Thriller
Devenue muette à la suite d'une agression, la jeune Frigga vit paisiblement à la campagne avec ses parents. Ratant son bus pour se rendre en ville, elle rencontre Tony, un bellâtre qui la kidnappe et la drogue, dans le but d'en faire une prostituée.
A l'occasion de sa récente sortie française en DVD, retour sur un film qui a fait couler beaucoup d'encre à sa sortie.
En 1973, le cinéma d'exploitation est en pleine expansion. La Suède, qui produit bon nombre de films érotiques depuis le début de la décennie, a fait de la jeune Christina Lindberg sa principale idole. Le producteur et réalisateur Bo Arne Vibenius la choisit donc pour en faire la tête d'affiche d'un rape and revenge, sous-genre en vogue depuis quelques années.
A l'instar de la Femme Scorpion (1972), l'héroïne de ce drame est une femme muette et innocente, victime de sa naïveté envers la gent masculine, et de son envoûtante beauté. Le parcours de la belle semble suivre celui de la fameuse Justine de Sade, Vibenius ayant visiblement avec le divin marquis un goût commun pour la torture psychologique et physique, même s'il ancre bien son oeuvre dans son époque.
Outre la libération des moeurs (ébats lesbiens, banalisation de la drogue), le cinéaste évoque également le féminisme avec la progression de l'héroïne tout au long du film, même si cette idéologie est descendue en flèche par l'insert de plans pornographiques dévoilant les véritables ambitions de Vibenius. La réputation sulfureuse du métrage est sans doute aujourd'hui davantage causée par ces séquences hard que par la violence des scènes phare de Thriller.
Ainsi, même si l'énucléation reste relativement efficace, le début de la vengeance de Frigga prête à sourire, avec ces ralentis qui finissent par lasser (notamment la scène avec les deux policiers), tandis que les effets gore sonnent faux, tout comme l'ambiance musicale utilisée durant certaines séquences (l'armement de Frigga). D'autres points noirs surgissent également tout au long de l'intrigue. On se demande en effet pourquoi Tony laisse de l'argent à ses "filles" et leur offre deux jours de liberté chaque semaine, permettant ainsi à Frigga de s'entrainer. La séquence où la jeune femme fuit dans un véhicule de la police ressemble presque à la scène finale d'un épisode de Benny Hill, avec une incroyable succession de carambolages et d'explosions inexplicables.
Heureusement, l'épilogue tient toutes ses promesses, dans une ambiance digne d'un western, prouvant que Vibenius a des qualités, qu'il noie dans une surenchère érotico-sanglante souvent inutile. On comprend néanmoins les raisons du succès de Thriller auprès d'un public amateur de séries B troubles (on retrouve par exemple dans Kill Bill quelques références à Crime à Froid), le côté dérangeant du film demeurant encore par bribes, plus de quarante ans après sa sortie.
La principale attraction du film reste le charisme de Christina Lindberg, sorte d'animal sauvage plongé dans une forme de léthargie cathartique, dont elle sortira profondément changée. Ainsi, Lindberg deviendra logiquement l'une des figures tutélaires du cinéma d'exploitation, cher aux seventies, aux côtés des Meiko Kaji, Brigitte Lahaie et autres Pam Grier.
Edité récemment en DVD aux éditions Bach Films dans sa version intégrale (incluant les scènes X et quelques bonus, dont trois cartes postales collector de belle facture), Thriller peut être enfin réévalué correctement.
Baignant dans une atmosphère encore assez oppressante, ce film, à réserver donc à un public majeur, souffre néanmoins d'une réalisation parfois maladroite (à l'image de son scénario), qui plombe quelque peu l'impact artistique de ce long-métrage. Toutefois, Thriller mérite d'être découvert pour tout amateur de Bis qui se respecte, et ne devrait laisser personne indifférent...en mal ou en bien !
Un film de Bo Arne Vibenius
Avec : Christina Lindberg, Heinz Hopf, Despina Tomazani, Soveig Andersson