La malédiction de la dame blanche
À partir de légendes urbaines ou issues d’un folklore, certains phénomènes paranormaux trouvent parfois une résonnance commune. Le rapport peut paraître d’autant plus troublant lorsqu’il n’y a pas de distinction des faits, eu égard à la culture ou l’éloignement géographique. Par conséquent, la convergence observée tend à crédibiliser les faits observés ou narrés. En matière de hantise, la dame blanche reste l’une des histoires les plus populaires qui soient. D’un autre côté, la Llorona peut être considérée comme son pendant hispanique outre Atlantique, même si des disparités notables sont assez flagrantes. En revanche, la multitude de versions rend hasardeux tout travail d’adaptation.
Ça c'est de la dame blanche !
Car il ne suffit pas de choisir une variante pour disposer d’une intrigue plausible. Toute la difficulté réside dans un esprit de synthèse pour «compiler» les principales caractéristiques de la Llorona. La traduction sensationnaliste du titre français est assez représentative de l’amalgame entre les deux légendes. En effet, la dame blanche est généralement un esprit errant plongé dans un profond désarroi. Sauf cas exceptionnels, elle ne fait nullement preuve d’hostilité à l’égard des vivants. Elle peut même faire office de messagère. La Llorona se veut plus inquiétante en raison de sa propension à effrayer ceux et celles qui croisent son chemin. Ici, le seul point commun entre ces deux entités réside dans leurs pleurs compulsifs.
De plus, le phénomène de hantise d’une personne (ou plutôt son attachement) qui la lie à la Llorona ne résulte d’aucune base vérifiable. Elle tourmente, mais il n’y a guère d’infestation ou de possession. En somme, tout ce qui la caractérise dans le présent métrage repose uniquement sur une interprétation biaisée et intéressée par l’aspect spectaculaire de l’histoire. La Malédiction de la dame blanche ne se préoccupe guère d’un quelconque respect du matériau originel. Michael Chaves s’en détourne rapidement pour se concentrer sur une approche très explicite d’un sujet où les nuances psychologiques doivent pourtant être prépondérantes.
Quand on ouvre la bouche aussi grand, c'est forcément pour ne rien dire d'intéressant...
Si l’on peut estimer une comédie ratée à l’absence d’amusement ou de rires, un film d’épouvante incapable de faire frissonner ne peut bénéficier d’un bon a priori. Dans le cas présent, les jump-scares sont beaucoup trop nombreux. Cependant, l’absence de sursauts résulte surtout d’une suggestion beaucoup trop évidente pour surprendre le spectateur. Contrairement à Insidious qui parvient à concilier un climat anxiogène à une approche percutante, La Malédiction de la dame blanche pâtit d’effets qui tombent toujours à plat. Malgré une photographie correcte qui aime exploiter toutes les nuances d’obscurité, la réalisation se veut plate et sans identité.
On a l’impression que le cinéaste se cantonne à une vision nombriliste avec quelques subterfuges stylistiques sur les perspectives et les éléments matériels en tant que vecteur des apparitions de la Llorona. Par ailleurs, l’intrigue s’avère hautement maladroite à bien des égards. Il n’y a aucune construction cohérente entre les scènes. La grande majorité des séquences peut être prise indépendamment des autres. Les révélations sont éventées dès la première demi-heure avec aucun entretien du mystère. De même, le clivage avec les maltraitances infantiles ne trouve aucune conséquence et fait uniquement office de remplissage. À croire que le seul objectif du métrage est de multiplier au maximum les apparitions sans leur offrir le moindre liant.
La mariée était un mannequin (en blanc)
Cerise sur le gâteau, l’élément de l’eau est ici sous-exploité au possible alors qu’il est une donnée récurrente dans la version choisie. Au demeurant, les justifications de cette dernière tiennent sur un timbre-poste et rendent les errements de la Llorona d’autant plus pathétiques. Toujours est-il qu’il faut se contenter d’un petit saut dans la piscine de la maison, une bénédiction express du bassin, une baignoire «récalcitrante» et, en guise d’épilogue, une flaque d’eau! Bref, on ne nous offre aucune attache ni analogie avec la noyade; le modus operandi de la Llorona. Quant à la manière de s’en débarrasser, la matérialité des moyens employés face à son immatérialité est d’une rare bêtise. L’ensemble est aussi vite expédié qu’oublié.
Au final, La Malédiction de la dame blanche reste une grande déception. Là où le potentiel du film fédérait certaines attentes, le résultat est d’autant plus affligeant qu’il a bénéficié d’un budget et d’une distribution confortables. Bien que le casting demeure sympathique, les personnages manquent de relief. Le scénario pointe aux abonnés absents et se contente d’un traitement paresseux perclus d’invraisemblances. Au-delà d’un amalgame douteux entre la dame blanche et la Llorona, on prend de trop grandes libertés avec la légende initiale. Il en ressort un film qui passe complètement à côté de son sujet et ne parvient même pas à provoquer le moindre frisson. De quoi susciter les pleurs de la Llorona...
N.B. Incarné par Tony Amendola, la présence du père Perez tente de faire un rapprochement furtif pour le moins maladroit avec la saga The Conjuring, en particulier Annabelle.
Un film de Michael Chaves
Avec : Linda Cardellini, Patricia Velasquez, Raymond Cruz, Sean Patrick Thomas