Magic Magic
Il va pleuvoir, les oiseaux volent bas.
D’ailleurs, les influences de ce dernier sont claires : Roman Polanski et L’exorciste avec un brin d’humour (!). Rien que ça ! On peut très bien avoir des modèles ou des références pour construire son propre projet, mais se focaliser entièrement sur ceux-ci en espérant faire aussi bien, voire mieux, c’est la catastrophe assurée. On sent dès les premières minutes que l’histoire aura du mal à se poser. Panorama du cadre trop inconstant, première approche avec les protagonistes confuses et peu avenantes (une danse langoureuse de Michael Cera, brrr !) et des passages qui oscillent en permanence entre les langues. Un premier constat brouillon qui se confirmera par la suite, mais ce n’est là que le point de départ vers un long, très long moment d’un film qui ne raconte strictement rien.
Le premier quart d’heure prend les apparats d’un road-movie déroutant (sans faire de mauvais jeu de mots). Une bande d’amis en vacances, une petite nouvelle et un environnement naturel préservé. À cet instant, l’on songe à un énième survival ou slasher made in Chili. Pourquoi pas ? Les productions chiliennes sont plutôt rares et se comptent sur les doigts d’une main lorsqu’il s’agit de franchir nos frontières. Seulement, Magic magic s’essaiera à tous les genres sans jamais se poser. Tour à tour thriller paranoïaque, épouvante, horreur, sans oublier un soupçon de fantastique, on passe du coq à l’âne sans jamais trouver le ton adéquat ou le liant qui fera du film un objet incongru et singulier.
Zéro, vous me recevez ? On se fait ch...
Bien entendu, les genres précités sont établis dans les intentions. Dans la réalité, on ne frissonnera à aucun moment. Pas d’angoisse, de sentiments de pesanteur ou de dégoûts à l’horizon. Le seul élément qui se dégage de ces 96 interminables minutes est l’ennui. Multiplications de séquences inutiles avec des dialogues tout aussi miséreux, narration contemplative des plus irritantes, le cinéaste ne parvient jamais à instaurer un semblant d’atmosphère au sein de son intrigue. Un scénario plat et prévisible qui n’est même pas maîtrisé. Clairement inspirer (plagier ?) d’une histoire vraie, on a droit à tout et n’importe quoi, comme la tentative de viol par un chien, un piètre harcèlement moral ou, point d’orgue de la violence, l’exécution pure et simple d’un pauvre petit perroquet !
Quand bien même l’on souhaite une approche réaliste et posée, bifurquer dans les quinze dernières minutes vers une vague crise de possession et d’exorcisme sur fond de chamanisme achève de décrédibiliser l’ensemble. De plus, cette conclusion alambiquée qui renie ce qui a été amorcé précédemment, se permet de s’interrompre brutalement en se moquant ouvertement du courageux spectateur qui serait parvenu jusqu’au bout de ce calvaire. À l’image du film, le dénouement se montre bâclé et d’une facilité déconcertante, comme si l’on se débarrassait d’un objet encombrant ou qu’il n’y avait plus assez de bobines pour terminer le métrage.
A la une, à la deux... On attend encore !
On n’est pas mieux servi avec le casting que l’on a connu en bien meilleure forme (et main). Outre le fait que les personnages n’évoluent pas d’un iota, hormis la folie d’Alicia, on les croirait tout droit sorti d’un mauvais slasher. Entre l’homo refoulé des plus agaçants, le beau gosse bête comme ses pieds, la fidèle cousine au secret éventé dès son arrivée sur l’île ou l’amie aussi séduisante qu’inutile. Une approche convenue au possible avec des acteurs peut-être impliqués, mais d’une pénible complaisance à l’écran en surjouant ou en faisant le moins possible. Lorsque l’on sait que l’équipe du film a séjourné ensemble pendant l’intégralité du tournage et que le réalisateur parle d’une relation quasi incestueuse en insistant plus que de raison sur l’excitation qui régnait dans l’air, on tient là la véritable épouvante…
Il est vrai que tout n’est pas à jeter. On citera très rapidement une mise en scène pas trop catastrophique, mais surtout une photographie assez séduisante. Toutefois, cette dernière se montre bien anecdotique lorsqu’il s’agit de mettre en valeur un cadre unique mal exploité. L’île est un bon choix pour traduire l’isolement et le déclin du personnage principal, mais se cantonner à de vagues plans sur le rivage, les alentours de la demeure ou l’intérieure de celle-ci ne fait montre d’aucune audace. Encore une fois, cela reste plat et sans relief. L’atmosphère paranoïaque et angoissante ne prendra jamais. On aurait pu situer l’action dans un garage de Santiago, le résultat aurait été le même.
On doit se sentir seule dans un métrage aussi pénible.
Magic magic, c’est un peu tout et rien. Sur le papier, on a l’impression de découvrir l’héritier légitime de Polanski avec de merveilleuses intentions et un fantastique melting-pot des genres. Mais sur l’écran, le constat est tout autre. Contrairement au titre qui aurait pu laisser présager une note fantasmagorique, on nous inflige un récit brouillon, prévisible et surtout d’un ennui ravageur. Il ne se passe strictement rien. L’ambiance ne pèse ni sur les protagonistes ni sur les spectateurs. Entre la passivité de certains et une approche prétentieuse de ces thématiques (la folie, l’isolement, le barrage des langues…), on a droit à un film complaisant qui ne parvient jamais à trouver un point d’attache auquel se raccrocher. Long et pénible.
Un film de Sebastián Silva
Avec : Michael Cera, Emily Browning, Juno Temple, Catalina Sandino Moreno