From Hell
1888. Le quartier de Whitechapel devient l'objet de tout les regards, suite à l'assassinat de deux prostituées dans d'horribles conditions. L'inspecteur Frederic Abberline, occupé à chasser le Dragon, est tiré de ses rêveries car on fait appel à lui. Réputé pour son "talent" à voir ce qui va se passer grâce à l'opium, il avance néanmoins à tatons. Bousculé par son supérieur, il doit à tout prix trouver un coupable. Pêle mêle, sont ainsi l'objet d'accusations les juifs, les bouchers, les proxénètes, les francs-maçons. Mais, si la vérité était plus surprenante? Abberline va dans son enquête réussir à s'attirer la confiance (puis l'amour) d'une des victimes potentielles: Mary Kelly.
D'abord une chose avant de commencer, n'ayant pas lu le comic-book de Moore et Campbell, je ne peux donc pas comparer les ressemblances et les partis pris des frères Hughes, car ils ont du évidemment faire le tri. C'est toujours le problème des adaptations littéraires au cinéma.
Pris au sens pur du thriller horrifique, From Hell est une réussite incontestable du point de vue esthétique. Très travaillés, les décors nous transportent dans cette époque et plus particulièrement dans les quartiers pauvres, d'où l'on ressent la crasse à chaque instant. Peu de répit donc pour nous montrer la pauvreté de celles qui sont, autant que l'inspecteur Abberline (Johnny Depp, impeccable), les héroïnes du film, à savoir les prostituées. C'est au travers de leurs regards que nous assistons au déroulement tragique de l'histoire. C'est bien dans cette approche sociologique que le film est le plus réussi. Voir les prostituées devoir à la fois lutter contre l'éventreur et leurs proxénètes sans pouvoir compter sur un quelconque soutien de la Police (le chef de la Police déclarant même qu'une prostituée de moins n'est pas une perte) donne froid dans le dos. En plus de cette approche sociale, le fait d'être proche des victimes rend plus fort chaque attaque de ce premier grand serial-killer de l'histoire. Ainsi,sera-t-on plus d'une fois surpris par la rapidité des agressions (dont une, où passant avec sa cape, Jack égorge une de ses proies avec un violence peu coutumière des productions hollywoodiennes). Certains meurtres gores rempliront d'aise les amateurs de slasher-movie. Mais, même en utilisant la suggestion, les co-réalisateurs réussissent l'exploit de nous faire croire à ce qui n'est pas montré.
En plus d'être techniquement bien emballé, From Hell, bénéficie de l'interprétation solide de Johnny Depp (déjà vu dans une rôle similaire dans le très bon Sleepy Hollow de Tim Burton). On ne peut pas en dire autant d'Heather Graham (trop "oie blanche" à mon goût). L'autre regret provient d'une enquête trop classique, qui mène à l'identité de Jack l'éventreur. Je conseille vivement à tout ceux intéressés par le sujet de (re)voir l'excellent téléfilm Jack L'Eventreur (1988) de David Wickes, avec Michael Caine (une enquête magistrale de 3 heures).
Nous sommes cependant en présence ici de l'une des plus brillantes adaptations sur un sujet maintes fois rebattus. Mais cet "enfer" (comme le dit lui-même le tueur) est violemment pessimiste, très sombre, d'où peu de joies transparaissent, comme si le bonheur échappait sans cesse aux protagonistes. A éviter dans une période de dépression. Mais à voir pour tous les autres.
Un film de Albert Hughes, Allan Hughes
Avec : Johnny Depp, Heather Graham, Ian Holm, Robbie Coltrane