Affamés
Cinq personnes se réveillent dans un endroit clos et sans lumières. Ils ne se connaissent pas et n'ont que de l'eau pour survivre. Un jour, ils trouvent un scalpel et un message explicite de leur ravisseur !
Désormais, à chaque huis clos qui sort, on ne peut s'empêcher de le comparer à Saw.
Affamés s'en éloigne pourtant, délaissant un visuel gore (toutefois présent en seconde partie de métrage) pour soulever des questions hautement plus idéologiques. Que feriez vous si vous étiez enfermé avec quatre inconnus dans une sorte de puits, avec deux mois de ration d'eau, en sachant que votre corps ne pourra pas survivre sans nourriture au delà du premier mois ?
A l'image du drame de la Cordillère des Andes, survenu en 1972, la question du cannibalisme a toujours fait polémique !
Dépasser le fondement même de l'Humanité dans le seul but de survivre, voici la question qui se pose pour les cinq victimes de leur étrange hôte, un voyeur qui analysera en détail chacune de leurs réactions, égratignant au passage notre singulier goût pour une télé-réalité qui se veut de plus en plus intimiste et malsaine.
La personnalité du kidnappeur est plutôt complexe.
Muet tout au long du métrage, celui-ci essaie visiblement de légitimer son geste qui le poussa, enfant, à dévorer le cadavre de sa mère après un terrible accident de voiture. Ainsi, si ces victimes finissent par devenir cannibales par nécessité, cela le rendra plus "humain". Pour se prouver sa normalité, il répète visiblement ses expériences.
Doté d'un faible budget (cf ses décors, réduits à l'essentiel), Hunger puise sa force dans l'analyse de la descente aux enfers, à la fois physique et psychologique, des victimes.
Laissant l'héroïsme de côté, Steven Hentges délaisse le clinquant pour se livrer à une description aussi concise qu'efficace du sentiment humain lorsqu'il est aux prises avec un problème qui dépasse son entendement. Dès lors, pas étonnant à ce que chacun redéfinisse rapidement ses priorités, et privilégie l'instinct de survie, unique sentiment rapprochant encore l'être humain de l'animal.
Nous assisterons donc, durant la seconde moitié du film, à la mise à mort des plus faibles (la scène de la première victime ramène ses bourreaux au rang d'animaux enragés, voire de zombies), dépeignant des "héros" assez pitoyables, et ironisant donc sur notre statut d'être civilisé.
Cette vision sans concession offre à ce film un aspect réaliste particulièrement salvateur, le spectateur se laissant embarquer avec un plaisir trouble dans cette lutte à mort à l'issue hautement improbable.
Malgré l'absence de moyens, le film fonctionne grâce à une mise en scène au cordeau, évitant de tomber dans le consensuel, afin de résumer au mieux l'essentiel. Hormis quelques excès (le côté zombies des deux bourreaux après le premier meurtre), les comédiens sont tout à fait crédibles, en particulier celui du ravisseur (plus humain que dans la plupart des autres films, et lui aussi victime, en fin de compte).
On ne voit finalement pas le temps passer jusqu'au dénouement. Celui-ci peut être appréhendé de différentes manières. Il pourra quelque peu laisser le spectateur sur sa faim.
En effet, sans être expédié, il ne sort pas du carcan habituel, tranchant ainsi avec le reste du film. La dernière survivante, la seule à ne pas avoir succombé à l'appel de la chair (avec la première victime), trouve encore les ressources suffisantes, après plus d'un mois sans manger, pour piéger son geôlier. Sa motivation est certes louable et compréhensive, mais peu crédible au regard de son emprisonnement.
Néanmoins, cet happy end propre à nos confrères d'outre-Atlantique ne doit en rien retirer tout le mérite qui revient à cette série B de très bonne facture, apportant une nouvelle approche réussie sur le thème toujours sensible du cannibalisme au sein de la société du XXIème siècle.
Un film de Steven Hentges
Avec : Laura Albyn, Linden Ashby, Joe Egender, Lori Heuring