Voir la fiche complète du film : Vertige (Abel Ferry - 2009)

Vertige - Critique

Un film de genre français intègre, sérieux mais terriblement inégal. Une première partie visuellement très réussie mais une seconde d’assez piètre qualité. Si Abel Ferry fait montre d’une réelle volonté de bien faire, pourquoi n’a-t-il pas fait preuve de plus d’ambition ?
Publié le 1 Janvier 2008 par Ghislain Benhessa
Voir la fiche de Vertige
6

En France, depuis quelques années, le cinéma de genre, et tout particulièrement le domaine du film d’horreur, est en plein renouveau. Parfois pour le meilleur (A l’intérieur), et souvent pour le pire (Frontières). Cette année débarque donc dans les salles obscures Vertige, du jeune réalisateur Abel Ferry. Présenté comme une sorte de variation autour du film d’horreur classique (un tueur inconnu traque une bande de jeunes afin de les massacrer les uns après les autres), Vertige est un film curieux, pas inintéressant, construit autour de deux parties bien distinctes et malheureusement très inégales. Si certains défauts sautent aux yeux, il est clair que le sérieux affiché par le réalisateur tend à amoindrir les nombreux « points noirs » du récit.

Durant la première heure, Vertige ressemble à une sorte de Cliffhanger français, centré sur les montagnes de Croatie. Cinq amis décident de se rendre en Europe du sud afin de pratiquer la via-ferrata (sorte de croisement entre la randonnée pédestre et l’escalade) ; en effet, dans ce magnifique pays se trouve l’une des « via » les plus impressionnantes du monde. Naturellement, bien que la passe soit fermée (un écriteau indique qu’elle est impraticable), nos cinq insouciants décident de tenter le coup. S’ensuit l’inévitable : certaines « prises » prévues sur les rochers lâchent puis un pont suspendu entre deux montagnes cède sous le poids de l’un des personnages.

Abel Ferry, durant cette première partie, fait montre d’une vraie dextérité dans sa manière de filmer à la fois les paysages montagneux et les « défis » auxquels les cinq jeunes sont confrontés. Avec les moyens du bord – on sent bien que le réalisateur ni dispose pas du budget de Cliffhanger, avec Sylvester Stallone, réalisé il y a plus d’une dizaine d’années et resté célèbre pour ses scènes d’alpinisme dans les Rocheuses – Abel Ferry parvient à filmer des séquences de haute voltige de grande qualité. Si les acteurs devaient avoir le vertige en tournant ce type de scène, les spectateurs eux-mêmes ne sont pas épargnés et se trouvent littéralement propulsés en plein coeur des montagnes croates. C’est bien sur ce point que réside l’un des atouts majeurs du film : la qualité de cette première heure, qui permet à Ferry de déployer toute sa maîtrise lorsqu’il s’agit de filmer la montagne et ses dangers, est incontestable. Bien que le volet psychologique de chaque personnage soit extrêmement sommaire – ce qui rend par là même impossible tout principe d’identification – Abel Ferry transcende la pauvreté du récit par son goût pour la montagne et pour les séquences purement visuelles.

Cependant, et c’est bien là que le long-métrage du jeune cinéaste français pêche considérablement, la seconde partie du film n’est absolument pas à la hauteur. A partir du moment où nos cinq compères se rendent compte qu’ils sont en réalité traqués par une sorte de monstrueux braconnier, la suite se déroule de façon convenue et répétitive. Le film dérive vers le slasher pur et dur : il s’agit d’échapper au tueur par tous les moyens possibles. Les séquences « montagnes » sont alors terminées et le film se déploie de manière stéréotypée, sans aucune surprise. Ferry ne parvient dès lors plus à nous étonner et s’enfonce vers un cinéma d’horreur certes efficace mais lesté de très nombreux clichés.

De plus, le jeune cinéaste français ne parvient jamais à trouver un angle d’attaque pertinent pour filmer l’affrontement entre les cinq héros et le monstre : la caméra virevolte dans tous les sens, les plans deviennent extrêmement confus ; bref, les scènes prétendument horrifiques sont formellement assez incohérentes.

Enfin, l’un des gros défauts du film réside dans son boogeyman : comment Abel Ferry a-t-il pu concevoir un montre aussi peu charismatique et radical ? Car, loin des sommets du genre, aux antipodes des monstres classiques du cinéma d’horreur, le monstre de Vertige est une sorte d’« ermite braconnier », très peu terrifiant, quasiment ridicule. Là où le spectateur pouvait s’attendre à trouver un colosse herculéen, surdimensionné, Ferry nous offre le spectacle affligeant d’une espèce de « marginal forestier », sorte de croisement loufoque entre le Gollum du Seigneur des anneaux et La petite maison dans la prairie.

Il n’en reste pas moins vrai que Ferry traite toujours son sujet avec sérieux. Probablement intègre, le jeune réalisateur tente d’utiliser les conventions du genre pour réaliser un film d’horreur qui, en raison du cadre dans lequel il s'inscrit (la montagne), tranche considérablement avec les atmosphères de huis clos souvent propres aux films d’angoisse. Mais les quelques originalités apportées au genre (principalement situées dans la première partie), si elles se révèlent sympathiques, ne suffisent pas à construire un bon film. Vertige est une oeuvre sympathique mais mineure ; si l’on désire mieux connaître le cinéma d’horreur français actuel, mieux vaut s’attarder sur Ils, de David Moreau et Xavier Palud. Un premier film qui, pour le coup, faisait montre d’une constance qui manque cruellement à Vertige.

Portrait de Ghislain Benhessa

A propos de l'auteur : Ghislain Benhessa

J'adore le cinéma depuis très longtemps. Ma motivation a toujours été de voir quelles sont les questions que les films me posent, en quoi toute image, de par son utilisation, peut se révéler source d'évocations à destination du spectateur. Le cinéma d'horreur parvient précisément à utiliser ses codes pour suggérer des émotions et des idées.

Autres critiques

The Devil Inside

The Devil Inside

Isabella est hantée par le massacre que sa mère a commis voilà vingt ans. Elle décide d'effectuer un reportage sur les exorcismes pour démêler les fantasmes de la réalité et surtout savoir si sa mère est folle à lier ou possédée par une entité démoniaque. Après s'être essayé aux joies des conséquences d'un jeu vidéo basé sur la vie de la comtesse Bathory (!), William Brent Bell signe...
Grizzly Park

Grizzly Park

Le premier contact avec Grizzly Park n'est pas désagréable. Le visuel de couverture est classique mais sympathique et la jaquette clame fièrement "Grizzly Park s'impose comme la référence des films de Grizzly". Un slogan sans âme et qui ne convaincra personne mais puisqu'il est là, quelqu'un a bien dû l'écrire. Alors maintenant il y a deux possibilités: soit cette...
Berserk - L'âge d’or Partie 1 : L'Oeuf du Roi Conquérant

Berserk - L'âge d’or Partie 1 : L'Oeuf du Roi Conquérant

Au sein de la galaxie des mangas et de la Fantasy en général, Berserk tient une place de choix. Fouillée, imaginative, dure et sans concession, l'histoire de Guts, imaginée par Kentaro Miura , est unanimement reconnue comme un authentique chef-d'oeuvre. C'est dire si une adaptation pouvait s'avérer délicate. Le film conçu par Studio 4°C se base sur le même segment du manga que...
Dance in the Vampire Bund

Dance in the Vampire Bund

On le sait, les vampires ont largement été représentés dans la culture populaire. Le septième art ne fait pas exception à la règle et, tout comme les zombies et autres mythes en vogue, a usé le filon jusqu'à la corde. Difficile d'innover sur un sujet aussi récurrent et encore plus de ne pas sombrer dans les clichés maladroits après le passage de la bit-lit et ses rocambolesques romances à l'eau...
La Fille de Dracula

La Fille de Dracula

Au chevet de sa mère, Luisa Karlstein (Britt Nichols) apprend qu'une malédiction plane depuis plusieurs générations sur leur famille. La crypte des Karlstein renfermerait le cercueil d'un vampire, Dracula. Dans sa longue filmographie (plus de 200 longs-métrages à son actif), le cinéaste ibérique Jesus Franco s'est souvent intéressé au mythe vampirique. Il s'y attache donc encore...
Vertige
Réalisateur:
Sortie France:
Durée:
90 min.
7.41667
Moyenne : 7.4 (24 votes)

Devinez le film par sa tagline :

Don't get them wet!
Score actuel : 0
1 pt par bonne réponse, sinon -1 !