Sand Sharks
Depuis le début de la décennie 2010, on dénote une certaine propension à fournir des bestioles aussi moches qu’aberrantes dans le domaine du film de requins-tueurs. Plus rares, pour ne pas dire inespérées, sont les occurrences à faire montre d’un côté respectueux du genre, à défaut d’en exploiter les qualités. Dans cette logique, on peut même regretter les sombres petits téléfilms qui avaient au moins le mérite de se cantonner à de véritables espèces de squales. Mark Atkins, grand habitué des productions de seconde zone, sort l’animal de son environnement naturel (l’eau, pour ceux et celles qui en douteraient encore) pour le faire barboter dans une production exécrable et, au passage, dans le sable.
Difficile de porter la casquette de flic
Certes, on n’en est plus à une ou deux imbécillités prêtes. Le procédé est similaire à d’autres abominations sur pellicule. On songe notamment au requin des bayous avec Killer Shark ou le requin des neiges avec Snow Shark et Avalanche Shark. Ici, on reste quand même sur le domaine côtier. On le serait à moins sur une île! Toujours est-il qu’il ne faut pas chercher ou escompter un semblant d’explications plausibles pour justifier la chose. On a beau évoquer une espèce préhistorique en mal d’attention, l’inintérêt et le propos général ne se trouvent nullement de ce côté. En matière de nullité, le film de Mark Atkins fait fort et pas seulement au niveau de son concept de base farfelu.
Si tant est qu’on puisse le définir ainsi, le scénario se situe au croisement des Dents de la mer et de Piranha 3D. Ce plagiat éhonté pille l’idée de la petite bourgade à l’économie brinquebalante, le chasseur de requins bourrus, la première vraie-fausse prise d’un requin et autre joyeuseté propre au chef d’œuvre de Spielberg. Au film d’Alexandre Aja, on vole le côté déluré, la fête estivale qui dérape en un apéritif du dimanche pour nos amis les squales. On connaît certaines initiatives du survival animalier pour leur prévisibilité ou leur histoire en carton qui prend l’eau. Ici, on nous inflige une copie carbone des références précitées sans le moindre scrupule.
Les instants bronzettes ne sont plus ce qu'ils étaient...
Il ne faut même pas espérer une menace latente puisque les requins se cantonnent à nager dans le sable. À aucun moment, on n’assiste à une confrontation en mer. À la limite dans les premières vagues qui viennent lécher le rivage. Qu’importe! Les acteurs demeurent d’une stupidité extrême quand il s’agit de fuir le danger. On se pousse. On hurle à tout-va. On se repousse. On se balade. On court. Tout cela sans avoir la présence d’esprit de se réfugier hors du sable, même dans l’eau puisque les bestioles y semblent allergiques. En ce qui concerne la fête locale, sorte de spring-break miséreux, elle est le parfait étalage d’un budget fauché par la mauvaise foi et la cupidité (des protagonistes, comme des producteurs).
Les requins, eux, font preuve d’une discrétion à toute épreuve. Et on les comprend quand on constate à quel point le travail de synthétisation a été bâclé. Au regard d’effets spéciaux catastrophiques, il aurait mieux valu se contenter des ailerons surnageant les dunes et le sable. De même, il est difficile de juger des différences de gabarit entre les spécimens adultes et «bébés». Les gobages de cervelles creuses sont aussi vites expédiés qu’avare en hémoglobine. Reste néanmoins un nombre de victimes légèrement au-dessus de la moyenne pour tenter de satisfaire l’amateur. Quant à l’ultime surprise, elle se révèle à la fois impromptue et ridicule.
Il faut toujours se méfier du requin des roches...
Au final, Sand Sharks ou le très malnommé Les dents de la plage est un survival animalier d’une rare indigence. Non contents de miner un genre par les fonds abyssaux de nos mers et océans, les producteurs creusent dorénavant sur les plages pour essayer de trouver de nouvelles idioties à développer. Il en ressort un métrage faussement drôle où le pauvre Corin Nemec s’évertue dans un cabotinage affligeant pour amuser, en vain. Au-delà des «emprunts» effectués çà et là, le film de Mark Atkins se fourvoie dans une succession de scènes aussi abrutissantes qu’improbables. Une énième itération du mythe du requin-tueur détourné en une vaste fumisterie.