The Boat
Plus que tout autre cadre, la mer constitue le dernier bastion pour les aventuriers, les explorateurs et les amoureux de la nature. Territoire d’évasion et de solitude, elle est encore l’objet de nombreux mystères. Disparitions inopportunes de navires, phénomènes météorologiques étranges, créatures des profondeurs… Au fil des siècles, divers témoignages se sont montrés déroutants, notamment en ce qui concerne les navires-fantômes. Le cinéma de genre est particulièrement friand d’une telle thématique pour exploiter son caractère paranormal. En l’occurrence, The Boat se propose de revisiter le sujet, mais pas forcément de la manière à laquelle on y songe de prime abord.
À l’instar de ce qui s’ensuit, l’entame se veut d’une grande circonspection. Ici, l’économie de moyens cède la place à une épure drastique en matière d’échanges et de dialogues. Et pour cause ! Le film met en scène un unique acteur. L’on devine alors un budget limité, mais surtout une approche assez risquée. Joe Azzopardi doit porter l’histoire du début à la fin sans aucun soutien, du moins humain. En règle générale, une telle approche convainc immédiatement ou fait s’enchaîner les frasques inutiles pour plonger le spectateur dans un marasme inextricable. Avec The Boat, le résultat est un peu plus nuancé.
L’intrigue avance tout d’abord son propos comme un film de survie. L’environnement maritime met l’accent sur l’isolement, pas forcément sur l’hostilité ; exception faite d’une tempête et de quelques péripéties au large. L’idée initiale est de fournir une base rationnelle, pour ne pas dire matérialiste, afin de justifier la teneur des évènements. Le protagoniste joue en effet de malchance et multiplie les bévues. Un mât qui manque de le faire passer par-dessus bord, une porte qui se coince, un moteur capricieux… Que l’on soit confronté à un malheureux concours de circonstances ou à des maladresses propres au principal intéressé, chaque fait peut s’expliquer par une approche logique.
Dans ces conditions, il est difficile de ne pas songer à All Is Lost qui présentait un propos similaire avec, en tête d’affiche, Robert Redford. Au film d’aventure survivaliste succède le thriller maritime. De manière ponctuelle, on suggère une présence intrusive à bord du voilier. On ne songe pas forcément à un fantôme ou une entité paranormale, mais plutôt à un étranger ou un propriétaire dérangé. Les bruits suspects et la multiplication des phénomènes tendent à confirmer cette impression d’être observé, puis traqué. Preuve en est avec la barque solidement arrimée qui se détache en début de métrage, ces traces dans la salle de bains ou cette cachette qui contient des vivres et un poignard.
Et l’aspect fantastique ? Il survient en de plus rares occasions et, sur ce point, The Boat aurait gagné à flouer davantage la frontière entre la réalité et le surnaturel. Contrairement à la scène d’introduction, le film n’essaye pas d’enfumer le public, mais plutôt de présenter une interprétation toute subjective. En fonction de ses aspirations, on pourrait étayer de nombreuses hypothèses sur le récit. Se passe-t-il réellement des phénomènes inexplicables ? Le protagoniste n’est-il pas victime d’hallucinations, découlant de sa propre folie ? De même, la hantise présumée tient à user des différentes zones et pièces du navire pour mieux se manifester. Pas une simple porte qui claque, mais plutôt une conscience qui n’est pas sans rappeler le comportement de la Plymouth Fury de Christine.
Au final, The Boat s’avance comme une petite surprise. À la croisée du thriller maritime, du film d’aventures et du fantastique, le métrage de Winston Azzopardi développe une ambiance auréolée de mystères qui trouveront une résolution uniquement dans l’interprétation du spectateur. Malgré quelques errances narratives et un fond paranormal pas suffisamment appuyé, il n’en demeure pas moins une production indépendante relativement efficace. Globalement, l’ensemble se tient et la progression se révèle patiente pour dépeindre la suite des évènements. Il en ressort une variation du mythe du navire-fantôme pour le moins singulière.