités physiques (Belial, le monstre de Frère de Sang) ou de leurs désirs (le savant fou de Frankenhooker, l'héroïne de Bad Biology).
A l'instar de ses héros, Henenlotter a toujours paru en dehors du système, profitant du succès naissant d'un cinéma hors normes (voir le documentaire Midnight Movies) pour se faire une petite réputation auprès d'un cercle restreint de cinéphiles.
De son propre aveu, ce cinéaste ne se sentait déjà plus en rapport avec la nouvelle politique du Septième Art lorsqu'il réalisa Basket Case 3, et préféra ensuite abandonner la mise en scène, pour se consacrer à d'autres activités (toujours en rapport avec le cinéma).
En réalisant un clip pour un rappeur, R.A. Thorburn, ce dernier, fan de son oeuvre, lui propose de financer un long-métrage, dont il co-signera aussi le scénario.
Que reste t'il du style d'Henenlotter, près de 30 ans après son premier métrage : l'état d'esprit !
En effet, même si la photographie surprendra par sa qualité et sa luminosité, et que le rap prend une place (trop) importante dans le métrage (BO, interprétation), les thèmes chers au cinéaste sont toujours présents.
Ses deux héros, bien que représentatifs d'un nouveau fait de société important (le rapport au sexe), sont en effet aussi isolés et incompris que les habituelles figures de proue du cinéma henenlotterien. Néanmoins, la gestion au quotidien de leurs pulsions sexuelles est traitée de manière radicalement différente. Là où la jeune femme assume ses caractéristiques et se sert de ses amants comme de simples gadgets (une féminisation jusqu'au-boutiste en quelque sorte), le héros ressemble davantage à un camé tentant de calmer un sexe indépendant, qu'il ne maîtrise et n'assume pas.
Toutefois, les deux personnages se rejoignent par un isolement total et un rapport presque infantile, vis à vis des autres. Ainsi, la succube des temps modernes tuera le seul homme qui semblait pouvoir être plus qu'un simple amant d'un soir. Elle n'hésitera pas non plus à abandonner la preuve flagrante de son anormalité génétique, des enfants monstres nés deux heures après ses relations sexuelles, dans des lieux aussi incongrus et sordides qu'une poubelle, une baignoire ou une voiture dans une casse, tandis que le garçon laissera dans la rue une prostituée victime d'un orgasme sans fin après avoir goûté à l'engin du jeune homme.
D'ailleurs, ce dernier possède le même rapport avec son sexe démesuré que le héros de Basket Case avec son siamois psychopathe, que le complice d'Elmer ou que l'émule de Frankenstein avec sa créature assoiffée de sexe et de sang. L'un ne peut survivre sans l'autre, mais les deux entités se haïssent et cherchent le salut dans le rejet de l'autre.
Henenlotter n'a malheureusement plus forcément la verve ironique de ses débuts. Le côté trash de ces premiers films semble avoir quelque peu disparu aussi, malgré une belle galerie de personnages iconoclastes, passant des junkies aux prostituées.
Étrangement, le film ne veut guère se prendre au sérieux (les personnages s'adressent parfois à la caméra, sans parler de la fugue du sexe dans un segment très kitsch louchant du côté d'un Pervert !).
Dès lors, malgré un défilé de jolies jeunes femmes (dont le modèle de charme Jelena Jensen, dans une séquence sous la douche beaucoup trop écourtée), il est difficile de rester concerné devant ce spectacle bis de facture modeste, qui aurait probablement mérité un traitement plus sombre.
De plus, le rythme moyennement trépidant de l'ensemble et l'absence d'une véritable folie libidineuse (on est loin du sexe d'acier d'un Tetsuo, mine de rien), empêche le film de trouver un salvateur second souffle, après un démarrage intriguant et incisif.
Le final, durant lequel la jeune femme obtiendra ce qu'elle a toujours souhaité (recevoir la semence divine), résume assez bien l'impression générale résultant de Bad Biology (retitré en France Sex Addict pour des raisons purement commerciales fort dommageables).
Malgré un sujet initial original et déviant, la caméra d' Henenlotter s'est un peu grippée au fil des décennies, et la verve d'un Basket Case n'est plus trop d'actualité.
On regrettera donc le traitement trop second degré de ce film, qui aurait mérité un timbre plus vicieux, même s'il est agréable de revoir ce cinéaste indépendant titiller à nouveau le système !
Un film de Frank Henenlotter
Avec : Charlee Danielson, Anthony Sneed, Tom Kohut, Tina Krause