Urban Legend
Le milieu des années 1990 a marqué le renouveau du slasher avec le désormais culte Scream. Par la suite, le genre a accueilli Souviens-toi l’été dernier, autre métrage des plus appréciables dans le domaine. Alors que ces deux sagas amorcent d’ores et déjà leur suite, Urban Legend vient compléter ce trio de tête représentatif de l’enthousiasme général pour cette frange du cinéma d’horreur. On connaît le slasher pour des codes très ciblés, voire restrictifs. Ces mêmes fondamentaux l’ont auréolé de gloire dans les années 1980 avant de provoquer son déclin progressif. Aussi, le film de Jamie Blanks se contente d’user de ficelles éculées sans jamais s’en dépêtrer.
De saines lectures...
Ce n’est sûrement pas la volonté des producteurs ou du réalisateur, et ce, en dépit d’une approche initiale sympathique. Le fait que le tueur choisit sciemment des légendes urbaines pour commettre ses crimes apporte un excellent potentiel pour la mise en scène, l’orchestration des assassinats et la variété des séquences. Le sujet est suffisamment bien fourni en histoires glauques pour surprendre le spectateur et multiplier les atours menaçants. Ceux-ci peuvent alors provenir du cadre, des protagonistes ou d’une situation particulière susceptible d’être fomentée par le coupable.
En cela, il est vrai que la succession des morts jouit d’une certaine diversité. L’entame détourne sciemment le danger via un habile renversement de perspectives. Dommage que la finalité débouche sur une incohérence grossière. On ne tue pas une victime qui conduit au risque de mourir ou de passer à travers le pare-brise. Et c’est bien cela qui dérange dans Urban Legend : disposer d’idées sympathiques que l’on sabote par un moyen ou un autre. Outre ces invraisemblances qui ont la fâcheuse tendance à se multiplier, on déplore également d’autres écueils tels que les réactions des intervenants et une progression chaotique.
Lettres d'outre-tombe ?
Pour les personnages, on a droit à une brochette d’individus grossièrement dépeints selon le catalogue de caricatures propres au slasher. Entre le comique obsédé et l’aspirant journaliste bien sous tous rapports, aucun effort n’a été consenti. De même, les phases d’investigation n’ont pas de véritables fonds et surviennent uniquement pour brouiller le jeu de pistes laissé par le passé énigmatique du campus et du présumé coupable. Certaines disparitions ou morts suspectes n’interpellent (presque) personne, tandis que les tenants scénaristiques tendent à s’égarer aux quatre vents. Et cela vaut aussi pour l’exploitation des légendes urbaines.
Il s’agit d’un des grands défauts que les décennies ont davantage mis en avant. Bien qu’il existe de nombreuses variantes, certaines histoires font des amalgames assez navrants. Preuve en est avec l’invocation de Bloody Mary face à une bicoque abandonnée. Quid du miroir et de la personne seule dans l’obscurité totale ? En réalité, la séquence en question s’est lancée dans un mélange maladroit avec la légende de Baba Yaga. Et cela se retrouve de manière plus ou moins flagrante dans chaque récit évoqué. Même le modus operandi prend des libertés et ne s’encombre guère d’éventuelles cohérences entre la victime et la légende qui signe son trépas.
Sortez couvert !
Au final, Urban Legend relève davantage du plaisir nostalgique (et coupable) plutôt qu’à une véritable référence du slasher. Le potentiel demeure présent. Les codes du genre sont respectés à la lettre. Pourtant, il faut bien reconnaître que le film a vieilli et que les années ont accentué ses défauts. Maladresses et incohérences que l’on doit, pour l’essentiel, à une mauvaise approche des légendes urbaines. Par ailleurs, on notera que la violence est édulcorée avec de nombreux hors-champs et le minimum syndical lors des exécutions. Des meurtres qui finissent par devenir routiniers pour susciter une sombre indifférence. Avec le recul, un slasher moyen et paresseux dans ses intentions.
Un film de Jamie Blanks
Avec : Jared Leto, Alicia Witt, Rebecca Gayheart, Robert Englund