Evidence
Malgré les nombreuses critiques négatives récoltées par Phénomènes paranormaux, Olatunde Osunsanmi ne se laisse pas décourager si facilement et poursuit l’exploration du found-footage avec Evidence, thriller à la lisière de l’horreur qui sort directement en DVD. Véritable phénomène depuis la fin des années 1990, les faux documentaires déboulent régulièrement avec un niveau de qualités variables. On ne reviendra pas sur les succès (im)mérités ou les flops monumentaux pour se concentrer sur ce DTV aux atours aguicheurs. Sommes-nous en présence d’une production anecdotique ou d’une surprise à conseiller ?
49e prise ! Ca tourne !
Il est vrai que la filmographie sporadique et cahoteuse du réalisateur n’aide pas à se faire un avis tranché. Même après avoir vu Evidence, on reste partagé avec des impressions mitigées. Car les bonnes idées côtoient les maladresses, voire des défauts que l’on ne devrait pas observer à ce stade. Tout commence avec une séquence en plan fixe évoquant un effet bullet-time exacerbé. Grain d’images sans la moindre faille, exposition saisissante du massacre, musique qui monte crescendo pour épaissir la tension naissante. Cette introduction s’impose comme une approche percutante et immersive. En somme, la promesse de nous proposer un excellent thriller.
Malheureusement, on déchante bien vite. Non pas que le film soit mauvais, mais l’histoire s’enfonce dans la complaisance et la facilité. On nous offre deux points de vue : l’enquête avec une progression temporelle linéaire et les vidéos qui montrent les meurtres avec une chronologie secondaire et pas forcément respectée. En ce qui concerne l’enquête, on reste dans un déroulement assez classique avec des recherches qui s’affichent sous forme de huis clos. L’idée s’avère intéressante et décrit le travail d’investigations des policiers, mais l’ensemble demeure tout de même peu énergique et assez prévisible.
"Mais qu'est-ce que je fiche dans cette galère ?"
Le second point de vue se révèle bien plus chaotique et controversé. Que l’on aime ou pas le found-footage, il faut reconnaître ces qualités immersives si l’on ne s’attarde pas en palabres inutiles. Or, Evidence débute justement avec ce genre de discussions lourdes. On croit assister aux prémices d’un slasher et la suite nous donnera raison, du moins en partie. Pour résumer, un psychopathe affublé d'un masque de soudeur et une belle brochette de victimes à cuire. La seule interrogation de taille que l’on se pose est l’identité du tueur, que l’on devine rapidement comme faisant partie du groupe. Le reste est cousu de fil blanc avec une nette tendance à courir un peu partout dans la débâcle.
Les deux tiers du film s’axent entièrement sur le faux documentaire avec une narration qui rappelle vaguement Cannibal holocaust : la découverte des cassettes, le retour à la réalité et le visionnage des bobines, pour schématiser à l’extrême. Comme évoquée précédemment, la chronologie est des plus alambiquées. Quatre caméras et autant de joyeusetés pour voir le massacre sous divers angles dans un laps de temps identique. Contrairement à ce qu’on nous laisse croire, ce procédé manipule davantage la perception du spectateur plutôt que de proposer une histoire à multiples facettes. Le cinéaste choisit de nous montrer le strict nécessaire pour que l’on ait une idée faussée des événements.
Toujours bon pied, bon oeil. Enfin, presque.
D’ailleurs, les nombreux retournements de situation sont autant de subterfuges qui, non contents d’être visibles comme le nez au milieu de la figure, entament la crédibilité du scénario. À force de trop tirer sur la corde, on obtient une révélation finale bâclée, à la limite du ridicule. La morale et les motivations discutables ne sont guère convaincantes et, dans l’éventualité d’une suite, l’identité du tueur sera éventée donc son intérêt sera proche de zéro. On regrette également que le cadre ne soit qu’une succession de pièces lugubres mal éclairées et des couloirs crasseux, tout cela de nuit bien entendu et dans un endroit isolé, aux abords du désert.
Tout comme les deux points de vue de l’histoire, la réalisation se scinde sur deux constats. La partie « film classique » jouit d’un beau rendu avec une photographie flatteuse et un contraste assez disparate. À certains moments, l’image tend parfois à trop de superficialité avec une saturation des couleurs. Toutefois, la mobilité quasi permanente de la caméra reste assez pénible. Des rotations dans un sens, dans l’autre, puis on refait un petit tour. On ne voit pas trop l’intérêt étant donné que cela n’apporte rien sur le plan esthétique ou narratif, peut-être pour flouer la frontière entre les vidéos et la « réalité ».
Pas la peine de rester si sérieux. Ce soir, c'est found-footage au programme.
Toujours est-il que la partie found-footage est beaucoup moins plaisante. Sautes d’images fréquentes, parasites, sons moisis. On a beau justifier le procédé par l’endommagement des caméras, cela n’excuse en rien une action illisible au possible. Le cadrage se révèle vomitif à plus d’un titre et lorsque le tueur surgit, on ne comprend pas grand-chose. Il faut un autre angle pour enfin saisir ce qu’il fait. Au lieu d’accentuer le côté malsain et authentique de la méthode, on se retrouve avec une image imbuvable où les meurtres sont violents, mais peu visibles avec une certaine redondance dans les exécutions, et ce, en dépit de l’originalité de l’arme choisie (chalumeau de soudeur).
Il reste un casting assez consciencieux dans leur interprétation, même si leurs personnages ne recèlent pas de véritables surprises. Entre les victimes à la caractérisation minimaliste (digne d’un slasher) et les policiers motivés, mais qui manquent de reliefs, on a du mal à s’attacher ou se sentir impliqué par ce qui les touche. Autre point qui portera à discussion : la présence de figures connues (telle que Radha Mitchell) dans un métrage qui a pour objectif de flouer la frontière entre le réel et le fictif avec le procédé du found-footage. Du coup, cet aspect appréciable et indispensable à ce sous-genre sombre dans les cactus.
Ca bosse dur chez les soudeurs psychopathes.
Au final, Evidence est une déception. Malgré une excellente introduction, de bonnes idées disséminées çà et là, l’histoire se révèle chaotique, inconstante et peu crédible dans ses aboutissants. La faute à trop de retournements alambiqués et un choix narratif brouillon. On coupe sans arrêt l’immersion par l’arrêt des vidéos, pour y revenir deux minutes après. Principalement axé sur le faux documentaire, le film d’Olatunde Osunsanmi nous offre des passages indigestes sur le plan visuel et redondant dans sa progression. Finalement, le sentiment que l’on éprouve au départ penche vite en faveur des trop nombreux défauts que l’on retrouve à presque tous les niveaux. Pas une catastrophe, mais beaucoup trop insuffisant et maladroit pour en faire un bon thriller horrifique.
Un film de Olatunde Osunsanmi
Avec : Stephen Moyer, Nolan Gerard Funk, Torrey DeVitto, Harry Lennix