Time out
Adulé pour Bienvenue à Gattaca (son premier long-métrage), Andrew Niccol est un réalisateur peu prolifique (seulement quatre films en quatorze ans de carrière), mais dont la filmographie est d'une qualité certaine, pour ne pas dire rare. Après un magistral Lord of war en 2005, sans doute le meilleur rôle de Nicolas Cage soit dit en passant, le réalisateur revient à la science-fiction avec Time Out. Là où l'on se retrouve dans un futur peu engageant, voire une dystopie, le voyage dans le temps n'est pas forcément celui que l'on croit.
Le temps, c'est de l'argent.
L'idée de départ s'agence de cette manière : l'humanité a été génétiquement modifiée. On a incorporé dans chaque individu une horloge qui s'enclenche à partir de 25 ans. Il faut donc la recharger (à la manière d'un compte bancaire) pour éviter de passer de vie à trépas. La plupart (sur)vivent au jour le jour tandis qu'une élite se complaît dans l'abondance et l'insouciance d'une société pseudo-darwinienne. Dernier détail : les corps ne vieillissent pas. Il n'y a plus de maladie et, hormis le risque d'un accident ou d'un décès violent, tout le monde est théoriquement immortel. Si vous avez le temps nécessaire, bien entendu...
Et c'est là tout l'intérêt du film : son concept novateur. Le fait de remplacer la monnaie sonnante et trébuchante par une nouvelle forme de transactions permet de construire les bases d'un univers délétère ou, pourquoi pas, une extrapolation de notre société de consommation. L'allégorie du capitalisme est évidente. On a beau changer la monnaie d'un pays ou d'un système, le résultat reste le même : le déséquilibre des classes sociales, l'augmentation du coût de la vie, de la pauvreté. La simple différence réside dans l'inéluctabilité (et le côté abrupt) de la mort lorsque le compteur arrive à zéro.
La sortie VIP, c'est par là.
L'idée ne manque pas de panache et promet une odyssée du même niveau que Gattaca, à tout le moins dans une veine similaire. Pourtant, cet excellent départ se heurte à plusieurs problèmes. Le scénario se révèle finalement très linéaire pour un film censé exploiter les méandres du temps. Comprenez qu'il ne recèle aucune véritable surprise. Un contestataire qui, à la suite d'un drame familial, se révolte contre le système. Là, il rencontre une jeune et riche demoiselle passablement rebelle qui deviendra son otage avant d'être sa complice. Ensemble, ils vont affronter les autorités pour faire s'effondrer la société.
À mi-chemin entre Robin des bois et Bonnie & Clyde, Time out peine à maintenir une réelle tension. L'on sent que les mésaventures de notre duo ne souffriront d'aucune déconvenue (hormis le déclencheur au départ, également attendu). L'exploitation de l'horloge n'est pas optimisée et se fait en dent de scie. Les minutes succèdent aux siècles, les siècles aux secondes et ainsi de suite sans créer un véritable sentiment d'urgence pour contrecarrer l'inexorable course contre la montre. Il aurait été plus judicieux de nous offrir une constante régulière où le compte à rebours s'égrène jusqu'à l'instant fatidique (pourquoi pas en temps réel) plutôt que de sauter à l'élastique sur toute la durée.
Toujours aussi austère ces banquiers, et ce, malgré leur apparence de jeune homme.
Il en découle de grands moments, mais aussi des passages nettement plus anecdotiques. Ce n'est pas là, le seul écueil. Le cadre est d'une pauvreté alarmante tant dans la conception que dans le design général. Le ghetto s'apparente à une petite banlieue contemporaine sans imagination, tandis que le secteur le plus aisé montre des rues propres cernées par les gratte-ciel et des résidences au luxe indécent. Certes, le contraste est évident, mais l'on a un sentiment de déjà vu ailleurs. Qui plus est, le côté aseptisé et froid des bâtiments ne sert nullement le propos. On a souvent l'impression d'évoluer dans des décors factices. Bref, l'ambiance générale ne laisse pas un souvenir impérissable.
Avec 40 millions de dollars au budget, on était en droit d'attendre bien mieux. Cette remarque prévaut aussi pour les effets spéciaux qui se contentent du minimum syndical. On retiendra la piètre envolée de la voiture en milieu de parcours qui ne fait pas illusion. À cela, les figurants manquent de conviction. Pour les riches, pas de gros boulot à aligner. En revanche, les habitants du ghetto auraient gagné à se montrer davantage stressés et dans l'urgence. Là, on est en présence d'individus apathiques et résiliés, comme si personne ne pouvait (voulait) contrecarrer le système.
Cours Olivia, cours !
Justin Timberlake est sans doute meilleur acteur que chanteur (une remarque purement subjective) et se retrouve dans un rôle plutôt intéressant. Il parvient à jongler avec les séquences d'action et dramatiques comme il se doit pour donner la réplique à Olivia Wilde, non dénuée d'un certain charme, mais qui dispose d'une palette d'expressions assez limitée. Reste un Cillian Murphy également charismatique, mais dont le personnage ne souffre d'aucune remise en question. Dans l'ensemble, les interprétations s'avèrent correctes et dans le ton, mais un peu trop classiques au niveau de la caractérisation.
Au final, l'intérêt de Time out se fait à rebours tandis que l'histoire avance. Scénario qui, au demeurant, se révèle assez prévisible dans son ensemble et ne développe pas assez son concept de départ. Cette idée singulière ne remplit qu'en partie ses promesses. Le résultat est un film de science-fiction nerveux, qui ne manque pas d'atouts, mais dispose mal ses pièces maîtresses. Légèrement frustrant dans le sens où l'on escomptait bien mieux de la part d'Andrew Niccol. Pas un ratage, pas forcément une déception, mais clairement en deçà de nos attentes. Efficace, mais convenu.
Un film de Andrew Niccol
Avec : Olivia Wilde, Justin Timberlake, Cillian Murphy, Johnny Galecki