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Ergo Proxy - Critique

Un anime qui mérite une attention particulière et une réelle implication de la part du spectateur sous peine de le perdre dans des chemins de traverse abscons. Doté d'une sombre beauté, l'univers d’Ergo proxy recèle une complexité maîtrisée. L'odyssée de Vincent Law, Re-l et Pino vous entraînera en des terres insoupçonnées, tant dans cet imaginaire riche et recherché que dans votre esprit. Une parabole intelligente sur notre réalité et notre avenir tant au niveau individuel que collectif.
Publié le 25 Septembre 2012 par Dante_1984
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Robot
À Romdo, ville futuriste où les humains cohabitent avec les Autoreivs, une série de meurtres commise par l'un d’eux va ébranler les certitudes de cette société en apparence paisible. En compagnie d'Iggy, Re-l est chargé de l'enquête. Mais ses supérieurs ne sont pas décidés à lui dévoiler tous les secrets de leurs précieuses cités. Alors qu'un virus contamine les Autoreivs, Re-l va devoir quitter la ville dôme pour découvrir la vérité.

Tout comme les films d'horreur, la science-fiction possède son lot de sous-genre qui définit sa richesse. Pour ne citer que quelques-uns : Space-opera, Planet-opera, Post-apocalyptique ou Cyberpunk. Ces deux derniers nous intéressent en ce qui concerne le présent anime. D'une part, le monde décrit se veut sombre et résulte d'une apocalypse dont on ne connaît que peu de choses (l'on devine un conflit mondial). D'autre part, la société idéaliste dépeinte au fil du récit avec sa haute technologie et sa soi-disant parfaite gestion politique nous renvoie aux références du Cyberpunk. D'ailleurs, l'introduction rappelle curieusement Ghost in the shell ou même Blade runner. Un meurtre commis par un robot, une enquête sur fond de manipulations, sans oublier un univers incroyable d'une profondeur abyssale.


Mieux vaut ne pas la chercher...

Certes, Ergo proxy se joue de nombreuses influences sur le papier. Les premiers pas de l'histoire ne possèdent rien de bien singulier à nous offrir, mais c'est sur la longueur qu'elle nous divulguera son plein potentiel. 23 épisodes. De quoi tenir en haleine pendant un certain temps ! Les premiers tendent à décrire Romdo et son mode de fonctionnement de manière assez didactique sans toutefois lésiner sur l'action. On rentre rapidement dans le vif du sujet, quitte à perdre parfois le spectateur en cours de route. On se demande à certains moments qui gouverne réellement la ville dôme, comment sont sélectionnés les immigrants (et surtout d'où viennent-ils si le monde extérieur est ravagé ?) ou plus simplement comment les différents intervenants sont arrivés à ce stade de leur existence.

Si le scénario dispose d'un fil rouge évident (ce n'est pas l'enquête, mais la recherche du passé de Vincent Law), certains épisodes ne possèdent pas de continuité flagrante. La conclusion d'un, peut ne pas entraîner une suite directe au prochain. Qui plus est, l'alternance des points de vue accentue cet effet qui, en d'autres circonstances, aurait pu paraître brouillon. Dans le cas présent, on s'habitue à cette narration alambiquée. Certes, cela peut décontenancer les spectateurs coutumiers aux films (ou séries) avec un déroulement assez linéaire, voire simpliste, mais il en ressort un récit fouillé et travaillé sur plusieurs niveaux.


La perle du Créateur...

Au-delà de la présentation de Romdo, que l'on peut assimiler à une utopie se métamorphosant progressivement en une dystopie, Ergo proxy se targue d'une réflexion poussée sur le sens de la vie. La quête d'identité de Vincent traduit cet état de fait. Sommes-nous ce que nous paraissons être ou le reflet d'une société malade et moribonde ? Dans ce cas, notre moi profond cache-t-il un tout autre caractère ? Les développements philosophiques sont servis par des dialogues intelligents qui parviennent non seulement à faire avancer l'histoire, mais surtout à nous poser ces propres questions sur notre existence. Le départ de Romdo pour un voyage sans destination précise symbolise donc notre destin, nos souffrances, nos doutes et nos peurs à ne pas savoir ce que nous réserve l'avenir.

Le virus Cogito (qui donne une conscience aux Autoreivs) suggère le malaise ambiant, comme si la vérité se révélait à une vie de labeur, sans fondement réel. Se poser les questions : « Qui sommes-nous ? » « Pourquoi suis-je né ? » « Quel est le but de mon existence ? » Des interrogations synonymes d'espérance et de tourments pour tout un chacun. Car là où l'on souhaite un sens, peut-être n'y a-t-il qu'une illogique et insupportable réponse à découvrir : octroyer un but à ce qui n'en a pas de prime abord. Est-cela le plus intolérable : connaître la vérité et accepter son cruel éclat. Difficile d'admettre que nos certitudes ne sont en réalité que des mensonges réconfortants basés sur des fondations biaisées.


Pino !

Tout comme ces propos nihilistes qui parsèment le récit, l'univers d'Ergo proxy se veut terne et reflète un climat presque dépressif. Des couleurs pâles, des regards éteints ou durs, une propension à dépeindre des panoramas vides et hostiles. Le contraste est flagrant avec l'apparente sérénité de Romdo. L'animation 2D se conjugue avec quelques plans en images de synthèse sans que cela jure pour autant. La mise en scène entretient une certaine fluidité entre les deux procédés si bien que l'on ne s'attarde guère sur ces changements assez discrets dans l'ensemble. Pour le reste, le rendu est propre et décrit avec soin cet univers imaginaire.

En dépit de ce constat sombre, deux épisodes tendent à prendre à contrepieds cette impression générale. Le quinzième, intitulé « Cauchemar quizz », se déroule intégralement sur un plateau de jeu télévisé mêlant divertissements nippons et occidentaux (Qui veut gagner des millions ?) pour former un résultat complètement décalé et saugrenu. Puis le dix-neuvième, « La fille au sourire », où l'on suit la jeune Pino à travers « Smile Land », un endroit où l'on sourit en permanence. Il s'agit d'une sorte de parc d'attractions où tous les rêves sont réalisables dans l'insouciance et l'allégresse. Là encore, c'est fou, inventif et en totale contradiction avec le ton de l'anime. On ne s'y attend pas et la surprise est au rendez-vous.


Facile, non ? Allez, la réponse commence par un P.

On l'a vu plus tôt, l'histoire recèle des trésors philosophiques insoupçonnés. Toutefois, ils ne porteraient pas bien loin sans l'appui de personnages aux caractères bien trempés et crédibles. Fort heureusement, les protagonistes sont dissemblables et forment un panel d'aspirations, d'identités et de volontés aussi différentes qu'attachantes. Paradoxalement, ce sont les humains qui paraissent les plus froids. En tête, Re-l, anti-héros par excellence qui ne se soucie guère des autres et ne songe qu'à sa mission, tout comme Daedalus ou Raul Creed. En contrepartie, les Autoreivs (une fois contaminé par le Cogito) disposent d'une sensibilité plus développée. L'adorable petite Pino est certainement la plus amusante de par sa candeur et sa spontanéité. Quant à Vincent Law, il s'agit d'un personnage complexe aux multiples contradictions. On n'en dira pas plus pour éviter tout spoiler.

Malgré un début assez classique, Ergo proxy démontre rapidement son originalité au fil des épisodes. Le scénario déploie son potentiel au compte-gouttes en distillant des propos qui donnent à réfléchir sur notre existence, notre personnalité et le rapport de l'homme à son Créateur. Vaste entreprise que d'amorcer des réponses à ses grandes questions et pourtant, Ergo proxy parvient à nous faire prendre conscience d'un manque réel d'empathie au sein de notre société vouée à l'autodestruction. Fatalistes et nihilistes, les messages sous-jacents transparaissent pourtant une vérité que peu sont prêts à reconnaître. Au-delà de ces propos, nous sommes en présence d'un récit bien construit à l'univers fascinant et aux personnages attachants.

Portrait de Dante_1984

A propos de l'auteur : Dante_1984

J'ai découvert le site en 2008 et j'ai été immédiatement séduit par l'opportunité de participer à la vie d'un site qui a pour objectif de faire vivre le cinéma de genre. J'ai commencé par ajouter des fiches. Puis, j'ai souhaité faire partager mes dernières découvertes en laissant des avis sur les films que je voyais.

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Ergo Proxy
Réalisateur:
Durée:
23 x 25 min
8
Moyenne : 8 (3 votes)

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