Enfants Loups : Ame et Yuki, Les
Une fable sur l'enfance et la différence aux atouts indéniables. Beau et chaleureux, <b>Les enfants loups</b> se révèle un film d'animation maîtrisé sur tous ses aspects. Mamoru Hosoda confirme son talent de conteur hors pair avec une histoire touchante.
Mamoru Hosoda est incontestablement un réalisateur à suivre de près. Depuis 2006 et sa relecture du roman de Yasutaka Tsutsui, il a fait montre d'une patte identitaire forte concernant l'animation, mais surtout son talent de conteur hors pair où le quotidien banal prend les apparats des imaginaires les plus fous. Voyage dans le temps pour son premier long-métrage, voyage dans l'univers virtuel d'internet et sa manne d'esprits fertiles pour Summer wars, l'on en ressortait ébahie par cette effervescence de tous les instants. Un florilège de couleurs, de potentiels qui a marqué les mémoires. Quatre années s'écoulent pendant lesquelles l'homme se consacre à un nouveau projet d'envergure : Les enfants loups - Ame & Yuki.
Promenons-nous dans les bois...
Chose assez rare pour être soulignée (dans le monde du cinéma ou de l'animation) : l'histoire est une ½uvre originale. Il ne s'agit pas de l'adaptation d'un manga ou d'un remake quelconque. Le marketing aidant, il y a bien eu un manga et un roman qui lui ont succédé, mais concentrons-nous sur le film. On suit Hana contrainte d'élever ses deux enfants après le décès de son mari. Contrairement à ses précédents métrages où l'on partait d'un postulat insouciant, Mamoru Hosoda attaque sur une touche dramatique en abordant la perte d'un proche et les difficultés d'y faire face au quotidien.
L'enfance est toujours au centre du récit, mais l'on ne se penche pas sur l'adolescence et l'appréhension de grandir (quoique...). Le cinéaste s'attelle à la question de la différence. Comme le titre l'indique, Ame et Yuki sont des enfants-loups, une légende nippone similaire au mythe du loup-garou, mais plus gentille et respectueuse que leurs homologues occidentaux. Toutefois, au lieu de sombrer dans le mélodrame où la bêtise humaine resplendit, l'on y décèle une pointe de tolérance, de bienveillance et… de peur. Car tout n'est pas rose et la crainte d'effrayer, de se heurter aux avis des étrangers, demeure prégnante dans la tête d'Hana.
...Pendant que les loups croquent dans le bois !
En cela, l'histoire joue sur plusieurs registres. On s'attendrit devant ces moments d'insouciance des enfants. On s'inquiète quant aux responsabilités qui reposent sur les épaules d'Hana (les parents la comprendront aisément). On s'émerveille face aux excursions dans la forêt (bien qu'un peu trop rare) ou on s'émeut dans les incertitudes d'Ame et Yuki sur leur nature. De cela découle une nouvelle difficulté : résumer treize ans en deux heures. Non seulement, il faut parvenir à ressortir les moments clefs de leur existence, mais faire en sorte qu'ils ne paraissent ni répétitifs ni saccadés dans leur agencement. À ce titre, le montage des séquences est exemplaire. On suit la trame sans la moindre coupure apparente.
La note fantastique sert uniquement les propos avancés (avec peut-être un message sur la relation de l'homme à la nature), on se concentre davantage sur l'évolution du scénario et de l'évolution des personnages. Les protagonistes sont suffisamment dissemblables les uns des autres pour entrecroiser leur destin et évoquer des moments un peu plus anecdotiques de leur vie. Ainsi, ce qui peut paraître banal ailleurs, s'avère prenant dans le cas présent et ajoute en crédibilité. L'une des grandes forces du film est de faire passer les émotions par le simple biais des images. Il n'y a pas énormément de dialogues, mais ils se révèlent judicieux et jamais dépourvus de sens.
L'air de la campagne, ça a du bon.
On parle souvent des studios Ghibli et de leur maîtrise de l'animation (c'est un peu le Disney nippon). Pourtant, pas la peine de s'attarder sur ses productions pour découvrir des perles oniriques. On songe à Makoto Shinkai ou, en l'occurrence, Mamoru Hosoda. Le trait graphique est somptueux avec des nuances inspirées. Entre l'urbanisme des premières minutes ou les couleurs plus fraîches et vives de la campagne, le film est un régal pour les rétines. Nul besoin d'images de synthèse (même avec parcimonie) pour créer une ½uvre d'arts, bien au contraire. Le plaisir des yeux achève de nous convaincre quant au statut des Enfants loups. Autrement dit : un petit bijou.
Au final, Mamoru Hosoda nous offre un métrage magnifique aux facettes multiples. Fidèle à ses précédents exploits, le cinéaste jongle avec l'attendrissant, l'émouvant et parfois le comique. Un mélange des genres au service d'une histoire touchante et maîtrisée sur l'enfance et la différence. Point de violence à l'horizon, mais un moment poétique des plus délectables. Nanti d'une bande-son enjôleuse, de protagonistes attachants et d'un rythme posé, Les enfants-loups propose de découvrir une parenthèse dans le quotidien d’'ne famille pas comme les autres, mais quelle parenthèse !