Les Châtiments
Par le biais de leur société Dark Castle, Robert Zemeckis et Joel Silver nous offrent régulièrement des films d'horreur qui, sans être excellents, nous procurent tout de même de très bons moments. On retiendra notamment La maison de l'horreur ou La maison de cire. Assez prévisible dans l'ensemble, mais rondement mené par leur réalisateur respectif. Qui plus est, si les premières années de vie de Dark Castle sont entièrement focalisées sur le cinéma de genre, chaque production se veut relativement différente l'une de l'autre. Manoir hanté, bateau maudit, musée de cire ou, dans le cas présent, la religion, les sujets ne manquent pas et sont bien exposés. Stephen Hopkins s'attaque donc aux dix plaies d'Égypte, et ce, de manière plutôt inattendue étant donné que l'histoire se déroule de nos jours dans une petite bourgade de la Louisiane.
Il n'y a plus de saisons...
Cet état est pour le moins propice à la manifestation de phénomènes paranormaux, inquiétants et parfois horribles. Grandement usités dans le cinéma de genre (Sans retour, Man thing ou Butcher...), la Louisiane et plus précisément ses bayous apportent une atmosphère unique si tant est que le réalisateur parvienne à capter l'essence même de cette étendue singulière. Un exercice assez périlleux puisqu'il advient de mettre en avant le décor tout en gardant une certaine distance pour conserver les mystères environnants. Le folklore, les us et coutumes, la musique (absente dans le cas présent), la population et leurs croyances locales, tout cela contribue à créer une osmose que nul autre lieu ne réussit à égaler.
À cela, il faut compter sur des petites perles atypiques telles l'immense maison de Doug à l'architecture travaillée ou des endroits reculés comme la propriété des McConnell. En soi, les environnements demeurent variés et mis en valeur comme il se doit. Toutefois, le film de Stephen Hopkins ne se focalise pas uniquement sur le cadre. Au lieu de nous infliger les stéréotypes du cajun ermite et asocial, Les châtiments s'attache à dépeindre une communauté soudée par la foi et l'entraide, mais aux idées dogmatiques tenaces et intransigeantes. C'est un peu comme si l'on visitait un endroit hors du temps. Une population qui se contente de peu, accueillante, mais facilement impressionnable par des événements inexpliqués.
« Vous allez tuer ma fille ? »
Cela nous amène aux fondements mêmes de l'histoire : la religion et plus précisément la crédulité et l'ignorance (volontaire ou non) des masses face aux « miracles ». Dès lors, deux points de vue s'opposent : le pragmatisme des chercheurs qui s'attache aux faits en utilisant des méthodes empiriques et la dévotion des fidèles qui confortent leur foi dans des situations étranges, extraordinaires et insolubles dans les apparences. Si science et religion ne sont pas forcément contradictoires, bon nombre d'individus les confrontent pour en faire de véritables sœurs ennemies. En clair, on renie l'un ou l'autre au profit de son ressenti plutôt que de concilier les deux aspects dans notre vie. Pourtant, elles sont simplement une facette différente d'un même corps.
D'ailleurs, ce constat est clairement mis en avant avec Ben, scientifique averti et pourtant croyant, moins radical dans ses opinions que Katherine. Encore une fois, leur divergence de point de vue sur certains sujets ne les empêche pas de partager une vraie complicité à travers leurs investigations. Une complémentarité bienvenue lorsqu'il convient de démêler la vérité du mensonge. Ajoutons à cela une AnnaSophia Robb idéale dans le rôle de Loren ou un David Morrissey convaincant et ambigu et l'on obtient une distribution sobre, impliquée et parfaitement dans le ton. Si les personnages secondaires ne sont pas aussi travaillés que le casting principal, il en ressort tout de même des figures intéressantes : le maire fondamentaliste, la mère de Loren ou le père Costigan.
Peut-être un problème de batterie.
Tout cela nous amène vers les plaies d'Égypte, au nombre de dix. Au lieu de se complaire dans un déluge d'effets spectaculaires, Stephen Hopkins préfère la modestie. Certains crieront au scandale, d'autres trouveront cela bien maigre, mais finalement, cette discrétion dans l'exposition des fléaux parvient à mieux cerner l'isolement de la communauté. Nous ne sommes pas en présence d'un trip apocalyptique grandiloquent, mais proche d'un traitement psychologique qui s'amuse avec les nerfs de la population locale. De fait, il paraissait plus raisonnable d'opter pour une réalisation posée - quitte à se mettre à dos une partie du public - plutôt que de jouer la carte de la surenchère dans un déferlement de trucages hors sujets pour cette histoire.
Les châtiments jouit d'un visuel très léché. On use de couleurs saturées pour les flash-back ou les hallucinations, les lieux disposent de panoramas ni trop éloignés, ni trop proches afin de rendre l'action la plus réaliste possible. La photographie alterne savamment entre des teintes mordorées, des recoins sombres ou s'attelle simplement à souligner çà et là des éléments en apparence anodins à l'image (le symbole de la secte satanique, les changements d'atmosphère par le biais du temps...). Juste un bémol concernant l'ambiance sonore par trop discrète. La faune est perceptible, mais la bande-son manque de mordant (mis à part quelques morceaux, dont celui du générique de fin) tant est si bien que l'on aurait souhaité moins de bruitages faciles à faire sursauter et plus de musiques sépulcrales (bien que ce point reste purement subjectif de ma part).
Le châtiment ! C'est le châtiment !
Des personnages travaillés, un cadre unique, une histoire bien agencée et surprenante dans sa conclusion, Les châtiments ne mérite pas la piètre réputation dont il pâtit. On le dit prévisible. Les rares indices disséminés aux quatre coins du récit pour découvrir la vérité sont subtils et passent inaperçus. On le dit long et ennuyeux. Il s'agit là d'un film fantastique à la lisière du thriller. Le déroulement se veut forcément posé pour creuser l'intrigue et les protagonistes. Au crédit des détracteurs, on pourrait reprocher un côté sentencieux dans la dernière partie de l'histoire sur le courroux divin. Un aspect compensé par une habile manière à essayer de concilier la science et la religion tout au long du récit.
Un film de Stephen Hopkins
Avec : Hilary Swank, David Morrissey, Andrea Frankle, Idris Elba