Out of the Dark
Santa Clara, Colombie, 1992. Une maison isolée la nuit, un homme seul et l’orage qui gronde à l’extérieur. La sonnerie du téléphone retentie et après un brèf échange, l’homme déclare à son interlocuteur que ce qu’il lui demande sera la dernière chose qu’il fera, puis raccroche. Il se saisit alors de dossiers et entame de les brûler. Surpris par des coups donnés à la porte d’entrée, il se débarrasse des dossiers dans une trappe murale. Il ne trouve personne devant la maison, alors que des ombres inquiétantes dansent dans les ténèbres. Tentant de faire face à la menace qui l’assaille, il est finalement projeté d’un balcon et finit empalé sur des pieux en bois.
Après cette entrée en matière aussi brutale que mystérieuse, l’action est transposée vingt ans plus tard: un couple et leur petite fille arrivent de Londres à Santa Clara où ils sont accueillis par le père de la femme, venue reprendre la direction de l’usine familiale de papier. La petite famille fraichement débarquée s’installe dans la maison de la scène d’introduction et les ennuis ne tardent pas à commencer. Dans le même temps, la localité de Santa Clara célèbre une commémoration à la mémoire d’enfants indigènes jadis massacrés par les conquistadores qui les brûlèrent vif après les avoir enfermés dans une église. A cette occasion, les enfants de la ville se déguisent de façon à ressembler aux victimes de cette tragédie, s’enveloppant la tête avec des bandages.
Un jour, alors que la famille fait le marché, la petite fille se fait arracher sa peluche des mains par une autre enfant vêtue à la mode des commémorations. Quelques jours plus tard, alors qu’elle dort dans sa chambre, la trappe où l’homme de la séquence d’introduction avait jeté les dossiers, s’ouvre. Attirée par ce phénomène, la fillette découvre que sa peluche se trouve à l’intérieur du conduit, mais elle doit y pénétrer entièrement pour pouvoir l’attraper. Suite à cette péripétie, elle tombe gravement malade et, dépassés par les évènements, ses parents envisagent de retourner en Angleterre. Ils n’en n’auront pas l’occasion car leur fille est enlevée sous leurs yeux par une horde d’enfants cagoulés, dont les apparitions soudaines défient les lois de la rationalité. Désespérés, ils entreprennent de retrouver eux-mêmes leur enfant après que la police n’ait pas voulu entendre leur déclaration quant à la nature du mal en cause. Ils subissent ainsi la règle de «celui qui criait au loup», alors qu’ils avaient renvoyé la nounou après qu’elle leur ait signalé l’apparition d’une présence fantomatique dans la maison. Finalement, l’enquête que les parents de la fillette mèneront chacun de leur côté convergera au même endroit et apportera une résolution très différente de celle pressentie initialement.
Ce qui fait l’originalité de Out of the Dark, c’est le fait que l’action se déroule en Colombie, bien que les personnages principaux soient occidentaux. La construction narrative est intéressante car elle opère un basculement d’un premier contexte historique vers un autre qui redéfini l’intrigue et les enjeux thématiques du film. Cela dit, la relation que les étrangers entretiennent avec leur nouvel environnement permet d’articuler plusieurs thématiques et d'insuffler une dimension critique et sociale au film.
Sans parler de «film d’horreur», disons plutôt que Out of the Dark est un «film d’épouvante» où des fantômes viennent tourmenter les habitants d’une maison afin que ceux-ci puissent les aider à résoudre l’injustice dont ils ont été victime et qui les empêchent de quitter définitivement les lieux. En ce sens, Out of the Dark se rapproche des Innocents, de The Changelling ou encore de Crimson Peak, à la différence près que le cadre de l’action n’est pas un manoir d’architecture néo-gothique mais une demeure coloniale entourée par la jungle. Out of the Dark ne donne peut être pas autant d’importance à la bâtisse que les films cités en comparaison, ce qui l’éloigne de ce que serait «le film de hantise». L’action s’étend à d’autres types d’environnements comme les faubourgs de la ville, la jungle et une usine désaffectée. C’est davantage autour de cette dernière que la malédiction qui frappe les enfants trouve sa source. La mise en scène joue dans un premier temps sur l’apparition en demi-teinte des fantômes, comme lorsque le père, observant une photo qu’il a pris de sa fille, découvre un visage dissimulé par les feuillages à l’arrière-plan de l’image. Une fois la présence d’esprits malins confirmée par la narration, l’action plonge occasionnellement de façon plus franche dans l’horreur et le gore comme quand l’un des petits revenants s'automutile explicitement le bras.
Sans apporter grand-chose de nouveau au cinéma fantastique, Out of the Dark se démarque par son cadre original, celui de la jungle colombienne, et un discours critique vis-à-vis du colonialisme d’hier et d’aujourd’hui. La réalisation très classieuse de Lluis Quilez, réalisateur espagnol dont c’est le premier long-métrage, rend le déroulement de l’action d’une fluidité sans faille et le visionnement très agréable. Il manque cependant une touche de folie à ce film pour qu’il laisse une impression suffisamment forte sur le spectateur. Malgré des qualités indéniables, Out of the Dark est un film d’épouvante «grand public» un peu trop lisse pour qu’il puisse s’imposer comme une nouvelle référence du genre.
Un film de Lluis Quilez
Avec : Julia Stiles, Scott Speedman, Pixie Davies, Stephen Rea