Grimm
Les contes des frères Grimm alimentent l'imaginaire collectif depuis plus de deux cents ans. Longtemps l'apanage des productions gentillettes où Walt Disney leur a donné leurs lettres de noblesse, ces histoires ont fait rêver des générations entières. Pourtant, ces mêmes récits prennent leur source dans des contrées et des recoins plus sombres qu'ils n'y paraissent. Il existe quelques tentatives pour transposer ces univers fantasmagoriques à un public plus mature (le film de Terry Gilliam ou Blanche-Neige : Le plus horrible des contes, par exemple), mais les adapter à notre époque, voilà qui est pour le moins inattendu et surprenant...
Certes, ce procédé a déjà fait des émules et n'est pas nouveau (on pense notamment à Sherlock). Toutefois, il suffit d'un bon concept de départ, des scénaristes appliqués et un minimum de moyens financiers pour donner vie à une série à la fois inventive et bien ficelée. Nous allons le voir par la suite, Grimm remplit son cahier des charges, et ce, malgré quelques petites errances disséminées entre deux épisodes (facilement pardonnable au vu de la qualité générale). L'on doit Grimm à David Greenwalt (Angel) et Jim Kouf (scénaristes sur divers films).
Le grand méchant loup voit rouge.
L'histoire principale s'axe autour de Nick Burckhardt, inspecteur de police, qui apprend par sa tante sa filiation à la famille Grimm. Dès lors, il prend conscience que les contes ne sont plus des légendes, mais une réalité. Les monstres sont parmi nous et ne nous veulent pas que du bien... Grimm se compose de 22 épisodes qui sont, pour la plupart, indépendants les uns des autres. On retrouve les personnages centraux, mais les enquêtes ne nécessitent pas forcément une grande assiduité, ni même d'être un inconditionnel des contes susnommés.
En fait, il s'agit principalement d'une série policière. Les intrigues s'axent autour des investigations et de la résolution d'un ou plusieurs assassinats. Le côté fantastique se met en filigranes derrière la nature des meurtriers et/ou témoins. De fait, on découvre des récits assez linéaires dans l'ensemble et le peu de fausses pistes engrangées se révèle plutôt rare à l'écran. Les habitués du genre seront capables de deviner le ou les coupables assez rapidement. La faute incombe à une écriture simplifiée des épisodes laissant peu de doute sur leur dénouement. Toutefois, l'effort de trouver une explication rationnelle à chaque conclusion permet de crédibiliser le point de vue des humains, inconscients du monde qui les entoure.
Au programme de ce soir : DJ Hamelin !
Le fil rouge est pour le moins ténu, un peu trop discret au fil de la série. Nick apprend au fur et à mesure à connaître la faune qui jonche les rues de Portland, mais les réelles implications de ses pouvoirs se font grandement attendre. À vrai dire, il faut patienter jusqu'à la moitié de la première saison pour voir les pièces du puzzle s'imbriquer progressivement. Les interrogations s'accumulent crescendo et les réponses sont offertes au compte-gouttes. Malgré cela, il n'en demeure pas moins que chaque épisode se laisse suivre agréablement, ne serait-ce que pour découvrir la manière dont les contes ont été abordés.
De ce côté, reconnaissons la maîtrise et le savoir-faire à crédibiliser non pas un, mais des univers fantasmagoriques au sein de la réalité. Les références sont légion et ne sont pas forcément flagrantes ; ce qui renforce l'immersion. La subtilité de l'histoire proviendra de cette propension à décrire avec patience et minutie ce monde underground qui se cache dans le nôtre. Une approche similaire à celle de certains films de vampires qui, mise bout à bout dans une série, prend plus d'ampleur et d'épaisseur au fil des récits. Le choix est risqué, mais non dénué d'intérêt si l'on accroche à lidée.
Deuxième partie de soirée : un documentaire sur les moeurs lubriques des louves et des cochons.
À cela, il faut compter sur des acteurs convaincants et impliqués qui investissent leur rôle comme il se doit. David Giuntoli (qui possède une certaine ressemblance avec Brandon Routh) est un inspecteur de police émérite, mais aussi un Grimm novice un rien hésitant. Le contraste est flagrant, son interprétation la met en évidence. Hank, son acolyte, est un peu plus conventionnel dans la peau du flic tenace. La surprise vient surtout des monstres et en particulier de Monroe, le grand méchant loup repenti qui aide Nick dans ses investigations. Tout en étant passablement inquiétant si on le cherche, il se révèle un allié précieux et cocasse dans sa manière d'aborder les problèmes.
Concernant le bestiaire, la variété est de circonstance. Les scénaristes se sont amusés à décliner une chaîne alimentaire riche et cohérente. Entre les loups, les araignées, les castors ou les rats, c'est tout une faune hétéroclite que l'on nous offre. Sans être éblouissant, les métamorphoses sont sympathiques et les effets spéciaux s'avèrent corrects dans l'ensemble. L'équilibre entre les maquillages et les images de synthèse permettent de faire illusion. Le principal effort vient du fait d'adapter la morphologie des physiques aux animaux respectifs. Par exemple, l'on choisira un air sournois pour un serpent, un visage aux contours pointus pour un vautour...
Un petit bisou pour s'endormir ?
Bref, Grimm est une série à la lisière du fantastique et du policier où il fait bon se perdre. La simplicité apparente de l'intrigue cache un univers sous-jacent riche amenée de manière progressive et minutieuse. On ne s'attachera pas à la fidélité des contes étant donné qu'ils sont transposés à notre époque. Il s'en dégage une atmosphère générale atypique qui opte pour une approche pragmatique des mythes et légendes. En dépit d'une certaine prévisibilité dans les enquêtes, on sent un effort évident pour crédibiliser ce mélange inattendu. La cohérence est au rendez-vous, tout comme le plaisir évident de découvrir l'oeuvre des frères Grimm sous un jour nouveau.
Prêt à reprendre les armes ?
Saison 2 : Après une première saison somme toute originale et immersive, Grimm nous revient avec une suite dans la droite lignée de la précédente. L’on retrouve l’intrigue là où on l’avait laissé avec l’intervention de nouveaux personnages (principaux et secondaires). Cette vingtaine d’épisodes est l’occasion de faire évoluer les protagonistes et leur point de vue. Ainsi, certains d’entre eux prennent pied dans le monde des Grimm et des Wesen. Un choix évident qui cède la place au mystère et à la surprise de départ au profit de confrontations bienvenues et de situations parfois cocasses. Pour le reste, le fil rouge reste toujours aussi prenant tandis que les enquêtes sont d’une qualité égale à celles de la saison 1, ni transcendante ni mauvaise. En somme, une saison 2 de bon aloi qui comblera les amateurs de la série.
Que nous offre petit Papa Noël pour cette année ?
Saison 3: L’on pourrait croire qu’une recette inchangée tend à essouffler un concept original. D’autres séries ne se sont jamais remises en question et se sont vautrées bien plus vite. Pourtant, cela ne semble pas être le cas de Grimm qui, pour cette troisième année consécutive, reprend une recette inchangée depuis ses débuts. En effet, l’on nous offre une nouvelle fournée de crimes, de Wessen mal embouchés et autant de mystères à élucider. En cela, l’histoire ne se révèle pas très surprenante même si le mélange policier/fantastique fonctionne toujours. Mais l’on saluera surtout la qualité de script qui entretient le suspense sur un rythme tendu à chaque épisode. L’évolution des personnages et du fil rouge permet un développement poussé et immersif. Variée et entraînante, une saison peut-être prévisible, mais d’une indéniable qualité.
Saison 4 : 6/10
Saison 5 : 7/10
Saison 6 : 7/10
Un film de Marc Buckland
Avec : David Giuntoli, Russell Hornsby, Silas Weir Mitchell, Bitsie Tulloch