Critiques spectateurs de Sir Gore

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Aliens : Le Retour

Aliens : Le Retour

Il est de ces classiques intouchables dont les suites peuvent produire davantage d'étincelles encore. La saga Alien confirme la devise avec ce second opus dévastateur, qui perd en atmosphère angoissante et claustrophobe ce qu'il gagne en séquences spectaculaires et en esthétisme. Il en résulte un summum du cinéma d'action US, excitant et bourrin à souhait, qui n'en omet pas moins d'assurer la continuité du scénario vis-à-vis du premier film et réserve, entre deux rebondissements dantesques, une passionnante intrigue de SF, crédible et adulte. Sigourney Weaver se refond à la perfection dans le personnage de Ripley, femme courageuse et humaine, cette fois-ci opposée à un contingent d'aliens qu'elle se devra d'affronter avec l'aide d'un corps de marines surentraîné, dont la gâchette convient mieux que les palabres. Après une première moitié sous forme d'exposition impeccablement mise en scène, Cameron laisse libre cours à son génie de l'action hard-boiled et nous livre un fabuleux assemblage de morceaux de bravoure en tous genres, d'effets spéciaux hallucinants et de suspense habilement dosé. Avec Aliens, l'action et la SF forment un bloc indestructible comme on n'en verra jamais d'autre; c'est, d'une certaine manière, la quintessence de deux genres respectifs juxtaposés dans une même œuvre. L'auteur de l'imparable Terminator et — hélas — de l'indigeste Titanic peut donc être fier de lui.

Outre qu'il constitue un entertainment de premier choix, Aliens marque la rétine de par sa beauté formelle. La photographie très chromatique d'Adrian Biddle confère à la mise en scène une immanquable (et guère déplaisante) touche eighties, tandis que les décors, réalisés par Peter Lamont, permettent une représentation matérielle de cet environnement futuriste plus saisissante encore que dans le premier opus. Pour tout dire, les trucages du film n'ont pris une seule ride, excepté le design et le fonctionnement des ordinateurs aujourd'hui forcément dépassés. Comme à son habitude, James Cameron signe une réalisation énergique et sans fioritures particulières, au plus proche de l'efficacité: des mouvements de caméra sobres mais extrêmement bien agencés, un montage vigoureux et un découpage d'une grande fluidité. Rien à remettre en question de ce côté-là. Si certains personnages de marines quelque peu taillés à la machette pourront paraître caricaturaux, cela attribue — volontairement ou non — à l'ensemble une dimension de BD relativement jouissive, qui contraste avec le caractère plus réaliste du métrage de Ridley Scott. On savourera la présence du toujours très bon Michael Biehn, qui incarne ici le Caporal Hicks, militaire intègre et plutôt attachant, dont l'héroïsme en prendra un sacré coup lors de l'ultime face-à-face entre Ripley et la mère alien. Enfin, la bande-son d'Aliens, composée par James Horner, possède les mêmes qualités que le score précédent: tour à tour discrète, angoissante et envoûtante. Un petit bijou musical.

Aliens, l'une des meilleures suites jamais réalisées ? Oui, sans nul doute. James Cameron a fait dans le « better, faster, stronger » et nous a pondu un film d'action/SF terminal, spectaculaire au possible, plastiquement magnifique. Du cinéma bourrin, malin et captivant à la fois, qui fait du bien là par où il passe. Aussi culte qu'Alien premier du nom.

8.99187

Publié le 1 Janvier 2007

Planète Terreur

Planète Terreur

Film assez sympa, déjà un peu plus rythmé et divertissant que le segment de Tarantino. Ça pète de partout (y'a même un peu de gore), Rose McGowan a la classe... et après ? Bah, pas grand chose en fait. La pantalonnade tombe parfois à plat et seul ce côté bourrin bien rentre-dedans fait que l'entreprise mérite le détour.

8.47945

Publié le 1 Janvier 2007

Le Dernier des Mohicans

Le Dernier des Mohicans

État de New York, milieu du XVIIIe siècle. Tandis qu'Anglais et Français se livrent une guerre sans merci pour l'acquisition des terres indiennes, une histoire d'amour impossible naît entre un frontalier européen élevé par une tribu algonquienne et une britannique. Ils vont devoir faire face à un impitoyable chef iroquois désireux de venger la mort de sa famille dont le Colonel Monroe, père de la jeune femme, est responsable. Le brillant Michael Mann livrait avec The Last of the Mohicans un superbe film d'aventures, d'une force épique rare et d'une grande vraisemblance historique. Les quelques lenteurs du récit — adapté d'un roman de James Fenimore Cooper — n'entachent guère la beauté de la mise en scène, des décors et de la bande-son, qui n'a d'égal que les remarquables interprétations de Daniel Day-Lewis et Madeleine Stowe. Une grande œuvre.

8.9

Publié le 1 Janvier 2007

La Guerre des Etoiles

La Guerre des Etoiles

N'y allons pas par quatre chemins: La Guerre des Étoiles souffre indubitablement de son âge. Scénario puéril, effets spéciaux plus toujours très probants (des combats au laser qui paraissent aujourd'hui relativement minables), droïdes craignos, héroïsme mièvre, tout ça pour dire que cet univers de SF mis en scène par George Lucas fait nettement moins impression que jadis, sans compter le manque de rythme d'une intrigue qui peine à décoller réellement. Néanmoins, si l'on parvient à fermer les yeux sur ces faiblesses, le charme opère aisément et de beaux restes subsistent. L'obsolescence de certains trucages est contrebalancée par de somptueux décors futuristes, tandis que le casting bénéficie de quelques acteurs forts talentueux (Harrison Ford, Peter Cushing, Alec Guinness), incarnant leurs personnages avec dynamisme et conviction — seul Mark Hamill demeure un peu en retrait dans son rôle de jeune gentil combattant bien lisse. Les deux heures de spectacle se suivent sans trop d'ennui, une fois la poussive première demi-heure passée, et l'affrontement final sur l'Étoile Noire mérite un bon cigare. En définitive, ce classique du « space opera » ne vaut certainement pas tout le tintouin qu'on a provoqué à son égard, outre qu'il accuse le poids des ans, mais pourquoi bouder son plaisir devant quelque chose d'aussi bon enfant ? Pour la petite précision, il reste préférable de voir La Guerre des Étoiles dans sa version d'origine et non pas remasterisée, Lucas ayant eu la mauvaise idée d'intégrer de nouveaux effets, numériques cette fois-ci, dans le but de redonner un coup de jeune à l'ensemble. Bien vaine tentative, car le mélange carton-pâte à l'ancienne kitsch mais charmant et CGI sophistiqués ne convainc pas.

8.86047

Publié le 1 Janvier 2007

Mystic river

Mystic river

Après avoir incarné l'une des figures les plus emblématiques du western spaghetti sous la houlette de Sergio Leone, Clint Eastwood se lança avec talent dans la réalisation, délivrant de solides films de genre (Un Frisson dans la Nuit, L'Homme des hautes Plaines, Honkytonk Man) qui lui permirent une bonne consécration. Mais il faudra attendre les sorties de Pale Rider, Bird et Impitoyable pour qu'Eastwood soit enfin reconnu en tant que cinéaste émérite. Désormais, les succès s'enchaîneront, et les dernières œuvres du réalisateur (Million Dollar Baby, le diptyque Mémoires de nos Pères — Lettres d'Iwo Jima) répondent à l'appel pour confirmer que celui-ci n'a en aucun cas égaré sa couronne. Mis en bouteille en 2003, Mystic River relate une sombre affaire de meurtre bouleversant le morne quotidien d'une banlieue de Boston et faisant ressurgir les liens d'amitié entre trois hommes, autrefois altérés par une sinistre histoire d'enlèvement dont l'un d'eux fut victime. Vingt-quatrième réalisation d'Eastwood, ce remarquable polar au climat morose et glacial demeure sans nul doute l'opus le plus abouti du cinéaste dans un tel registre.

L'excellence de Mystic River repose sur une poignée de facteurs indissociables les uns des autres: un vigoureux scénario pondu par Brian Helgeland, adapté avec brio d'un roman de Dennis Lehane, des interprètes au sommet de leur art, ainsi qu'une mise en scène fluide et accrocheuse, exploitant à merveille le potentiel du format scope. Clint Eastwood prend pleinement le temps d'exposer le cadre et les personnages du sujet, chose qui pourra en rebuter certains, car le récit fait montre d'une lenteur aussi évidente que nécessaire. Derrière les échanges de prime abord insignifiants entre les protagonistes se tisse une puissante réflexion sur le deuil, la suspicion, le désir de vengeance et, par-dessus tout, la force inéluctable du destin. Si Sean Penn et Kevin Bacon ont tous deux trouvé un rôle parmi les plus marquants de leurs carrières respectives, Tim Robbins ne fait rien moins que crever l'écran dans la peau de cet homme meurtri par un traumatisme d'enfance vis-à-vis duquel le parcours de l'enquête porte à croire qu'il est le coupable de ce sordide assassinat. La caméra envoûtante d'Eastwood, la densité dramatique de l'intrigue et la psychologie particulièrement étoffée des personnages nous ouvrent ainsi les portes à un passionnant film policier, au service d'acteurs non moins exceptionnels, dont la bande-son aussi belle que discrète porte par ailleurs la marque de fabrique de son auteur.

Un petit chef-d'œuvre que ce Mystic River, vibrant « témoignage » de la maestria d'Eastwood pour un genre qui demeurera décidément son domaine de prédilection avec le western. On reste captivé de la première à la dernière scène devant un tel bijou de polar, noir, pessimiste et peut-être bien intemporel. Grandiose.

8.86957

Publié le 1 Janvier 2007

Wolf Creek

Wolf Creek

À l'heure où l'industrie du cinéma d'horreur actuelle a crée une nouvelle franchise en recyclant les survivals des années soixante-dix, Wolf Creek arrive comme abeille dans sa ruche. Le problème, c'est que l'on commence à en avoir marre, de ces productions qui finissent par toutes se ressembler et qui perdent de plus en plus d'intérêt, se faisant par conséquent de moins en moins surprenantes et efficaces. Le film de Greg McLean ne joue guère les marginaux et se contente d'imiter les autres, de faire ce que Détour Mortel, Massacre à la Tronçonneuse 2003, La Maison de Cire, La Colline a des Yeux 2006 et consorts ont fait, à savoir filmer des jeunes gens, un endroit paumé d'Amérique, des psychopathes caricaturaux qu'ils soient difformes, cannibales ou simplement sadiques… et de témoigner d'un désespérant manque d'originalité, d'enthousiasme et de renouvellement. Malgré une certaine réussite technique (format DV qui étonne en bien), ainsi qu'une première partie carrément plus réussie - les trois jeunes gens nous sont présentés avec conviction, certaines prises de vues sur des paysages naturels mettent en évidence une belle profondeur de champ -, le film laisse grandement sur sa faim dans son ensemble. Une fois nos amis plongés dans le cauchemar, Wolf Creek n'est ni plus ni moins qu'un survival d'une banalité pénible, se concentrant sur un lot quelconque d'effets d'angoisse, de suspense et de terreur usés jusqu'à l’os, complètement éculés, qui annihilent toute efficacité et le rendent assez ennuyeux, languissant, presque lassant. Seule la séquence où l'assassin poursuit sa victime sur l'autoroute est démentielle, un pur moment d'adrénaline qui voit malheureusement sa place bien vite reléguée quelque part ailleurs et aura laissé dominer les scènes prévisibles, les longueurs et autres lieux communs, jusqu'à une fin très insipide. Wolf Creek possède une mise en scène pas trop mal foutue, de beaux décors et une interprétation convaincante; reste à lui ôter sa linéarité carrément honteuse, son manque de punch et sa composante horrifique mille fois vue et revue, et là, peut-être, obtiendra-t-on un vrai bon film. Ras-le-bol de ce contingent de survivals remis au goût du jour qui se ressemblent tous et ne choquent plus du tout, passez à autre chose, les gens !

7.06667

Publié le 1 Janvier 2007

French Connection

French Connection

French Connection peut s'interpréter comme quelque quintessence du polar seventies « à l'américaine », dérogeant pourtant avec force au classicisme établi par l'école à laquelle il appartient malgré lui. Par son style extrêmement terre-à-terre, proche du documentaire, sa violence explicite et sa mise en scène chaotique, cette bande préfigurerait davantage le « poliziotteschi » — thriller italien de série B — à son apogée, l'idéologie douteuse en moins. William Friedkin, que l'on dénigre souvent pour l'inégalité de son travail ainsi que les ambiguïtés inhérentes à certains de ses métrages (La Chasse), est à même de se targuer d'avoir réalisé, avec ce film et L'Exorciste, deux des œuvres les plus intéressantes du cinéma de genre américain des années soixante-dix. Passionnant, couillu et novateur, French Connection se regarde non sans un plaisir parfaitement intact plus de trente-cinq ans après sa sortie. Rien que par ces faits, Friedkin se doit d'être considéré en tant qu'auteur majeur de son époque et mérite la reconnaissance de tout vrai cinéphile qui se respecte.

L'œuvre se présente sous la forme d'une difficile enquête visant à neutraliser des trafiquants de drogue d'origines française et italienne traitant en plein cœur de Brooklyn. Tout compétent qu'il soit, le tandem de la brigade des stupéfiants chargé de la tâche connaîtra bien des déboires dans l'exécution de celle-ci. Saluons en premier lieu la performance remarquable de Gene Hackman, plus crédible et attachant que jamais dans son rôle de flic au caractère d'ours mal léché, mais si sympathique dans le fond. Le personnage du sobre aussi bien que convaincant Roy Scheider lui sert de co-équipier et tous deux forment une association du tonnerre. Dans leur collimateur, des truands interprétés avec savoir-faire par Fernando Rey, Tony Lo Bianco et Marcel Bozzuffi. French Connection se divise en deux parties plus ou moins distinctes: la première illustre la phase « espionnage » de l'enquête, entrecoupée de plusieurs tentatives d'appréhension ratées; la seconde nous plonge dans le feu de l'action, réservant de passionnantes puis grandioses courses-poursuites filmées par un Friedkin rien moins que génial. Le clou de cette deuxième moitié plus mouvementée réside dans une séquence opposant Gene Hackman bravant tant bien que mal le trafic automobile avec une Pontiac conduite à deux-cents à l'heure et Marcel Bozzuffi qui a pris refuge dans le métro. Une scène d'action fort en avance sur son temps, qui inspirera par ailleurs certains jeux vidéo tels que Driver ou encore Grand Theft Auto. Au-delà de son caractère spectaculaire, French Connection dispose d'une réalisation nerveuse, mobile et terriblement efficace, dont le montage quelque peu hasardeux et les nombreux plans tournés caméra à l'épaule ne font qu'en renforcer le réalisme. Autre élément-clé jouant en faveur de l'œuvre: sa musique, signée Don Ellis, dans un style soul, voire jazzy. Une bande-son riche et captivante, au délicieux parfum seventies, que n'aurait probablement guère renié un metteur en scène de blaxploitation movie.

Vigoureux film policier, brut et stylisé à la fois, French Connection imposa William Friedkin comme un maître du genre, deux ans tout juste avant L'Exorciste et son effrayante histoire de possession qui adjoignaient par la même occasion l'épouvante aux « disciplines » du cinéaste. Une œuvre forte et marquante, qui n'a pas fini de surprendre, charmer et captiver ses admirateurs.

9.14286

Publié le 1 Janvier 2007

L'Empire Contre-Attaque

L'Empire Contre-Attaque

Épisode majeur d'une saga qui aura pour le moins fait parler d'elle, L'Empire contre-attaque mord littéralement la peau à son prédécesseur, l'aimable mais daté La Guerre des Étoiles, en nous gratifiant de deux heures d'un somptueux divertissement de SF, qui contient suffisamment de combats échevelés, d'humour bon enfant et de merveilles visuelles afin que l'on en ressorte conquis. Un fait d'autant plus étonnant que pour ce cinquième volet de Star Wars, George Lucas fut remplacé par un tâcheron derrière la caméra et s'est contenté de participer à la production. Malgré, entre autres, l'avènement du personnage de Yoda, l'intrigue élude les trop longues scènes d'exposition et nous amène vite au cœur de l'action en réitérant la recette de La Guerre des Étoiles à la puissance dix. Les nouvelles aventures de Skywalker, Han Solo et la Princesse Leia apparaissent nettement plus palpitantes qu'il y a trois ans et Irvin Kershner met à profit son sens de l'efficacité, laissant la créativité à ses pairs. Au final, L'Empire contre-attaque frappe fort par sa réalisation dynamique, ses décors sublimes, ses effets spéciaux savamment utilisés — les laserfights eux-mêmes ont bien meilleure allure que dans La Guerre des Étoiles —, ses interprètes en grande forme (Mark Hamill y compris) et l'incroyable ambiance de « fun » qu'il dégage du début à la fin. Une fois l'aspect quelque peu puéril de l'ensemble digéré, l'on passe un excellent moment devant ce blockbuster quatre étoiles, aussi spectaculaire que sacrément charmant.

9.18421

Publié le 1 Janvier 2007

The Longest Nite

The Longest Nite

On ne le répétera jamais assez: The Longest Nite sonne comme la quintessence, la synthèse, la clé de voûte du polar HK. Ni trop crade et nihiliste (The Big Heat, L'Enfer des Armes), ni trop clinquant et racoleur (Full Contact), ni trop lustré et exemplaire (Infernal Affairs), ni trop épique (A Better Tomorrow), ni trop atypique (The Mission, The Odd One Dies), ni trop réaliste (Breaking News, le diptyque Election), ni trop putassier et plagiaire (Lethal Panther), mais un peu de tout à la fois. Aussi peut-il paraître malaisé de concevoir qu'avec ça, le film se révèle d'une cohérence tranchante. Et force est de le reconnaître, ce petit diamant noir signé Patrick Yau fascine, séduit et subjugue jusque dans ses facilités mêmes. Un authentique coup de maître qui, une dizaine d'années après sa sortie, demeure inégalé en son genre.

The Longest Nite, c'est d'abord une plongée abyssale dans la jungle urbaine de Macau. La ville y est glauque, hostile, exiguë, suffocante. Sur ce décor imposant vient se greffer le face-à-face entre le personnage de flic campé par Tony Leung Chiu-Wai et celui de gangster qu'incarne Lau Ching-Wan, véritable fil conducteur de l'intrigue à l'instar du Heat de Michael Mann, un thriller-culte auquel ce métrage doit forcément beaucoup. Quand bien même la psychologie des protagonistes se cantonne ici à un stade sommaire, le duel qui oppose ce policier ripoux dépassé par les événements et ce mystérieux truand au crâne rasé ne manque ni de ressort, ni de subtilité. Mais la force de cet antagonisme réside avant tout dans le jeu exceptionnel du tandem d'acteurs susmentionné, pour lequel on éprouve autant d'antipathie que de fascination. Tony Leung se détache avec brio des performances héroïques ou romantiques exercées chez Woo et Wong Kar-Wai en livrant une saisissante composition de fonctionnaire corrompu. Ne supportant pas la chaleur des lieux, cet inspecteur de mèche avec la pègre du coin s'éponge constamment le visage tout en n'hésitant pas à user de barbarie pour faire avancer le schmilblick. En énigmatique crapule chauve, tatouée et affublée d'un sac de sport nonchalamment soutenu par son épaule, Lau Ching-Wan crève carrément l'écran. Ce rôle, à mille lieues du personnage de gentil flicard au col roulé découvert dans Expect the Unexpected, semble lui avoir été taillé sur mesure tant il fait preuve de charisme et de crédibilité dans son inteprétation.

Qui dit casting en or dit réalisation et scénario en or. Et c'est là que l'éternelle incertitude quant à la paternité du film se manifeste puisque des rumeurs courent comme quoi Johnnie To, crédité en tant que producteur, aurait à plus d'un titre mis la main à la pâte en ce qui concerne la mise en scène de l'entreprise. Alors, de qui entre Patrick Yau, réalisateur officiel de l'œuvre, et l'auteur de PTU découle véritablement la réussite plastique de The Longest Nite ? La question subsiste encore à ce jour. Reste l'esthétique en soi pour nous consoler: photo flamboyante qui fait ressortir toute l'atmosphère des lieux (buildings, autoroutes, ruelles sinistres, appartements crasseux, restaurants et night-clubs mal famés), effets de lumière aussi tape à l'œil que sublimes, mouvements de caméra exaltés, technique virtuose dans l'action (la séquence des miroirs, inspirée de La Dame de Shanghai du génial Orson Welles, le gunfight du commissariat), rien n'est laissé au hasard sur le plan formel. Annexée à ces explorations stylistiques, l'intrigue, établie sur une unité de temps, n'a en regard de son intensité dramatique guère à pâlir face aux traitements de certains modèles américains: l'affrontement des deux personnages principaux, le piège qui se referme peu à peu sur Sam (Tony Leung), les climax dans la voiture et à l'aéroport ainsi que la crudité des scènes de violence forment une combinaison d'ingrédients qui scotche le spectateur à son siège. Avec son budget modeste, sa stature de série B, The Longest Nite en remontre ainsi à bien des productions du genre dotées de moyens autrement plus importants. S'aventurer sur les plates-bandes des autres, c'est cool. Raymond Wong, le compositeur de la bande originale, en sait quelque chose. Entre un piratage osé de l'hymne electro de Midnight Express et une « contrefaçon » de la musique de Rocky, une délicieuse odeur de plagiat typiquement hongkongais se fait sentir. Ce qui, en fin de compte, ajoute au plaisir coupable suscité par l'OST de The Longest Nite, aussi douteuse que résolument variée et omniprésente – on passe de partitions imitées à de la disco-house vintage puis à des thèmes plus ambitieux qui mêlent guitare sèche et mélodies graves au synthétiseur. Voilà un bon témoignage du caractère « éclectique » de ce film, à même d'alterner complaisance, audace, usurpation pure et simple et réelles qualités intrinsèques.

Sombre, envoûtant, excitant, racé et crépusculaire, le polar de Patrick Yau (et/ou Johnnie To ?) se place définitivement sur le haut du podium, suivi de près par Full Alert et The Mission, si l'on évoque la crème du thriller HK des années 90. Au carrefour d'un cinéma d'exploitation louche – on s'approprie les idées des homologues, on filme une cruauté lorgnant vers la Category 3 – et d'un objet artistique au sens littéral du terme – narration en béton armé, duo d'acteurs superbement dirigé, composition visuelle remarquable –, The Longest Nite constitue une œuvre parfaite de bâtardise sur laquelle des cinéastes comme Tarantino feraient bien de prendre de la graine au lieu de s'auto-caricaturer de mal en pis. Un beau tour de force.

9.33333

Publié le 1 Janvier 2007

L'Armée des 12 Singes

L'Armée des 12 Singes

Incontournable du cinéma de SF des années quatre-vingt-dix, L'Armée des 12 Singes demeure également l'un des plus grands succès de Terry Gilliam, qui utilise ici de façon singulière le concept du voyage temporel, nous livrant une œuvre à l'ambiance glauque, poisseuse et inconfortable. Un travail visuel intéressant — angles de vues souvent disloqués, jeux de lumière particuliers —, des prestations convaincantes de Bruce Willis et Madeleine Stowe, une intrigue riche et bien développée, contre un rythme parfois poussif, qui rend l'ensemble attrayant à défaut d'être réellement passionnant. Un tantinet surestimé, ce film n'en reste pas moins une référence sûre de son genre et de sa génération, à découvrir au moins une fois dans toute existence de cinéphile.

8.92188

Publié le 1 Janvier 2007

Violent cop

Violent cop

Avec ce polar ultra-violent qui occasionnait ses débuts en tant que réalisateur, Kitano avait miraculeusement découvert une forme d'austérité qu'il ne retrouvera pas dans ses derniers films. Violent Cop est un vrai brut de décoffrage, un film glacial, pessimiste et antipathique, qui, à l'image du personnage de flic joué par Kitano himself, laisse exploser une violence sourde et robotisée constamment contenue en lui. Rien ici de l'émotion à la limite de la sensiblerie qui caractérisera ses œuvres les plus accessibles et appréciées, mais de la noirceur, de la brutalité, un environnement de flics et de voyous blindé, désenchanté, et un certain cynisme des plus savoureux.

Kitano affiche d'emblée son obsession pour l'errance et la solitude, qu'il concentre dans Azuma, ce policier dont la seule méthode est de brutaliser autrui pour faire avancer le schmilblik. Il rend envoûtante la morosité urbaine et dénature la mer de sa beauté, sous la fameuse Gnossienne No. 1 d'Eric Satie, transformée en une sinistre rengaine militaire. Scénario et dialogues minimalistes à l'appui, le cinéaste pratique l'épure totale, tout en optant ostensiblement pour une esthétique inhérente à la série B d'exploitation. Photographie crasseuse et opaque, éclairages insuffisants durant les séquences nocturnes, on aurait pu se croire dans un Hollywood Night si Kitano ne soignait guère ses plans comme un petit orfèvre, multipliant les angles de vues atypiques et étirant, par de judicieux choix de montage, les temps morts qui n'ont pas forcément lieu de figurer dans l'intrigue. Cette grammaire cinématographique qui ne ressemble à aucune autre sera immortalisée dans Jugatsu, l'œuvre suivante de Kitano et le point d'orgue de sa filmographie.

Film glacial, dépeignant un univers glacial et des personnages glacials, Violent Cop se veut l'antithèse d'un certain cinéma japonais mignon, poétique et serein que l'on connaît bien. Quelque part, Kitano était à cette époque le cousin de Tsukamoto, l'esbroufe démentielle en moins, bien évidemment. Un polar brutal, noir et déshumanisé, qui remet les yeux en face des trous.

8.5

Publié le 1 Janvier 2007

Violent Shit

Violent Shit

Premier long-métrage d'Andreas Schnaas, un maître du cinéma gore underground allemand se disputant la couronne du genre avec Olaf Ittenbach, Violent Shit illustre les sanglants exploits d'un serial killer aussi simplet que particulièrement violent, qui s'en va transformer en chair à saucisse toute personne qu'il croise sur sa route, et ce dans la joie et la bonne humeur. Que les amateurs de gore se rassurent: ce premier «délit» de Schnaas ose directement le tout pour le tout et n'a rien à envier aux futurs Zombie '90 ou Violent Shit 3 — Infantry of Doom en la matière. Démembrements, décapitations et éviscérations à la pelle, corps et visage sectionnés en deux à l'aide d'une petite scie électrique, découpage de vagin puis éventration de la même personne à l'aide d'un couteau, un beau petit quota d'atrocités au programme d'une bande dont l'intérêt, précisons-le, se résume strictement à cela. Car si, en terme de boucherie, Violent Shit fait pas mal d'étincelles (quand même la plupart des trucages réalisés par Schnaas himself demeurent extrêmement frustes et peu crédibles), tout le reste laisse complètement à désirer. Passe encore la qualité d'image et de son des plus exécrable, de même que la laideur repoussante de la mise en scène, sachant qu'il faut bien s'attendre à une telle médiocrité technique et artistique en s’intéressant à ce type d'œuvres. Mais là où le bât blesse surtout, c'est dans l'ennui profond que suscitent ces interminables et insupportables séquences de remplissage, Schnaas ayant voulu jouer au professionnel qu'il n'est guère en modulant la durée de son film afin qu'il atteigne les 1h10 et des poussières. Zombie '90 a le mérite de ne pas trop ennuyer, car il bascule constamment dans un « freestyle » barge et plutôt plaisant, quant à Violent Shit 3 — Infantry of Doom, l'ultime volet de cette trilogie gore orchestrée par Schnaas, il bénéficie d'un rythme soutenu et d'une intrigue relativement divertissante qui permettent de nous faire passer rien moins qu'un agréable moment. Ici, point de salut. Le camescope dégueulasse nous assomme de plans de campagne et de banlieue d'Allemagne de l'ouest d'une effroyable morosité, tout en filmant une poignée d'acteurs à gifler, qui récitent leur texte et miment diverses situations sans le moindre engouement, dans d'affreuses coupes de cheveux choucroutes et vêtements ringards typiques de la fin des années quatre-vingt. Dur visionnage.

Violent Shit est une petite perle de gore extrême. Mais bon sang qu'il faut s'armer de courage pour ne pas appuyer sur la touche d'accélération de sa télécommande lorsque les carnages laissent place à tout ce néant ! D'une telle expérience, Andreas Schnaas aurait pu en tirer une sympathique oeuvrette d'une trentaine de minutes, mais sa volonté d'en faire un long-métrage nuit grandement au potentiel du film. Résultat: un ensemble peu probant de scènes de boucherie entrecoupées d'épouvantables longueurs. Nous mettrons cela sur le compte d'une erreur de jeunesse.

4.8

Publié le 1 Janvier 2007

Edward aux mains d'argent

Edward aux mains d'argent

Plus qu'un merveilleux conte familial, Edward aux Mains d'Argent est un authentique chef d'œuvre de poésie et d'émotion, étayé par la magnifique performance de Johnny Depp, auquel ce personnage de gentil freak va comme un gant. Burton a sans nul doute réalisé le point d'orgue de sa carrière avec ce film pétri d'humanisme et de fantaisie, dont la plastique chatoyante lui valut deux nominations aux oscars, l'une pour les effets visuels de Stan Winston, l'autre pour les costumes crées par Colleen Atwood. Un classique inoubliable.

9.51724

Publié le 1 Janvier 2007

Troll 2

Troll 2

Ce Troll 2 est un bel exemple de potentiel gâché. Spécialiste du « bis » italien on ne peut plus fauché des années quatre-vingt, Claudio Fragasso devait visiblement bénéficier d'un bon petit budget de série B pour la réalisation de ce film. Résultat: des costumes un brin cheap mais néanmoins sympathiques et des décors d'assez bonne facture. Hélas, la médiocrité terrassante du jeu d'acteurs — les membres de la gentille famille ont des têtes à claques plus confirmées que celles des trolls — et du scénario — des invraisemblances à la pelle, tant et si bien que l'on se demande si le tout n'a pas été écrit par un chérubin de trois ans et demi — font basculer cette bande dans le gros nanar lassant, la mise en scène extrêmement plate et redondante de Fragasso ne remédiant en rien à cela. La musique fun et parfois angoissante de Carlo Maria Cordio (Horrible, L'Attaque des Morts-Vivants), dans un style synthé 80s, se rallie du côté des rares bons points de ce piteux Z-movie, mal joué, mal filmé et globalement pénible, qui témoigne du grand déclin du « bis » à l'italienne en cette fin des années 80 et ce début des années 90.

4.3125

Publié le 1 Janvier 2007

Les Diaboliques

Les Diaboliques

Deux ans après un puissant Le Salaire de la Peur, Henri-Georges Clouzot s'attaquait au thriller psychologique en réalisant Les Diaboliques, une œuvre noire et vénéneuse, au climat morbide et à l'interprétation magistrale, qui demeure probablement son film somme. Il semble tout d'abord nécessaire de rendre à César ce qui est à César en précisant que Les Diaboliques se veut l'adaptation d'un roman plutôt méconnu né de la plume d'un duo d'écrivains formé par Pierre Boileau et Thomas Narcejac. L'histoire décrit le sinistre stratagème d'une épouse et d'une maîtresse ne supportant plus la goujaterie d'un même homme; elles s'associent afin de l'assassiner après avoir longuement mijoté leur morbide dessein. Clouzot s'applique à transcender ce concept scénaristique - à l'époque relativement original pour le cinéma - par son art du suspense, inscrivant comme à l'accoutumée ce dernier dans un cadre environnemental réaliste.

Distillant le malaise et l'inquiétude, Les Diaboliques dépasse le stade du thriller hitchcockien auquel il pouvait visiblement s'apparenter au départ; il confine à l'épouvante de par le minimalisme austère de son intrigue et surtout l'effrayante paranoïa imprégnant le personnage de Véra Clouzot, qui livre ici une prestation d'épouse fragile et dépressive remarquable de jusqu'au-boutisme. Déterminée et peu scrupuleuse, le rôle de maîtresse joué par Simone Sigoret impose un réel contraste caractériel face à celui de Véra Clouzot, ce qui donnera forcément lieu à des mésententes, de plus en plus considérables au fil du récit. Les Diaboliques joue par ailleurs sur l'économie d'effets afin de focaliser son traitement sur le viscéral. De toute manière, le script ne prêtait pas à l'apparition de loups-garous ou autres monstres fantastiques tout droit issus d'une production de la Hammer !

La réalisation d'Henri-Georges Clouzot force le respect par sa rigueur et son exactitude. À mi-chemin entre l'académisme glacial du cinéma français et la sophistication visuelle des films de genre américains, l'esthétique sert à merveille cette intrigue aux petits oignons, qui, avec son canevas que l'on penserait inhérent à un simple thriller, va pourtant se révéler assurément surprenante lors d'un phénoménal renversement de situation en guise de dénouement. Un genre de procédé fictionnel qui fera des générations plus tard en grande partie la gloire d'œuvres telles que Fight Club, Le Sixième Sens ou encore Haute Tension, quoiqu'ici, le scénario conserve des proportions vraisemblables d'un point de vue de narration externe. Les Diaboliques ne tiendrait par conséquent guère aussi bien la route s'il ne bénéficiait pas de cette admirable solidité dans le travail d'écriture, le fait de reproduire à l'écran le synopsis du roman de Boilau et Narcejac étant bien évidemment loin de suffire.

Les Diaboliques ne semble en rien avoir perdu de son prodigieux impact avec le temps. Suspense psychologique majeur, instigateur, par son final des plus astucieux, de nombreux films à sensations qui pullulent aujourd'hui dans le septième art depuis un certain temps, magistralement mis en scène, scénarisé et interprété, ce classique indémodable n'est guère prêt à égarer sa place au panthéon du cinéma de genre hexagonal. Un monument.

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Publié le 1 Janvier 2007

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Devinez le film par sa tagline :

The fictionalized story of the murders.

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